«Nous avons prévenu à ce sujet. Mais oui, « plus jamais la guerre » : pourquoi la Belgique n’a que deux frégates


Ce n’est pas difficile : quiconque veut contribuer à la protection des océans du monde a besoin de navires de guerre. La Marine nationale belge dispose de deux frégates en âge de retraite. Vous n’irez pas loin de cette façon.

Jeroen Van Horenbeek

« La Marine belge a été supprimée à deux reprises au cours de son histoire. Une fois juste avant la Première Guerre mondiale et une fois juste avant la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement, cela en dit assez (des rires). L’utilité d’une force navale est invariablement sous-estimée dans notre pays. Quand il s’agit de la marine, on entend toujours : pourquoi avons-nous besoin de navires aussi chers avec un littoral d’à peine 60 kilomètres ? Mais nos intérêts sont bien entendu ailleurs : dans le port d’Anvers, le plus grand d’Europe après Rotterdam.»

L’amiral à la retraite Georges Heeren le prouve : ce dont le cœur du marin est plein, la bouche en déborde. Il a consacré près de quarante ans à la Marine. Il dirigea la marine pendant deux ans. Le fait que la Belgique semble aujourd’hui à peine capable de défendre correctement ses intérêts économiques en mer le dérange clairement : « Nous avions souvent mis en garde à l’époque. Mais oui, « plus jamais la guerre », n’est-ce pas ?

Houthis

Le plus haut gouvernement fédéral a décidé vendredi que la Belgique participerait à la future opération militaire européenne en mer Rouge. Depuis des mois, la situation est agitée à Bab el Mandeb (la « Porte des Larmes »), passage crucial sur la route maritime la plus rapide entre l’Europe et l’Asie. Des dizaines de cargos ont été attaqués par les Houthis depuis le Yémen. Le groupe rebelle menace de couper une artère du commerce mondial. Quoi que nous ressentions. Volvo Gand, le plus grand employeur industriel de Belgique, est resté fermé pendant trois jours cette semaine en raison de problèmes d’approvisionnement. Dans le classement de l’ONU des pays les plus importants au monde en matière de commerce maritime, la Belgique occupe désormais la neuvième place. Juste derrière le Royaume-Uni et devant Hong Kong.

De nombreuses questions subsistent sur le comment et le quoi de la mission européenne en mer Rouge. Ce qui semble pour l’instant certain : la marine belge enverra cette année une frégate pour quelques semaines au Yémen pour servir, avec plusieurs autres navires de guerre, de moyen de dissuasion contre les Houthis.

Faire plus sera difficile. Outre six chasseurs de mines, la marine ne compte aujourd’hui que deux frégates : le Léopold I et la Louise-Marie. Les navires ont été construits à la fin des années 1980 et doivent progressivement être remplacés. En tout cas, ils sont spécialisés dans la lutte contre les sous-marins. Ils disposent de trop peu de défenses anti-aériennes à bord pour intercepter les pluies de missiles en provenance du Yémen. Sans parler des armes avec lesquelles les Houthis eux-mêmes peuvent être bombardés – s’il existe déjà un accord politique à ce sujet, quod non. (La ministre Ludivine Dedonder (PS) a déclaré que l’achat d’une défense anti-aérienne supplémentaire était à l’étude.)

C’était autrefois différent. Depuis des décennies, la Marine belge dispose de quatre frégates : la Wielingen, la Westdiep, la Westhinder et la Wandelaar. Ils ont fait leurs débuts au début des années 1970, en pleine guerre froide. Leur tâche principale est la protection des approches sud-ouest, les eaux au large de l’Irlande. Ceux-ci constituent une partie cruciale de la route d’approvisionnement transatlantique en provenance des États-Unis. Deux guerres mondiales ont démontré l’importance de cette bouée de sauvetage logistique. Si jamais les choses deviennent vraiment incontrôlables avec les Soviétiques, des sous-marins ennemis apparaîtront rapidement.

La marine utilise la « bataille des quatre » : la règle militaire des quatre, qui stipule que quiconque souhaite toujours avoir au moins un navire de guerre en action doit en acheter quatre. Un navire est destiné à la maintenance et à la formation, un autre est en route vers une mission, un autre revient d’une mission et un navire est prêt.

Le Louise-Marie dans la base navale de Zeebrugge.Davy Coghe

Scène de bataille

Heeren : « Mais cette règle est tombée en désuétude depuis les années 1990. Les Russes étaient nos voisins amicaux. Nous ne mènerions que des « guerres de choix » – des opérations que nous avons consciemment choisies nous-mêmes. « Alors pourquoi garder une marine nombreuse et coûteuse ? » À son apogée, la marine comptait plus de 5 500 hommes (en attendant, il en reste un quart, JVH). Lors du remplacement de nos quatre frégates en 2008, seuls deux navires ont été achetés d’occasion aux Pays-Bas : le Léopold I et le Louise-Marie.

La marine a souvent prévenu que la mer resterait un théâtre de guerre important au cours de ce siècle, explique l’amiral à la retraite. « La Russie représente une menace pour notre commerce et les infrastructures situées sur nos fonds marins, comme les pipelines et les câbles de données. Que la Chine développe sa marine à une vitesse vertigineuse, elle s’entraîne déjà en Méditerranée. Que toutes sortes de détroits présentent un risque pour le commerce. Les gens ne nous ont pas écoutés. »

Comme le reste des forces armées belges, la marine a également été frappée par une crise budgétaire au tournant du siècle. Le « deux temps » sera le nouveau modèle : deux frégates, cela suffira aussi. En 2018, la Belgique et les Pays-Bas ont signé un accord pour construire conjointement quatre nouvelles frégates et douze chasseurs de mines. Deux plus six pour chaque pays concerné. Cela semble être la logique elle-même. (Malgré une volonté similaire de réduire les coûts, les Pays-Bas maintiennent toujours une force navale importante, comprenant deux grands navires de transport amphibie et trois sous-marins.)

Ce n’est que récemment que le vent politique a changé à Bruxelles. Au Parlement fédéral, notamment à droite, des voix s’élèvent désormais pour l’achat d’une troisième frégate. Avec l’aide de simulateurs de formation, cela devrait permettre de revenir au bon vieux temps où il y avait toujours un navire prêt. Jasper Pillen, vice-président d’Open Vld, en est l’un des principaux défenseurs. « Une frégate n’est pas bon marché. Cela s’élève rapidement à 1 milliard d’euros chacun. Mais étant donné le contexte géopolitique, nous n’avons vraiment pas le choix. Dans le meilleur des cas, le gouvernement actuel peut encore franchir le pas. Sinon, cela dépend du prochain gouvernement.

Autre chose : après le passage de la Marine belge au Leopold I et au Louise-Marie en 2008, les Wielingen, Westdiep et Wandelaar ont été vendus. À la marine bulgare, pour 54 millions d’euros. Et devine quoi? Ils y sont encore employés aujourd’hui.



ttn-fr-31