Mura Masa / temps démon


Mura Masa a failli abandonner la musique pendant la pandémie. Il a fait un disque déprimant, l’a jeté et a acheté un tour de potier. Le producteur britannique a repris ses esprits lorsqu’il a entendu le hit pop bubblegum de 2004 ‘Gâteau de bébé‘ de 3 of a Kind et a rappelé que la musique pouvait être amusante sans nécessairement avoir à “dire quelque chose de profond sur la condition humaine”.

On apprécie qu’il existe des artistes dont le but est simplement de faire passer un bon moment au public, et Alex Crossan en fait partie, au point que le titre de ‘demon time’ fait allusion à la “naughty hour” de la nuit qui va de 1h à 5h du matin. C’est un album amusant et convivial, plein de sonorités colorées et hyper ciblées, qui garantit un peu de plaisir pop.

‘bbaycakes’ est la genèse du ‘demon time’. Le morceau s’appuie sur le refrain du hit susmentionné et, avec l’aide de Lil Uzi Vert, Shygirl et PinkPantheress, le recontextualise en une production hyperpop de bubblegum addictive comme du sucre. La chanson, pleine d’effets spéciaux, est fantastique, mais ce n’est pas la seule de l’album qui soit aussi imaginative. Il y a le hip-hop survitaminé de la chanson-titre, les petits sons de jeu vidéo de ‘slomo’ ou ‘2gether’, tout un méli-mélo qui mélange des guitares grunge avec des voix robotiques et un rythme trépidant typique de la future basse… mais pas si typique.

Au cas où ce ne serait pas clair, “demon time” est essentiellement l’album hyperpop de Mura Masa, et il fonctionne mieux lorsqu’il se livre au chaos des coupes susmentionnées ou lorsqu’il rappelle les meilleures Azealia Banks de la latin house et “hollaback bitch” avec Shygirl et Channel Three. L’album est moins convaincant lorsqu’il baisse les effets spéciaux : le rythme disco lo-fi de ‘prada (j’aime ça)’ serait intéressant si la chanson ne sonnait pas comme une reprise de Calvin Harris, et que Clean Bandit soit capable d’écrire ‘blush’ les yeux fermés alors qu’ils n’auraient sûrement pas l’imagination de citer, dans les paroles, ‘Blow Your Mind’ de Dua Lipa. La référence vient de la bouche de LEILAH, l’une des nombreuses artistes invitées de l’album.

Car oui, ‘demon time’ est une autre œuvre de Mura Masa qui ne serait rien sans ses collaborateurs. slowthai sonne à nouveau à sa sauce dans l’électropunk de ‘up all week’, même si leurs précédentes collaborations sont bien meilleures; Erika de Casier prend peu de risques dans ‘e-motions’ même si le thème est coucou, et le talent tiktok se fait sentir dans ‘slomo’ de la main de Tohji & Midas The Jagaban. Ils contribuent tous à la fête qu’offre le « temps du démon », qui n’est pas historique, mais qui n’a pas besoin de l’être non plus. En ‘demon time’, Mura Masa divertit avec un album volontairement sans conséquence, mais plein de productions colorées et imaginatives.



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