Mgr Roger Vangheluwe était-il secrètement un incroyant ?

L’avocat de l’Église Rik Torfs a publié une contribution en réponse au programme VRT Canvas Paumé, sur les abus sexuels dans l’Église catholique, quelques suggestions. Maarten Boudry et Dirk Verhofstadt craignent de ne faire que perpétuer la « culture de la dissimulation ».

Maarten Boudry et Dirk Verhofstadt

« L’Église en tant qu’institution a lamentablement échoué. » C’est ce qu’écrit l’avocat de l’Église et ancien recteur de la KU Leuven, Rik Torfs, en réponse au premier épisode de Godforgotten sur VRT Canvas. (DM 7/9). Une conclusion justifiée. Mais en outre, les victimes ne doivent pas se faire d’illusions, car Torfs, comme les dirigeants actuels de l’Église, continue de commettre les mêmes erreurs que par le passé.

Martin Boudry est philosophe des sciences à l’Université de Gand, Dirk Verhofstadt est philosophe moral à l’Université de Gand.

Premièrement, il affirme que ces crimes odieux – les abus sexuels et le viol d’enfants – constitueraient un « acte d’incrédulité ». En d’autres termes : seuls ceux qui sont « incroyants » peuvent tromper les enfants. Cette tentative éhontée de lier les milliers de crimes commis par des prêtres et des pères catholiques à « l’incrédulité » est un exemple classique de «pas de vrai Écossais‘-erreur. Dialogue : « Les Écossais ne mettent pas de sucre dans leur thé. » – « Mais mon oncle Angus est écossais et il met du sucre dans son thé. » – « Eh bien, les vrais Écossais ne mettent pas de sucre dans leur thé. »

Secrètement incrédule

Existe-t-il ne serait-ce que l’ombre d’une preuve que les milliers d’agresseurs d’enfants qui ont agi pendant des décennies dans les murs d’institutions religieuses, souvent au su de leurs confrères et supérieurs religieux, étaient des incroyants secrets, ou moins religieux que les soi-disant « vrais chrétiens » ?  » ?

De plus, les dissimulations étaient invariablement justifiées par des arguments religieux : la réputation de l’institution qui assurait le salut de l’humanité entière devait primer. Et selon le christianisme, ne sommes-nous pas tous de pauvres pécheurs, et « que celui qui est sans péché jette la première pierre » ?

Prenez l’évêque Roger Vangheluwe, qui a abusé sexuellement et violé deux de ses neveux pendant des années. Lorsqu’une des victimes lui en a parlé, l’évêque a fait appel au cardinal Godfried Danneels, le plus haut gradé de l’Église catholique belge.

Danneels n’a pas puni Vangheluwe, mais a tenté de persuader la victime de garder le silence. Ce n’est que lorsque cela a été révélé grâce à des bandes audio diffusées que le Vatican a ouvert une enquête ecclésiastique.

Vangheluwe quitte alors son diocèse et vit désormais « en secret ». Il conserva son statut d’évêque et sa pension correspondante et ne fut jamais puni par l’Église. En 2022, il réapparaît dans une procession festive à l’abbaye bénédictine de Solesmes en France. Vangheluwe était-il secrètement un incroyant ? Le plus haut clerc de notre pays n’était-il pas un « vrai chrétien » ?

Deuxièmement, Torfs affirme que Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, devenu plus tard le pape Benoît XVI, est intervenu pour éviter toute dissimulation. Le contraire est vrai.

Le pape Jean XXIII a publié la directive papale secrète en 1962. Demandes criminelles problème. Les auteurs, la victime et tous les témoins ont dû garder un « silence absolu et éternel » sur les faits incriminés. Quiconque rompait ce silence était puni d’excommunication.

L’homme qui a dû veiller au respect de cette directive pendant des années était Ratzinger. En 2001, il envoie des instructions à tous les évêques Sacramentorum sanctitatus tutelaqui précise que les prêtres qui abusent des mineurs doivent être jugés par la Congrégation et sont soumis au « Secret Pontifical ».

Il n’existe aucune obligation de signaler ces pratiques au tribunal. En même temps, il était laissé aux évêques locaux, « sans rendre publiques ces affaires », de transférer les prêtres concernés vers d’autres paroisses, où ils pourraient faire de nouvelles victimes.

Tribunaux ecclésiastiques

Enfin, et pire encore, Torfs préconise l’installation de « tribunaux ecclésiastiques totalement indépendants ». C’est un contradiction dans les termes. Une autorité soumise à une institution religieuse autoritaire n’est par définition pas « indépendante ». En matière de crimes, ce n’est pas aux tribunaux de la charia, aux systèmes d’arbitrage religieux, au droit canonique ou à toute autre législation parallèle de juger un auteur potentiel, mais aux tribunaux civils.

Quiconque prend au sérieux l’État de droit laïc et le principe d’égalité devant la loi ne peut accepter que des institutions ou des religieux se croient au-dessus des lois et appliquent leurs propres règles. Tout citoyen qui a connaissance d’un cas de maltraitance sur un enfant, y compris tout membre du clergé, a le devoir de le signaler immédiatement à la police et aux tribunaux.

Espérons que grâce au programme Paumé enfin la fin de toutes les formes de secret, de dissimulation, de secret confessionnel et de tribunaux ecclésiastiques, qui ne servent qu’à protéger l’image de l’Église. Et que les victimes d’abus sexuels et leurs proches survivants reçoivent une compensation appropriée pour les souffrances qui leur sont infligées dans l’enceinte de l’église et d’autres institutions religieuses.



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