Madonna, toujours insaisissable quand il s’agit de regarder vers le passé, commence sa série de rééditions chez Warner avec une triple compilation de ses 50 numéros 1 des charts dance américains. Le concept est un peu délicat, presque autant que les charts Billboard. La danse, éteinte depuis la pandémie, était alimentée par certains DJ. Du côté de Madonna, il manque le numéro 1 ‘Causing a Commotion’ (on a préféré le remplacer par des morceaux tirés d’un megamix de l’album ‘You Can Dance’ qui était aussi top 1). Et côté Billboard, on ignore quels sont ces clubs où ‘I Rise’ a tant joué, par exemple.

Pour cette raison, l’album ne finit pas par fonctionner comme les « plus grands succès » habituels, comme il semble pendant presque tout le CD1. Les remixes deviennent de plus en plus méconnus au fur et à mesure que la séquence avance, et il manque de nombreux hits qui n’ont pas fait partie des palmarès de la danse (‘La Isla Bonita’), ou qui n’étaient pas numéro 1 pendant un moment (‘Papa Don’t Preach ‘, ‘Borderline’, ‘Dress You Up’), ainsi que bien sûr des ballades (‘Live to Tell’, ‘Crazy for You’).

Le fonctionnement de « Finally Enough Love » ressemble à un examen de ce qu’ont été les pistes de danse au cours des 40 dernières années. En ce sens, peu d’artistes pourraient publier une compilation de remixes aussi riche que celle de Madonna, c’est le moins qu’on puisse dire. Dans les années 80 on retrouvait les « edits » 7″ ou 12″, qui n’étaient que des versions un peu falsifiées pour les radios et les vidéos, qui nous paraissent donc très familières. Dans les années 90, la dérive vers la house et la techno est évidente. A l’approche de 2010, l’EDM prend le relais.

La meilleure chose à propos de « Finally Enough Love » est la remasterisation des grands classiques par Mike Dean. La nouvelle texture donnée à ‘Holiday’, ‘Everybody’ ou ‘Into the Groove’ les rend si actuels qu’il semble que Dua Lipa va apparaître pour faire des refrains à tout moment. Puis les remix deviennent un peu culottés, quelque part à la fin des années 90 ou au début des années 2000, entre ‘Nothing Really Matters’ et ‘Love Profusion’, avec une overdose de bongos et de batterie qui rappelle en ce moment Fangoria. Ainsi ils sauvent la curieuse electro de Felix Da Housecat pour ‘American Life’ et le mix trance presque instrumental de ‘What It Feels Like for a Girl’ qui a été conçu en contraste avec son clip vidéo violent, la seule bonne chose qu’ils ont faite ensemble Madonna et Guy Ritchie, à l’exception de Rocco.

Les années post-‘Hung Up’ très médiatisées, qui ont laissé de bonnes chansons bien que le monde ne veuille pas les voir, fournissent en fait les remix les plus populaires de tout cet album, comme l’interprétation d’Avicii de ‘Girl Gone Wild’ ou le de ‘Celebration’ par Benny Benassi. Cependant, à ce stade de l’album, les hits deviennent moins cohérents et l’apparition de choses comme « I Don’t Search I Find », qui donne également son titre à l’album, est inhabituelle. Ce n’était même pas l’une des meilleures chansons de ‘Madame X’. « God Control », un favori des fans, ou « Faz gostoso », le « non-single » avec le plus de streams de toute l’histoire de Madonna, aurait dû occuper cet espace.

« Finalement Enough Love » a ses hauts et ses bas, à commencer par une mauvaise édition physique : le livret du triple CD contient quelques brèves notes sur les 50 remix qui ne sont pas mauvaises, mais pas ce que nous attendons en termes de pages, de photos, de design et d’enveloppe .. tous les textes des rééditions Warner imminentes. Plus tard, chacun pourra porter plainte : le remix de ‘Like a Prayer’ se perd dans une expérimentation rare dans ce contexte et celui de ‘Living for Love’ qui aurait dû être joué dans les cours de spinning est Celui de Mike Rizzo et non d’offrir Nissim’s pour les Britanniques. Quelqu’un voulait-il vraiment se souvenir des Britanniques ?

En tout cas, ce sont les remix préférés de Madonna elle-même et les curiosités sont nombreuses. On peut parler de l’évolution de notre sens du ‘funky’ depuis l’époque de ‘Secret’ avec Junior Vasquez jusqu’à ‘Crave’ de Tracy Young, avec beaucoup plus de French Touch. Ou l’évolution de notre sens du kitsch, de l’époque de ‘Don’t Cry for Me Argentina’ même sans la partie spanglish «¡¡Soy argentinaaaa!!!», à celle de ‘Bitch I’m Madonna’ avec Sander Kleinenberg et Nicki Minaj. Des favoris des fans comme la collaboration tant attendue avec Pet Shop Boys sur « Sorry », et détesté comme la collaboration avec LMFAO sur « Give Me All Your Luvin », qui réduit MIA au strict minimum.

Ces derniers temps, il ne reste plus que le public LGBT + et pas tellement le grand public pour écouter des choses comme ça ou le remix paradisiaque de «Turn Up the Radio», mais cela ne doit pas être une mauvaise chose. Ce sont les versions de « Music », « Hung Up », « Girl Gone Wild » et « Medellín » qui ont été jouées dans des clubs queer, des saunas et des chambres noires ; des endroits où « l’âgisme » est moins évident et visible et où personne ne veut entendre Taylor Swift, Harry Styles ou Olivia Rodrigo. Et en plus : Tracy Young a été la première femme à remporter un Grammy du meilleur remix pour ‘I Rise’, avec ce que cela implique aussi pour la communauté lesbienne. Pour les « plus grands succès », il y avait déjà « The Immaculate Collection » et « Celebration » ; cette autre vision méritait aussi sa place dans l’histoire.



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