L’UE prête à affronter ses États membres sur la « définition » de la refonte du budget


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Bruxelles s’apprête à pousser les États membres de l’UE à procéder à une refonte radicale de son budget commun de 1,2 milliard d’euros, en liant les paiements aux réformes économiques au lieu de compenser automatiquement les pays les plus pauvres.

Les négociations sur le prochain budget à long terme débuteront à l’automne, marquant le début de l’une des négociations politiques les plus complexes et les plus tendues de l’UE.

L’un des changements les plus controversés recherchés par la Commission européenne sera de réorganiser les règles régissant les fonds dits de cohésion, qui distribuent des dizaines de milliards d’euros par an pour combler l’écart économique entre les parties les plus riches et les plus pauvres de l’Union.

Les partisans de ces changements soutiennent que le fait de lier les réformes – telles que les modifications des retraites, de la fiscalité ou des lois du travail – aux paiements rendra les dépenses plus efficaces et plus impactantes.

Un responsable de l’UE informé des premiers travaux sur le budget 2028-2034 a déclaré que les pays dits bénéficiaires nets – les États membres qui reçoivent plus du budget qu’ils n’y investissent – ​​« doivent comprendre que le monde dans lequel ils reçoivent une enveloppe de financement de cohésion sans conditions… a disparu ».

Un deuxième responsable de l’UE a reconnu que ce changement serait « un moment assez déterminant ».

Mais un tel changement risque de provoquer un désaccord intense entre les 27 États membres de l’UE, qui doivent maintenant passer des années à tenter de parvenir à un accord unanime sur la taille du budget commun et sur les dépenses à effectuer.

Confrontée à des défis allant de la guerre en Ukraine à la réorganisation de son économie pour concurrencer la Chine et les États-Unis, Bruxelles a déjà du mal à étirer son budget actuel, qui court jusqu’en 2028.

Dans le budget actuel, environ un tiers est consacré à la réduction des écarts entre les régions pauvres et les régions riches, un autre tiers est consacré aux subventions agricoles. Le reste est réparti entre le financement de la recherche, l’aide au développement et le coût de fonctionnement des rouages ​​de l’UE.

Les clauses de conditionnalité proposées s’apparenteraient à celles du fonds de 800 milliards d’euros de l’UE, qui a été octroyé en temps de pandémie, en fonction de la mise en œuvre par les pays de réformes et d’investissements préalablement convenus. Il s’agissait notamment d’une réforme du marché du travail en Espagne, de modifications du système judiciaire en Italie et d’une adaptation du système de retraite en Belgique.

Mais l’accès aux fonds de cohésion est considéré comme sacrosaint par de nombreux États d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’UE au début des années 2000 avec la promesse de versements en échange de l’ouverture de leur économie aux investisseurs d’Europe occidentale.

Selon une étude de l’Institut économique allemand, la Hongrie, la Slovaquie et les États baltes sont les cinq premiers bénéficiaires nets des fonds de cohésion en pourcentage du revenu national.

Les gouvernements de ces pays s’opposeront probablement à toute mesure susceptible de limiter leurs versements. Les pays qui contribuent davantage au budget de l’UE qu’ils n’en reçoivent en retour sont toutefois plus favorables à cette mesure.

« La seule façon de convaincre les contribuables nets de contribuer davantage est d’imposer davantage de conditions aux bénéficiaires », a déclaré un haut diplomate de l’UE.

Les discussions sur le budget commun débuteront à l’automne, avec une proposition formelle attendue en 2025.

La Commission européenne pourrait également imposer des changements importants dans la manière dont les flux de financement sont regroupés, en passant d’une multitude de programmes à un seul « plan national ». Elle envisage d’autres changements, notamment la possibilité de réduire la durée du budget commun de sept à cinq ans.

Les partisans de la commission ont déclaré que ces réformes radicales rendraient le budget plus efficace pour répondre à des priorités telles que le changement climatique, stimuler l’industrie locale et réagir aux crises inattendues.

« La manière dont nous nous mettons d’accord sur le budget de l’UE est trop inerte », a déclaré un troisième responsable de l’UE. « Nous devons nous rapprocher de la réalité »,

Toutefois, plusieurs groupes d’intérêts particuliers et autorités régionales estiment que ces changements constituent un détournement de la mission de la Commission.

« De nombreuses régions de l’UE s’inquiètent largement de ce que ce type de changement pourrait signifier pour leur financement essentiel », a déclaré Ľubica Karvašová, vice-présidente de la commission du développement régional du Parlement européen, en réponse aux projets de modification des flux de financement.

« Aucun maire local ne souhaite que ses flux financiers européens dépendent entièrement de la mise en œuvre d’un plan de réforme par son gouvernement central, d’autant plus que cela laisse la porte ouverte aux influences politiques nationales. »

À l’heure actuelle, le budget de l’UE est financé en grande partie par les pays en fonction de leur poids économique, réparti entre contributeurs nets et bénéficiaires nets. Historiquement, il représente environ 1 % du PIB de l’UE.

Certains responsables de l’UE estiment que le budget n’est pas suffisant pour faire face aux innombrables défis auxquels le bloc est confronté et nécessite davantage d’argent de la part des capitales.

« Rien, juridiquement parlant, n’empêche que le budget de l’UE soit supérieur à 1 %. [of EU GDP]« , a déclaré le vice-président exécutif de la commission, Valdis Dombrovskis, au Financial Times.

Plusieurs pays ont manifesté leur intérêt à voir leur commissaire diriger le département du budget de la Commission.

Le Premier ministre polonais Donald Tusk a proposé ce mois-ci la candidature de Piotr Serafin, aujourd’hui ambassadeur de Varsovie auprès de l’UE, au poste de commissaire. M. Tusk a déclaré qu’il était « très probable » qu’il obtienne le portefeuille du Budget.

Cependant, les pays riches sont réticents à confier la gestion des finances de l’UE à un bénéficiaire net comme la Pologne.

« Pour être franc, les grands contributeurs seraient bien plus à l’aise si l’un des leurs dirigeait la refonte », a déclaré un deuxième haut diplomate de l’UE.

Reportage complémentaire de Raphael Minder à Varsovie



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