L’Occident pariera-t-il avec les milliards russes gelés ?

Le président américain Joe Biden soutient une loi qui devrait permettre de saisir les avoirs russes gelés (270 milliards d’euros dans le monde). L’argent servirait ensuite à financer la reconstruction de l’Ukraine. Cette intention est contenue dans une note que le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a envoyée à une commission sénatoriale fin 2023 et qui a désormais été consultée par Bloomberg.

Cela marque un revirement de la part du gouvernement, qui a longtemps réagi avec réticence à cette idée. Certains Américains craignent que ce plan puisse nuire à la réputation du système financier américain et qu’il puisse également nuire au dollar. Des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil pourraient ainsi être dissuadés d’investir beaucoup d’argent aux États-Unis.

Les États-Unis aimeraient donc franchir cette étape avec leurs alliés du G7, mais le soutien européen à une saisie brutale des avoirs russes semble encore incertain. En Europe, environ 180 milliards d’euros de fonds sont aujourd’hui gelés, dont une grande partie en Belgique. L’UE envisage d’augmenter les impôts sur cet argent, mais ne fait que peu de progrès dans les négociations. La France et l’Allemagne, entre autres, craignent que l’euro en pâtisse. La Russie pourrait également exploiter les atouts occidentaux.

La question est donc de savoir si l’Europe suivra la Maison Blanche. Si les Américains augmentent réellement la pression, cette chance semble réelle. Le G7 se réunira à nouveau le mois prochain, à l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine.

La Belgique, en tant que port d’attache d’Euroclear, joue un rôle de premier plan dans cette histoire. En tant que chambre de compensation, Euroclear veille en coulisses à ce que le monde financier tel que nous le connaissons – avec ses échanges entre particuliers, entreprises, banques, gestionnaires d’actifs, fonds de pension, etc. – continue de fonctionner. Euroclear garantit que l’acheteur reçoit ses marchandises et que le vendeur reçoit son argent en retour. Comme un gardien ou une main invisible. Qui a également le pouvoir de bloquer les fonds.

Trésorerie

La Belgique elle-même a « bénéficié » de la présence d’Euroclear à Bruxelles ces dernières années. En 2023, 625 millions d’euros de recettes fiscales ont été extraits des avoirs gelés d’hommes politiques, d’oligarques, d’entreprises et de banques russes. Euroclear reçoit des intérêts des banques sur tout cet argent gelé. Intérêt investi. Cela se traduit par des bénéfices plus élevés pour l’entreprise et donc des revenus plus élevés pour la trésorerie.

Il a été convenu au sein du gouvernement fédéral que l’argent « russe » ne servirait pas à combler le déficit budgétaire lui-même. Il devrait servir à financer l’aide à l’Ukraine. Un fonds d’aide ukrainien d’un montant de 1,7 milliard d’euros a ainsi été créé pour 2024. Si les milliards russes gelés sont bientôt saisis et consommés, cette source de revenus supplémentaire pour la Belgique risque de se tarir.

Mais la question n’est pas encore résolue aux États-Unis non plus. Ces derniers mois, les Républicains ont bloqué un nouveau programme d’aide militaire de 60 milliards de dollars pour l’Ukraine. Ils estiment que les contribuables américains en font déjà assez pour l’Ukraine. C’est pourquoi la Maison Blanche tente d’aider Kiev par d’autres moyens. Si l’argent russe peut désormais être utilisé pour la reconstruction de l’Ukraine, l’aide militaire pourrait bénéficier d’un soutien accru.

Quoi qu’il en soit, les Républicains sont favorables à la confiscation des avoirs russes.



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