Nous avons besoin de menuisiers, mais nous formons des coachs sportifs : pourquoi ?


Lorsque les écoles proposent une nouvelle direction, elles préfèrent choisir le sport plutôt que la construction. Pourtant, le marché du travail a surtout besoin de ces dernières. Pourquoi ne pas intéresser les écoles, les jeunes et les parents à la formation technique et professionnelle ?

Pieter Gordts

Elle est toujours là, la table basse que Korneel Benoit (41 ans) a fabriquée en classe en troisième année et qu’il a pu emporter chez lui. Cela lui fait encore plaisir aujourd’hui de voir la table, tout comme cela lui faisait plaisir de rentrer à la maison avec quelque chose qu’il avait fait lui-même. « Mes frères, qui ont étudié Moderne, ne pouvaient pas faire ça », dit-il.

Aujourd’hui, Benoit dirige sa propre entreprise, spécialisée dans le mobilier sur mesure. Ce qui a commencé comme une entreprise individuelle il y a treize ans est aujourd’hui une entreprise de dix salariés. « Environ tous les deux ans, je dois embaucher quelqu’un », dit-il. Il recrute du personnel grâce à la formation en alternance, forme d’enseignement dans laquelle les étudiants apprennent dans une entreprise trois jours par semaine. « Donc je ne peux pas me plaindre, dit Benoit, car en général c’est difficile de trouver du monde. »

C’est également ce qui préoccupe le Conseil socio-économique de Flandre (SERV). Il prévient – ​​et ce n’est pas la première fois – que les nouvelles orientations que les écoles veulent entreprendre n’apportent pas de réponse suffisante à la pénurie du marché du travail. Les écoles préfèrent commencer par un cursus de sport, de bureautique ou d’art et de création. Le nombre élevé de demandes concernant l’entraînement sportif est particulièrement frappant : auparavant une demande sur vingt, aujourd’hui une sur cinq.

Plus sexy

Les jeunes aiment simplement le sport. Cela semble plus sexy que, disons, les techniques du bois. Ainsi, les écoles subventionnées en fonction du nombre d’élèves sont plus susceptibles d’organiser des cours populaires. Des filières comme le bâtiment, l’électricité ou le travail du bois seront alors laissées de côté.

« Nous ne pouvons pas nous plaindre de la formation générale sur le bois. Il existe plus d’une centaine d’écoles en Flandre qui proposent cela », explique Bart De Waele du centre de connaissances et de formation sectoriel Woodwize. Il s’inquiète cependant des spécialisations qui sont proposées, par exemple, en alternance ou en septième année. « Les écoles choisissent facilement de se spécialiser dans la construction intérieure, alors que nous avons besoin de formations spécialisées comme la fabrication d’escaliers, la fabrication de meubles ou la construction de décors et de stands. »

La SERV plaide pour que l’offre d’écoles soit mieux adaptée aux besoins du marché du travail. Mais il n’est pas facile d’en convaincre les écoles – et les cours techniques ne sont pas toujours faciles à organiser. La pénurie d’enseignants se ressent clairement du côté des enseignants pratiques du bois et de l’électricité. «En outre, ils sont souvent coûteux: il faut de grands studios, beaucoup de machines et il faut suivre le rythme de la numérisation», explique Mieke Valcke, experte en formation à la SERV. C’est précisément pour pouvoir partager ces coûts et ce personnel que la SERV plaide pour une plus grande coopération avec les entreprises.

D’ailleurs, c’est une chose de convaincre les écoles des options techniques, il faut aussi intéresser les parents et les élèves. «Je travaille dans une école technique depuis 35 ans et j’essaie d’améliorer cette image depuis 35 ans», déclare Benny Vandevoorde, directeur de l’école gantoise Tectura. Il divise les orientations qu’il propose en orientations techniques « douces » comme le bureau et « dures » comme la construction, le bois ou la mécanique automobile. Ces derniers sont moins populaires dans son école. « De l’avis des parents, ces dernières sont des directions ‘sales’, où leurs enfants seront moins bien payés. »

Benoit remarque aussi parfois ce problème de perception. « Les gens ne le pensent pas mal, mais parfois ils me disent que j’y suis arrivé aussi », dit-il. L’idée sous-jacente – selon laquelle quelqu’un qui a appris un métier n’y arrive que s’il peut développer sa propre entreprise – le dérange. « Qu’est-ce qui ne va pas avec un bon travailleur qui travaille pour un patron ? », demande-t-il.

« Qu’est-ce qui ne va pas avec un bon travailleur qui travaille pour un patron ? » Korneel Benoit se demande. Il possède sa propre entreprise, mais il est gêné par un problème de perception.Image Stefaan Temmerman

Découvrir

Rien, telle est la réponse, selon Martin Valcke, professeur émérite de sciences de l’éducation (UGent). « De plus, pour beaucoup de jeunes, découvrir une direction où ils peuvent travailler sur des problèmes concrets du quotidien est un véritable soulagement. Beaucoup d’entre eux se sentent alors mieux dans leur peau que s’ils restaient dans une direction générale.»

Le gouvernement souffre également de ce problème d’image, estime le professeur. « L’objectif de la modernisation de l’enseignement secondaire était de supprimer les divisions entre ASO, TSO et BSO. Cela a été bloqué, nous nous retrouvons donc désormais avec un échec dans la modernisation.»

Cependant, le ministre flamand de l’Éducation Ben Weyts (N-VA) et son collègue du Werk Jo Brouns (CD&V) travaillent sur un « plan visant à renforcer le TSO et le BSO ». Mais il est significatif qu’après avoir introduit sa règle selon laquelle les nouveaux cours doivent avoir au moins cinq étudiants, Weyts ait rapidement rendu possible une exception pour le latin. Alors que De Waele et ses collègues réclament depuis des années plus de flexibilité dans l’offre d’années de spécialisation, une telle règle rend « presque impossible » l’organisation des orientations spécialisées nécessaires en matière de bois.

La question reste de savoir ce qui peut être fait. La solution avancée par de nombreux experts est simple : faire en sorte que tous les acteurs de l’éducation, des enseignants du primaire aux employés des CLB, connaissent mieux les domaines techniques et professionnels.

«Une classe de sixième année s’est récemment rendue ici pour inspirer son choix d’école», explique Vandevoorde. « Leur professeur a été choquée lorsqu’elle est entrée dans nos studios : ‘Je ne savais pas que tu travaillais avec autant d’ordinateurs !’ Le fait que même un enseignant dise quelque chose de pareil contribue à expliquer l’image erronée qui existe parfois de nous.



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