L’Ukraine a sorti les anciennes démocraties du monde de notre malaise


L’auteur est vice-premier ministre et ministre des Finances du Canada

Martin Luther King croyait que l’arc de l’univers moral est long mais qu’il penche vers la justice.

Mais il savait aussi qu’il y a des hommes mauvais dans le monde, qui cherchent à contrecarrer cette courbe bénigne et à nous repousser tous dans les ténèbres.

À cause de ces hommes, il y a des moments dans l’histoire où la grande lutte entre la liberté et la tyrannie se résume à un seul combat, en un seul lieu, qui est mené pour toute l’humanité.

En 1863, cet endroit était Gettysburg. En 1940, c’était le ciel au-dessus de la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, en 2022, c’est Kiev.

Dans les rues pavées de cette ville au dôme doré, une population féroce et unie, dirigée par son président joyeusement résolu, Volodymyr Zelensky, combat une invasion barbare. Ces Ukrainiens courageux se battent pour eux-mêmes, et ils se battent aussi pour nous tous. À l’heure actuelle, en effet, la courageuse Ukraine est le chef moral du monde libre.

Mais il y a un autre côté à cette histoire. Alors que les civils ukrainiens apprennent vaillamment à fabriquer des cocktails Molotov pour défendre leurs maisons, l’une des machines de guerre les plus brutales au monde les bombarde.

Non content de terroriser son propre peuple, le président Vladimir Poutine cherche à imposer sa tyrannie à ses voisins démocrates et épris de liberté. En lançant cette guerre contre l’Ukraine, Poutine s’est attaqué aux valeurs et aux règles internationales qui sont à la base de toutes les démocraties du monde.

Et ce faisant, il a perdu le droit de participer à la prospérité mondiale que nous, les démocraties du monde, avons construite ensemble depuis que nous avons établi cet ordre international fondé sur des règles après la seconde guerre mondiale.

La Russie ne peut simultanément ouvrir le feu sur notre système tout en profitant de ses fruits. Vous ne pouvez pas bombarder Kiev le matin et amarrer votre yacht sur la Côte d’Azur le soir.

C’est pourquoi, en étroite collaboration et en solidarité avec le gouvernement ukrainien, le G7 a mis en place les sanctions les plus sévères jamais imposées à une grande économie.

Nous avons personnellement imposé des sanctions à Poutine et à ses acolytes. Nous avons fait la même chose aux oligarques russes. Nous avons retiré les principales institutions financières de la Russie et ses fonds souverains de l’économie mondiale. Nous avons gelé les avoirs de sa banque centrale.

Ces mesures sépareront financièrement la Russie du monde occidental et rendront inutile une grande partie des réserves de guerre que Poutine a amassées.

Le président russe et ses facilitateurs ont peut-être cru qu’ils avaient construit une forteresse économique en Russie, mais nous avons montré qu’il n’y a pas de forteresses dans l’économie mondiale interconnectée. Aucun pays n’est à l’abri des sanctions.

Et aux technocrates russes qui luttent vainement cette semaine pour soutenir un rouble en chute libre, permettez-moi de dire : nous vous avons prévenu.

Il y a deux semaines, lors de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20, j’ai exhorté Elvira Nabiullina, la gouverneure de la banque centrale russe, à ne pas permettre à son gouvernement de déclencher une guerre illégale et non provoquée. Je l’ai prévenue que si son pays prenait cette mesure horrible, ce serait, comme l’aurait dit Talleyrand, pire qu’un crime – ce serait une erreur.

Nos sanctions économiques, prévenais-je, seraient rapides, coordonnées, soutenues et écrasantes. Elles sont. Et ils continueront de l’être.

Les dictateurs, y compris le tyran du Kremlin, ne comprennent souvent pas les démocraties. Nous pouvons leur paraître faibles et divisés, comparé au conformisme servile qu’ils imposent à leurs sociétés à coups de canon. Mais notre ouverture même au débat et à la contestation signifie qu’une fois que nous sommes d’accord sur un plan d’action, nous sommes forts et nous sommes unis.

En effet, avec sa résistance remarquable, le peuple ukrainien a secoué les anciennes démocraties du monde pour les sortir de notre malaise. En mourant pour la liberté et la démocratie, les Ukrainiens nous ont montré que ces valeurs peuvent avoir un prix élevé, mais que c’est un prix qui vaut la peine d’être payé.

Et le courage de l’Ukraine a renouvelé notre confiance dans le fait que les démocraties peuvent réellement gagner.

Le peuple ukrainien montre aujourd’hui l’incroyable force d’un peuple libre qui lutte pour sa démocratie. C’est pourquoi les démocraties du monde sont tout aussi résolues à soutenir le peuple ukrainien.

C’est l’un de ces moments, et l’un de ces endroits, où la liberté affronte la tyrannie. Nous sommes déterminés à ce que la liberté triomphe, et elle le fera.



ttn-fr-56