L’Ukraine gagne rapidement du terrain. Cela peut rendre les militaires vulnérables, en particulier sur les flancs. Mais : « Le chaos parmi les Russes dans cette région est maintenant complet. »
L’armée ukrainienne ne pense pas à atténuer le blitzkrieg contre les Russes dans le nord-est. Des unités dans des véhicules blindés australiens et britanniques, soutenus par des obusiers polonais et américains, entre autres, avancent vers la frontière russe.
« Merci à l’Australie », ont crié lundi les parachutistes ukrainiens de la 80e brigade aéromobile en territoire libéré, acclamant leur Bushmaster, l’un des véhicules blindés d’infanterie fournis par l’Australie. « Il a parcouru la moitié du monde, 19 300 kilomètres à travers l’océan Indien, pour la protection de la liberté », a tweeté le ministre ukrainien de la Défense, Oleksi Reznikov, sur la vidéo des soldats heureux. « Grâce en partie au Bushmaster, l’armée ukrainienne a atteint la rivière Oskil et continue de libérer la zone dans la région de Kharkiv. »
Alors que les Ukrainiens et le monde regardent avec étonnement l’armée continuer à conquérir village après village, la question se pose de savoir quelle est la stratégie de Kiev. Les États-Unis ont averti l’armée ukrainienne, qui a fait l’objet d’une fuite au début du mois, d’agir avec prudence en cas de contre-attaque. Donc pas d’offensive majeure à la fois à Kharkiv et dans le sud de Kherson, ce que Kiev voulait initialement.
Longues lignes d’approvisionnement
Une opération aussi importante comporte le risque, entre autres, que les lignes d’approvisionnement deviennent trop longues. Car l’armée peut avancer si tout se passe bien, mais a-t-elle suffisamment de munitions, de vivres et d’essence pour poursuivre l’offensive ? Et les pertes de personnel ne seront-elles pas trop importantes ?
« Chaque armée gagne ou perd à cause de sa logistique », explique le général de brigade Retd Ruud Vermeulen, ancien commandant de bataillon de la Brigade aéromobile néerlandaise. « Les unités ukrainiennes du front avancent maintenant aussi vite que possible parce qu’elles veulent profiter de l’élan. Et ils utilisent beaucoup de munitions. La chaîne logistique doit suivre. Sinon, après trois jours, vous resterez vraiment immobile et vous n’aurez plus d’essence ni de balles. Les prochains jours devraient montrer si les Ukrainiens, s’ils continuent à pousser, ont leur logistique en ordre.
Pour l’instant, il ne semble pas que Kiev et le commandement de l’armée ukrainienne veuillent affaiblir l’offensive réussie à Kharkiv. La devise, semble-t-il, est de tirer le meilleur parti du chaos parmi les unités russes. De nombreux soldats en fuite ont traversé la frontière russe, selon les services de renseignement américains. Moscou devra bientôt envoyer des renforts dans la région pour arrêter l’armée ukrainienne. La rivière Oskil offre aux Russes l’occasion d’arrêter l’avancée ukrainienne.
Par souci de protection de la liberté, il a parcouru la moitié du monde, du au ??. 19 300 km à travers l’océan Indien.
Sept2022.Merci à « Bushmaster » #UAarmy est venu à la rivière Oskil et continue de libérer la région de Kharkiv.
Merci de @RichardMarlesMP @AmbVasyl & tous les ?? personnes pic.twitter.com/Uni0cSbAUu— Oleksii Reznikov (@oleksiireznikov) 11 septembre 2022
Moment de basculement
La rapidité avec laquelle les Russes peuvent se regrouper déterminera la quantité de territoire que les Ukrainiens peuvent encore prendre. Moscou doit agir rapidement mais en même temps avec prudence. Ces derniers mois, des unités de combat de la région de Kharkiv ont été dirigées vers le sud alors que la contre-offensive ukrainienne majeure à Kherson était censée être en cours. Le renvoi de ces unités augmente désormais le risque d’affaiblir les lignes de front à Kherson. La même chose menace de se produire dans le Donbass si les troupes en sont retirées.
L’Ukraine serait folle si elle ne profitait pas du désarroi russe et ne maintenait pas l’élan dans la bataille, affirme Vermeulen. En tant qu’officier supérieur d’état-major, entre autres dans la dernière 1ère division néerlandaise, il était responsable de la planification de ce type d’opérations de grande armée. « Le chaos parmi les Russes dans cette région est maintenant complet », affirme Vermeulen. « C’est un point de basculement, il faut l’exploiter. Si vous faites face à une armée dans une région qui s’effondre et que vous n’en profitez pas rapidement, vous vous trompez. Ils doivent continuer maintenant.
Troupes de mobilisation
L’ancien général de brigade reconnaît que plus les Ukrainiens avancent, plus le danger augmente que l’armée russe tente de les attaquer par les flancs après un regroupement. Le risque dans un combat offensif, souligne-t-il, est toujours que vous soyez attaqué sur vos flancs.
Vermeulen : « Une telle attaque ennemie est la plus dangereuse. L’armée ukrainienne peut alors être isolée. Mais vous devez bien vous préparer, disposer d’unités prêtes au combat pour mener une telle attaque de flanc. Mon estimation, compte tenu des événements de ces derniers jours, est que les Russes n’ont pas assez d’unités de réserve pour une opération aussi importante et certainement pas à cet endroit.
Au vu des problèmes de personnel militaire qui sont apparus au grand jour ces six derniers mois, le Kremlin ne peut échapper à une mobilisation générale, selon Vermeulen. Ce n’est qu’alors que l’armée aurait suffisamment de soldats et d’unités pour orienter la guerre dans une autre direction. Or, le président Poutine a jusqu’à présent refusé une telle mobilisation car elle rencontrerait trop de résistance en Russie. Cela enverrait également un signal indiquant que l’armée russe en Ukraine est en grande difficulté.
Vermeulen : « Opérationnellement et tactiquement, Poutine ne peut plus gagner en Ukraine. À moins qu’il n’utilise une arme nucléaire tactique, et force ainsi une solution politique, ou procède à la mobilisation. D’un point de vue militaire, il ne peut pas continuer ainsi. L’Ukraine se renforce. C’est un dur combat pour les Russes. Poutine est coincé stratégiquement, il a besoin d’un changeur de jeu. »