Martin Parr arrive à Bologne avec l’exposition Short & Sweet. Une occasion de le découvrir et d’apprécier les mille suggestions qui se dégagent de son travail. Critique, irrévérencieux, ironique, plein d’esprit, éclairant. Un photographe qui nous invite à nous regarder et à réfléchir.


LELe grand photographe anglais soigne son travail.
Cela me fait sourire de l’écrire. Normalement, s’il n’y a pas de signature du commissaire, il est implicite que l’auteur est commissaire de l’exposition. Mais il l’écrit, bien en gros entre le titre et le nom de l’artiste (toujours lui), pour mieux éviter les doutes. Attention, ce n’est pas de la vanité.

« Strordinarie », l'exposition photographique débarque à Milan

Signer son œuvre, c’est souligner sa volonté – non seulement lors de la prise des images – mais également lors de la conception du graphisme, de la couleur des murs, de la position des lumières, des textes exposés, du parcours de l’exposition.

Martin Parr nous dit qu’une exposition, c’est bien plus que des œuvres accrochées au mur. C’est un concert où il faut faire jouer les cors, puis les percussions et décider quand les cordes entrent et ainsi de suite.
Martin Parr est l’un des photographes vivants les plus importants.

Cela plaît, agace, amuse, dégoûte.

Peut-être que personne ne suscite des opinions et des réactions aussi contrastées que lui. Ce qui est sûr c’est que on ne peut l’ignorer pour comprendre la photographie contemporaine et, il faut le reconnaître, comprendre la société à travers elle.
Anglais à souhait, ce monsieur très grand et souriant est né au Royaume-Uni, à Epsom, dans le Surrey, en 1952. De 1970 à 1973, Parr a étudié la photographie à la Manchester Polytechnic.
En 1994, il devient membre du Magnum Photos, la célèbre agence de photographie, fondée par les photographes Robert Capa avec Henri Cartier-Bresson, David Seymour et George Rodger en 1947.
Au cours des vingt dernières années, il a exposé son travail partout dans le monde, enseigné dans des institutions prestigieuses, organisé de nombreux festivals, dont l’édition 2004 des Rencontres d’Arles. Il a remporté de nombreux prix, publié plus de 120 livres et en a édité au moins 30 par d’autres auteurs.

Phénoménal, infatigable, éclectique, curieux, très cultivé.

C’est un anthropologue, un sociologue, un observateur attentif et aiguisé des phénomènes de masse. Avant lui, la photographie de documentation sociale était ancrée dans un lyrisme, imprégné d’une vocation humaniste, souvent même humanitaire. Avec Parr, le huitième art devient un instrument d’investigation, une loupe des dérives de la société de consommation, il devient moquerie, ironie, critique. Avec la série Small World, il documente le tourisme de masse ; avec Common Sense le consumérisme et les déchets qui imprègnent nos vies, pour ne citer que les plus célèbres. Son langage photographique adhère au projet. Si pour le tourisme de masse les images deviennent des photos souvenirs, au même titre que celles des touristes, dans les séries du bon sens les détails, les couleurs exagérées, les formats macro parlent d’eux-mêmes. Ce qui frappe dans l’œuvre de cet immense auteur, c’est le choix conscient qui anime chaque projet d’où l’osmose étudiée par laquelle chacune de ses œuvres se confond avec le thème qu’elle traite.

Photographe critique, mais pas moraliste

Angleterre. West Bay, petite ville balnéaire du Dorset. De « Baie Ouest ». 1996.

Martin Parr s’adresse au public, il veut que les gens regardent ses images de gens. Il photographie les lieux où se déroule la vie : plages, restaurants, fêtes, lieux de rencontre où les comportements et habitudes de cette civilisation décadente se manifestent dans toute leur brutale barbarie contemporaine. Sa photographie est critique, mais pas moralisatrice. Il aime ce qu’il photographie: qu’il s’agisse d’une paire de pieds en sandales, d’un bistrot, d’une table dressée ou de restes crasseux, d’un mannequin ou de gens ordinaires en intérieur, sa démarche ne change pas.
Après tout, c’est aux intentions que se reconnaît la valeur intellectuelle d’un auteur.
Pour ceux qui l’auraient manqué à Milan, il y a mille raisons d’aller voir l’exposition Short & Sweet jusqu’au 6 janvier 2025 Musée Archéologique Civique de Bologne et découvrez Martin Parr et un particulier pour nous les Italiens : apprendre ce que britishness (Britannique). Personne n’a pu nous le dire plus que lui. Avec amour et esprit critique.

MARTIN PARR Short & Sweet jusqu’au 6 janvier 2025 Musée Archéologique Civique de Bologne

24 ORE Culture – 24 ORE Group En collaboration avec le Secteur des Musées Civiques de Bologne | Photos du Musée Archéologique Civique et de Magnum

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