Le président français Emmanuel Macron se rendra jeudi en Algérie pour une visite de trois jours destinée à apaiser les tensions diplomatiques et à rétablir une relation marquée par l’histoire chargée de la domination coloniale française et la guerre féroce qui a conduit à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Macron aura plusieurs entretiens en tête-à-tête avec Abdelmadjid Tebboune, le président algérien.

Des tensions ont éclaté l’année dernière après que Macron a accusé le gouvernement algérien d’« exploiter la mémoire » de la période coloniale et de « réécrire l’histoire » en se basant non pas sur des faits mais sur un discours qui reposait sur la « haine de la France ».
Macron a demandé si un État algérien avait existé avant la colonisation française, une question rhétorique que beaucoup ont trouvée offensante. L’Algérie a rappelé son ambassadeur en signe de protestation pendant trois mois.

L’immigration a également été un point sensible. En octobre, la France a réduit le nombre de visas accordés aux Algériens, aux Tunisiens et aux Marocains en réponse à ce que Paris considérait comme leur refus de reprendre les migrants illégaux. Depuis mars, l’Algérie a délivré des papiers temporaires à environ 300 de ses citoyens pour leur permettre d’être expulsés de France, contre seulement 17 l’année dernière et 91 en 2020, selon les chiffres de l’Elysée.

La sécurité au Mali voisin, qui lutte contre une insurrection jihadiste, et au Sahara devrait également être à l’ordre du jour. La France a récemment achevé le retrait de ses troupes du Mali.

Le président français sera accompagné non seulement de ses ministres des Finances, de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères, mais également d’une délégation d’environ 90 personnes comprenant le milliardaire des télécoms Xavier Niel, la boxeuse olympique française Sarah Ourahmoune et le romancier Kamel Daoud. La composition variée de la délégation met l’accent sur le soft power pour apaiser les tensions et renouer une relation complexe souvent hérissée d’émotions mais sous-tendue par des liens économiques forts et la présence d’une importante diaspora algérienne en France.

Bien que l’Algérie soit un grand producteur d’énergie, l’Elysée a déclaré que les nouvelles importations de gaz ne sont pas au centre de la visite, et que de gros contrats de défense ne sont pas attendus. Le programme de Macron comprend des rencontres avec de jeunes entrepreneurs algériens, une visite dans un magasin de disques bien connu de la ville portuaire d’Oran, berceau de la musique Rai, et un spectacle de breakdance. Un responsable de l’Elysée a déclaré que « le choix a été fait d’orienter cette visite vers l’avenir et donc les start-up, les innovations, la jeunesse et les nouveaux secteurs ».

L’histoire chargée des deux pays sera au centre des préoccupations. Macron emmène avec lui le grand rabbin de France Haïm Korsia et l’historien Benjamin Stora, fils d’une famille juive ayant fui l’Algérie à l’indépendance. Stora a rédigé l’année dernière un rapport commandé par Macron recommandant les étapes nécessaires à la « réconciliation des mémoires » entre l’Algérie et la France pour se réconcilier avec l’histoire coloniale.

Mais Nacer Djabi, professeur de sociologie à l’Université d’Alger, a déclaré que le président français aurait du mal à courtiser les Algériens. Beaucoup d’Algériens trouveraient « psychologiquement difficile de passer outre » ses propos. Il a ajouté que l’Algérie se sentait désormais en position de force vis-à-vis France, compte tenu de la demande accrue pour son gaz.

Macron a fait de la réparation des blessures historiques entre la France et l’Algérie une priorité depuis son élection en 2017. Il a décrit le colonialisme comme « un crime contre l’humanité » mais s’est abstenu de s’excuser pour les 130 ans de la France en Algérie. Il est devenu le premier dirigeant français à reconnaître publiquement le rôle de l’État dans la torture pendant la guerre qui a précédé l’indépendance de l’Algérie.

Xavier Driencourt, qui a été ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, a déclaré que cette visite élaborée était un signe de l’importance de la relation bilatérale, mais il s’est demandé ce qui serait réalisé.

« La partie française voudra peut-être remettre un peu plus de positivité dans la relation, mais d’après mon expérience, l’Algérie ne réagit que lorsqu’elle est forcée par la dynamique du pouvoir », a-t-il déclaré. La question des visas liée à l’acceptation par l’Algérie de ses citoyens que la France veut expulser restait « un sujet très sensible, et la France attend toujours des résultats ».



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