Maserati Boomerang : Giugiaro, comme dans une F1

Il y a cinquante ans, la Maserati Boomerang ouvrait la voie aux coupés sportifs du futur

Savina Confaloni

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Savina Confaloni

Une longue ligne horizontale résolument lancée du côté d’un nouveau coupé sport biplace avec le Trident sur le capot : futuriste, extrême, projeté dans un autre siècle. Présentée en version statique à Turin en 1971 puis au salon de Genève en 1972, en roulage, la Maserati Boomerang fête ses cinquante ans, un modèle unique dessiné par Giorgetto Giugiaro avec ces lignes cunéiformes et ces traits nets qui inspirera de nombreux constructeurs automobiles au cours des années à venir. Une page d’histoire que nous retraçons avec son grand créateur.

MASERATI BOOMERANG : LES ORIGINES

En novembre 1971, au Salon de l’auto de Turin, ce qui semblait à toutes fins pratiques une « sculpture » extrême, conçue pour sortir des sentiers battus sans aucune ambition commerciale, fait sa première apparition : la Maserati Boomerang. Il ne s’agissait pas d’un véritable prototype, mais d’un modèle statique, « complet », avec l’extérieur et l’intérieur réalisés en bois d’épo, le soi-disant bois époxy. Le vrai modèle motorisé développé sur le châssis de la Maserati Bora avec un moteur 8 cylindres en V de 310 ch arrivera cinq mois plus tard, au salon de Genève 1972. C’était l’heure des lignes cunéiformes, pénétrantes, acérées, collées au au sol, des tôles pliées en arrière qui au départ étaient une provocation, mais ont fini par dicter aux carrossiers et à leurs créatifs le leitmotiv d’être reproposés, allégés et affinés dans les traits stylistiques des voitures destinées à la production en série. « C’était une voiture inspirée de mon expérience – explique Giorgetto Giugiaro – puisque j’avais déjà conçu l’Alfasud Caimano en 1971, la Lotus Esprit en 1972 et en 1973 le prototype Audi Karmann Asso di Spache arriverait pour le constructeur d’Osnabruck dont je suis issu la configuration officielle de la VW Scirocco de 1974 ».

LE DESIGN DE MASERATI BOOMERANG

La Maserati Boomerang étonne avec des lignes absolument inattendues du point de vue des inclinaisons et des thèmes de trapèze. « L’aspect le plus impressionnant de l’avant du Boomerang est constitué par l’inclinaison de seulement 13° du pare-brise par rapport au plan du capot – précise Giorgetto Giugiaro – et je vous laisse imaginer à quelle concentration le conducteur doit se soumettre pour suivre le tracé de la route, enfoncé sur un siège bas, presque jusqu’au sol, comme un pilote de Formule 1 ». Toute l’architecture du Boomerang est centrée sur le thème trapézoïdal qui entoure les surfaces vitrées du pare-brise, des vitres des portes et de la lunette arrière. Des lignes qui marquent également le profil de l’avant dans la vue en plan et entourent le large pilier au-dessus de la roue arrière. La partie arrière du flanc est également très innovante, mettant en avant le retour vers l’intérieur de la tôle dans la bande inférieure. En ce qui concerne les blocs optiques, Giugiaro avait décidé d’insérer des phares carrés rétractables à l’avant, tandis que l’arrière comportait des phares horizontaux profilés.

PROVOCATIONS INTÉRIEURES

La provocation généralisée présente dans le projet Maserati Boomerang de Giorgetto Giugiaro se retrouve également dans l’habitacle. « Par opposition aux lignes tendues de l’enveloppe extérieure – dit le designer – avec une présomption « jeunesse » il y a cinquante ans, j’imaginais introduire une grosse masse cylindrique à l’intérieur dans le but d’envelopper la colonne de direction et de loger toute l’instrumentation à l’intérieur d’un disque plat entouré par le volant ». Giugiaro rappelle comment, dans les centres de recherche et auprès des instances en charge de l’homologation internationale, les pressions se faisaient de plus en plus pressantes pour augmenter les systèmes de sécurité pour protéger le conducteur en cas de choc frontal dans les années 1970. « C’est ici que pour le prototype de marque Maserati, les designers d’Italdesign, dirigés par mon partenaire technologue Aldo Mantovani, ont conçu la colonne de direction divisée en deux blocs : l’extérieur pouvait être rétracté pour amortir l’impact et empêcher l’airbag de s’échapper ».

REINE DES SALONS ET DES COLLECTIONS

La Maserati Boomerang présentée en modèle statique au Salon de Turin 1971, fait son apparition au volant au Salon de Genève de l’année suivante. La base utilisée par Italdesign dans le châssis et la mécanique était celle de la Maserati Bora, avec un moteur arrière central, 8 cylindres de 4 719 cm3 et 310 CV, une propulsion arrière et une boîte manuelle à cinq vitesses. En 1974, il a été vendu à un client espagnol, changeant de mains dans les années suivantes, jusqu’à arriver dans la collection du suisse Albert Spiess. En 2014, la voiture a été choisie comme protagoniste de la campagne automne-hiver de la maison de couture Louis Vuitton avant d’être vendue aux enchères, en 2015, par Bonhams, à l’occasion du Chantilly Arts & Elegance Concours d’Elegance. Aujourd’hui la Maserati Boomerang se retrouve dans le garage d’un grand collectionneur étranger, alors que, selon les rumeurs, un exemplaire à moteur Corvette aurait été construit au Mexique dans les années 70 par un passionné et fan de Giorgetto Giugiaro.







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