Le scénario est connu, mais l’issue finale est cette fois beaucoup moins certaine. Comme en 2017, le second tour de l’élection présidentielle française opposera le président Emmanuel Macron (La République en marche) à l’extrême droite Marine Le Pen (Rassemblement National). Mais contrairement à ce moment-là, Macron n’est plus le favori évident.
Dans les dernières prévisions de lundi matin, il est toujours le leader avec presque tous les votes comptés, avec 27,4 % des voix, contre 24 pour Le Pen. Mais là où Macron pouvait s’appuyer sur l’image du nouveau venu il y a cinq ans, un fort sentiment anti-Macron a émergé chez une partie des électeurs français. Les électeurs de gauche, qui se sont ralliés à Macron au second tour à l’époque, sont particulièrement déçus de sa présidence.
Selon un premier sondage de l’agence Ifop, juste après la publication des prévisions, Macron l’emporterait de justesse au second tour, avec 51 % contre 49 %. À titre de comparaison, en 2017, le président a remporté une victoire électorale de 66,1 contre 33,9 %.
Classique gauche et droite à la marge
Il est également frappant de constater que les deux candidats devancent de loin tous les autres concurrents au premier tour. La gauche et la droite classiques ont ainsi été une nouvelle fois repoussées à la marge, encore plus que lors des précédentes élections présidentielles, où elles ont également échoué à atteindre le second tour.
Une exception à cela est le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), qui se classe en troisième position avec 21,2 %. C’est peut-être un prix de consolation pour la gauche, qui est entrée dans les élections fortement divisée. Il est vrai que Mélenchon doit aussi faire reculer pour la finale, mais il se qualifie bien devant l’extrême droite Éric Zemmour (Reconquête, 7,2 %) et la droite Valérie Pécresse (Les Républicains, 4,8 %). Le rattrapage de Mélenchon, qui s’est glissé dans les sondages ces dernières semaines, est frappant après une campagne où l'(extrême) droite a largement réussi à donner le ton, mettant l’accent sur des thèmes comme l’immigration, la sécurité et l’identité française.
Une perte douloureuse est – tout à fait attendue – pour le Parti Socialiste, le parti de l’ancien président François Hollande. Après la défaite électorale de 2017, le parti semble désormais encore plus écrasé. La candidate socialiste à la présidence et maire de Paris, Anne Hidalgo, devrait recueillir 1,7 % des voix. Yannick Jadot, leader des Verts français EELV, a obtenu 4,8 %.
Pouvoir d’achat
Jusqu’à récemment, peu s’attendaient à une bataille aussi passionnante entre Macron et Le Pen. Au début de la guerre contre l’Ukraine, peu de choses semblaient s’opposer à un nouveau mandat pour Macron. Macron a à peine eu le temps de faire une campagne électorale et la guerre lui a permis de s’imposer comme l’homme d’État et le leader européen qu’il veut si désespérément être. De cette façon, il a également pu bénéficier de «l’effet de ralliement autour du drapeau»: l’augmentation de la confiance des citoyens envers le chef du gouvernement en temps de crise.
Ces dernières semaines, Marine Le Pen a réalisé un remarquable rattrapage dans les sondages. Les hausses de prix consécutives à la guerre en Ukraine ont fait du pouvoir d’achat le thème électoral en France, et c’est ce que Le Pen a réussi à attirer le plus. En tant que « candidat pouvoir d’achat », elle a sillonné les villages en promettant aux ouvriers, pêcheurs et autres Français touchés par le prix du pétrole de « rendre leur argent », en proposant par exemple de baisser les taxes sur les produits de première nécessité et l’énergie.
Avec une concentration totale sur le pouvoir d’achat et l’arrivée du plus radical Zemmour, son challenger de droite, les opinions de Le Pen sur des questions comme l’immigration ont également reçu moins d’attention que lors des élections précédentes.
Par exemple, Macron est tombé dans les sondages de plus de 30 % au début de la guerre d’Ukraine à environ 26 %. Avec les résultats actuels, cela promet d’être au coude-à-coude au second tour, les électeurs devant choisir entre les deux candidats restants.
Le Pen pourra peut-être compter sur une grande partie des électeurs d’Éric Zemmour. Selon un sondage réalisé par l’agence de recherche Ipsos, un cinquième des électeurs de Mélenchon et un quart des électeurs du conservateur Pécresse iraient également dans le camp Le Pen.
Cela dépendra donc principalement du nombre de personnes capables de persuader les deux candidats d’aller aux urnes. Beaucoup de Français se moquent des élections. Selon les premiers résultats, 25 à 26,5 % des électeurs ne se sont pas présentés. C’est plus qu’en 2017, où 22 % des Français n’avaient pas voté. À l’approche des élections, Macron a déjà mis en garde contre un scénario de Brexit, dans lequel un grand groupe de personnes restant chez elles pourrait conduire à un résultat imprévisible.
Le second tour, auquel ne participent encore que les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour, aura lieu le 24 avril.