Caroline Polachek n’a pas encore commencé un spectacle de théâtre. La favorite de l’indie pop new-yorkaise a sorti son nouvel album vendredi soir au Paradiso d’Amsterdam Désir, je veux me transformer en toi décidé au bon moment d’expliquer en détail un rêve qu’elle avait fait il y a des années. Qu’elle est tombée d’un avion, a pensé qu’elle allait mourir, s’est avérée avoir un parachute après tout mais, oh oh, a explosé en pleine mer, pas alors et, eh bien… une histoire bien trop longue et bizarre qui se terminait par : mon Dieu, comme la vie est belle.
Polachek s’appuie davantage sur ses cordes vocales flexibles, qu’elle a montrées fabuleusement fortes. Il comptait les octaves, toujours un peu plus haut que ce qui semblait faisable et avec un calme improbable. Ceux qui savaient où étaient les plans difficiles retenaient parfois leur souffle, comme avec le très joliment feutré ‘Crude Drawing of an Angel’, qui avait ici plus de profondeur et de structure que sur le nouvel album.
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Hype plaqué argent
La réception à Amsterdam en a dit long sur le battage médiatique autour du grand Polachek, vêtu d’un crop top et d’un short cycliste largement transparent : la chanson d’ouverture « Welcome To My Island » était déjà tellement chantée qu’on ne penserait pas qu’elle n’est sortie que une semaine (enfin, le single est sorti quelques mois plus tôt, mais quand même). Il y a eu une réaction chimique crépitante entre Polachek et le public, et sur scène – bien que très charismatique – elle avait aussi quelque chose de distant, avec son air d’acier et ses mouvements quelque peu répétés. Vers la fin, cette carapace rigide s’est ouverte un instant, lorsque la lumière s’est allumée brièvement, elle a bien regardé son auditoire et a été émue.
Elle a rempli un tiers de la soirée avec des chansons de son premier album Claquer (2019), comme la chanson titre et l’étrange ‘Door’, qu’elle a apporté en live beaucoup plus intense (non moins étrange). Mais c’est le matériel de ce nouvel album – cinq balles dans ce journal – avec lequel Polachek a capitalisé sur le battage médiatique. Comme le ‘Sunset’ rythmiquement intelligent, où son guitariste amené pourrait briller, le ‘Bunny is a Rider’ agréablement rebondissant et aussi ‘Fly To You’, une chanson qu’elle chante sur l’album avec Grimes et Dido, qui sonnait maintenant avec Paradiso comme voix supplémentaire.
Elle a chanté la chanson qui accompagnait la lourde narration du rêve, « Parachute », baignée de fumée et qui résonnait magnifiquement d’ailleurs. Elle l’a gardé très petit et délicat, dirigeant avec précision sa voix sous tous les angles qu’elle voulait sans perdre de puissance. « Allez, prends-moi, je n’ai pas peur de me noyer », ça sonnait dans des inflexions inimitables. Il avait presque quelque chose de religieux, mais ensuite une variante extraterrestre. Il y a peu de choses sur terre qui sonnent comme Caroline Polachek.