L’Ukraine ose aussi parfois déformer les faits, et en Occident, nous semblons oublier que

La propagande de guerre n’est pas propre à la Russie. Une New York TimesL’enquête sur une frappe meurtrière de missile montre à quel point l’Ukraine ose également déformer les faits. L’oublions-nous trop souvent ?

Michel Martin

Une enquête sur Le New York Times présente sous un jour différent l’impact récent d’une roquette sur un marché de la ville ukrainienne de Kostiantynivka le 6 septembre. Le journal affirme que toutes les preuves – images satellite, débris ou témoins au sol – indiquent qu’il s’agissait d’un missile anti-aérien ukrainien qui a raté son tir. Cela a coûté la vie à au moins seize civils.

Quelques heures après les faits, le président Zelensky parlait d’une « attaque terroriste » de la Russie. En Ukraine, on ne comprend pas vraiment que le ballon soit actuellement percé. Plusieurs chaînes officielles indiquent que l’enquête est en cours et que les « spéculations » actuelles dans les médias internationaux sont « activement utilisées pour la propagande russe » et « entraînent la croissance des théories du complot ».

Cette réponse rejoint une critique souvent entendue : selon laquelle les médias occidentaux servent l’agenda ukrainien, ou sont « censés » le faire. Bien que le New York TimesLes reportages indiquent le contraire : les accusations initiales de Zelensky ont été facilement acceptées par de nombreux médias internationaux. Et pourtant, les affirmations russes dans les reportages sont souvent baignées de commentaires critiques.

Scénario serré

Il est devenu clair dès le début de la guerre que l’usine de propagande faisait également des heures supplémentaires en Ukraine. Il y avait les images héroïques du « Fantôme de Kiev », un avion de combat qui a abattu plusieurs ennemis au-dessus de la région de Louhansk. Ou les soldats ukrainiens de Snake Island, morts en martyr. En y regardant de plus près, l’avion était un extrait d’un jeu de simulation de vol ; les soldats de l’île se sont révélés plus tard vivants.

Le professeur Stijn Joye (UGent), spécialiste de l’actualité internationale, explique que les reportages sur les conflits sont soumis à un récit « nous-eux ». «L’Ukraine penche vers le « nous » imaginaire que les gens identifient eux-mêmes.»

« De plus, la Russie a une longue histoire de manipulation de l’information », a déclaré Joye. L’ampleur et le fonctionnement des canaux de propagande russes sont connus, tandis que l’Ukraine entre sur ce front de communication de manière relativement spontanée et, de surcroît, en tant que victime.

Cela peut – parfois inconsciemment – ​​créer une vision plus positive des informations qui nous parviennent d’Ukraine. Les utilisateurs de l’information et les journalistes y sont sensibles, explique Joye, qui a remarqué une attitude critique de la part de nombreux journaux flamands tout au long du conflit.

Cela est nécessaire, car les informations provenant d’Ukraine auraient tout aussi bien pu être divulguées. Les journalistes sont conduits avec enthousiasme dans les zones de conflit, mais doivent souvent s’en tenir à un scénario strict – pour des raisons de sécurité, mais aussi de contenu.

Une passe de presse comprend l’instruction d’« informer le public et la communauté mondiale des crimes de guerre commis par la Fédération de Russie lors de son agression armée à grande échelle contre l’Ukraine », a rapporté CNRC plus tôt. Dans le cadre de cette politique médiatique, le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF) a reçu un certain nombre de rapports faisant état de « perturbations de la liberté des médias ».

«L’Ukraine gagne également à replacer les faits dans un contexte différent», déclare le professeur Sarah Van Leuven (UGent), directrice du Centre d’études sur le journalisme. « Cela peut être fait pour donner du courage aux citoyens ou pour convaincre d’autres pays de la nécessité de continuer à fournir des armes. »

Cela est devenu clair en novembre 2022. Deux personnes ont été tuées après qu’une roquette ait touché un village frontalier polonais près de la frontière avec l’Ukraine. Zelensky a semblé saisir cette opportunité pour obtenir davantage de soutien de la part de l’Occident, jusqu’à ce que le président polonais Duda déclare que – même alors – il s’agissait d’une question de défense anti-aérienne ukrainienne. Le patron de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a suivi ce point de vue.

Même si les deux parties ont souligné que le missile « a malheureusement atterri sur le territoire polonais » et que « la responsabilité ultime incombe à la Russie », Zelensky est resté raide. « Il n’est pas possible que ce soit un missile de notre part. » Une attitude qui n’a pas vraiment été appréciée par ses alliés. Dans cette histoire également, cette attitude tenace peut « faire perdre la face lors des négociations », explique Van Leuven.

‘Le témoin’

Le fait que l’admettre ne semble pas être une option, selon le vérificateur Rien Emmery (Truc/VRT) pour prendre une décision. « Cela paraît mauvais aux yeux du monde extérieur, mais c’est une trop belle histoire pour la population. » En attendant, cela devient New York TimesL’histoire a été entièrement démystifiée – ou « démystifiée » – du point de vue ukrainien, note-t-il.

En fin de compte, les dommages causés à l’image de l’Ukraine ne semblent pas non plus trop graves. La Russie a placé la barre très haut en matière de manipulation. Le régime répand des mensonges sur des actes bien plus odieux qu’une frappe accidentelle de missile. Le film de propagande Le témoinparrainé par les ministères russes de la Défense et de la Culture, qualifie, entre autres, les meurtres de masse de Butcha de crime ukrainien.

Cependant, le fait que les informations provenant du camp ukrainien soient généralement plus fiables ne signifie pas qu’elles le soient toujours. Et qu’il faut donc – là aussi – croiser les doigts.

Cela ne concerne pas seulement la communication officielle, souligne Emmery, mais aussi les blogueurs militaires qui ont une large audience sur les réseaux sociaux. « Il y a aussi des profils ou sympathisants ukrainiens que je vois diffuser constamment de fausses vidéos. Je préviens souvent mes collègues journalistes qu’on ne peut pas leur faire confiance en tant que source d’information.



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