L’obligation d’État, le produit que les Belges attendaient en masse : « Les banques l’ont cherché elles-mêmes »


Avec 4 milliards d’euros en un jour et demi, l’emprunt d’État connaît un démarrage spectaculaire. Si cela n’incite pas les banques à augmenter les taux d’intérêt pour les épargnants, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) envisage déjà une deuxième obligation d’État en décembre.

Peter Gordts

Combien de personnes ont déjà acheté des obligations d’État ?

Entre jeudi matin et vendredi après-midi, on estime que près de 100 000 personnes se sont inscrites au bon d’achat du gouvernement belge pour un an. L’Agence fédérale de la dette l’a annoncé vendredi.

Le certificat gouvernemental peut être acheté auprès du gouvernement ainsi que auprès de treize banques, qui perçoivent incidemment une commission sur ce montant. Le long du premier parcours, 56 532 personnes se sont inscrites vendredi après-midi, représentant plus de 1,9 milliard d’euros. Des obligations d’État d’une valeur de 2,1 milliards d’euros ont été achetées par l’intermédiaire des banques. Cela porte le total à environ 4 milliards d’euros. Le montant moyen pour lequel les personnes s’inscrivent oscillerait autour de 33 000 euros. « C’est presque le double de celui des obligations normales », a déclaré Jean Deboutte, directeur de l’agence.

Quelle somme sera finalement collectée ?

Tout le monde semble désormais logique que les 5,7 milliards d’euros réunis en 2011 par le Premier ministre Yves Leterme (CD&V) avec son « bon Leterme » soient dépassés. «À cette époque, les gens étaient moins préparés et on voyait le nombre d’inscriptions augmenter avec le temps», raconte Deboutte. « Maintenant, les gens étaient bien préparés grâce à l’attention portée par la presse. »

Reste à voir comment cela évoluera dans les prochains jours. Mais selon Deboutte, qui estime possible un rendement de 10 milliards d’euros, « aucun retard n’a été constaté » vendredi. Selon l’économiste Bruno Colmant (Degroof Petercam) dans Le temps et l’Écho un montant de 20 milliards d’euros ne peut être exclu.

L’ampleur de la ruée vers les obligations d’État apparaît clairement en comparaison avec les deux précédentes émissions d’obligations du gouvernement belge. En mars, 26,8 millions d’euros ont été souscrits les premiers jours, en juin c’était 12,6 millions. Le gouvernement émet des obligations quatre fois par an avec des échéances de trois, cinq ou dix ans. Cette obligation d’État à un an, avec une retenue à la source inférieure de 15 pour cent au lieu des 30 pour cent normaux, est spéciale. Cela conduit à des chiffres exceptionnels.

Jean Deboutte, directeur de l'Agence fédérale de la dette :

Jean Deboutte, directeur de l’Agence fédérale de la dette : « Maintenant, les gens étaient bien préparés grâce à la grande attention portée par la presse. »Photo BELGA

Comment réagissent les banques ?

Les petites banques comme Argenta, Axa Bank et BeoBank proposent temporairement un compte à terme aux mêmes conditions nettes que les obligations d’État. Mais ce sont des conditions qu’ils ne peuvent absolument pas respecter, estime le professeur d’économie financière Hans Degryse (KU Leuven). « Aux taux d’intérêt actuels du marché, les banques peuvent acheter des obligations d’État avec un rendement de 3,2 pour cent et déposer de l’argent auprès de la Banque centrale européenne à un taux de 3,75 pour cent. Donc, si ces banques elles-mêmes doivent proposer un taux d’intérêt brut de plus de 4 pour cent sur les dépôts à terme pour correspondre au rendement net des obligations d’État, elles subiront une perte.»

Du côté des grandes banques, la situation reste pour l’instant relativement calme. Auparavant, la fédération sectorielle Febelfin avait accusé le ministre Vincent Van Peteghem de concurrence déloyale en raison du faible pourcentage de prélèvement à la source. « Non, ce sont précisément les banques elles-mêmes qui jouent le jeu de manière déloyale en ne se faisant pas concurrence », déclare le professeur d’économie Paul De Grauwe (London School of Economics / KU Leuven). « Ils ont implicitement conclu un accord pour ne pas permettre à leur taux d’épargne d’augmenter. Ils ont également réussi à nous faire croire que des taux d’intérêt plus élevés ne peuvent être autorisés, car cela entraînerait des choses terribles. Mais les banques réalisent des bénéfices records. Ils l’ont eux-mêmes demandé.

Degryse est plus doux à ce sujet. « Je peux comprendre que les banques auraient dû envisager plus sérieusement d’augmenter les taux d’épargne », dit-il. «Mais le gouvernement aurait aussi pu organiser cette concurrence d’une manière différente, par exemple en proposant une obligation d’État sur trois ou cinq ans avec un prélèvement à la source attractif. En optant pour cette formule, juste au moment où le taux d’intérêt est le plus élevé, le gouvernement choisit consciemment de frapper les banques là où cela fait mal. Il y avait d’autres possibilités. N’oubliez pas : si un montant de 10, voire 20 milliards d’euros s’écoule, ce sera un choc pour l’ensemble du secteur bancaire. Les banques doivent alors se refinancer d’une certaine manière. Ce sera plus difficile pour les petites banques.»

Cela a-t-il un goût plus prononcé pour le gouvernement ?

Pour le ministre Van Peteghem, l’objectif des obligations d’État a toujours été de stimuler la concurrence entre les banques, ce qui permettrait à celles-ci d’augmenter les taux d’intérêt de leur épargne. Si cela ne se produit pas, Van Peteghem envisage d’émettre une nouvelle obligation d’État en décembre. « Cette piste est sur la table », dit-il dans une interview avec Le matin.

Deboutte a également laissé cette option ouverte. Mais, dit-il, cela « dépendra du contexte ». Quoi qu’il en soit, l’émission de nouvelles obligations est prévue pour décembre. Mais ni le rendement, ni la durée, ni le précompte mobilier sur lequel cela se produira ne sont fixés.

Il n’est pas sans importance de souligner que le gouvernement y gagne également. Le précompte mobilier qu’elle prélève sur les obligations d’État est peut-être inférieur à la normale, mais 15 pour cent des 4 milliards d’euros entre-temps ne constituent pas un mauvais supplément. En réponse, certains épargnants peuvent également opter pour des comptes à terme, où le gouvernement reçoit une retenue à la source supplémentaire de 30 pour cent.



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