L’objectif de l’ONU est de sortir l’Afghanistan de son isolement pour améliorer les conditions de vie de la population. Mais il doit le faire, en même temps, sans légitimer le régime. Il a tenté, à Doha, ces derniers jours. Mais le prix à payer était paradoxal et très élevé


Uune conférence des Nations Unies pour aborder l’avenir de l’Afghanistan. Un pays dans lequel la participation des femmes à la vie publique constitue un « problème » fondamental. Mais les femmes afghanes ne peuvent pas assister à la conférence elle-même – c’est la condition imposée par les talibans, au pouvoir depuis août 2021, pour s’asseoir à la table. Résultat de la conférence ? «Il n’y a pas d’avenir pour l’Afghanistan sans la participation des femmes». Ces derniers jours, à Doha, au milieu de la perplexité de beaucoup, s’est tenue une réunion au cours de laquelle, pour la première fois, une délégation des talibans a également participé. Parmi les envoyés spéciaux d’une trentaine d’États et d’organisations internationales, dont l’Union européenne, les États-Unis, la Russie et la Chine, figuraient également : des représentants du groupe intégriste islamiste qui gouverne le pays de manière autoritaire depuis 2021 et opprime les femmes. C’était important, aussi pour les paradoxes qu’il mettait en scène.

Une autre liberté des femmes a été annulée en Afghanistan : les salons de beauté ferment

La conférence de l’ONU sur l’Afghanistan avec les talibans à la table et pas les femmes

« L’Afghanistan ne peut pas revenir sur la scène internationale ni se développer pleinement économiquement et socialement s’il est privé des contributions et du potentiel de la moitié de sa population. »

Ce sont les mots du secrétaire général adjoint aux affaires politiques et humains, Romarin DiCarlo. «La rencontre que nous avons eue fait partie d’un processus et, même si effectivement les femmes et la société civile ne se sont pas assises devant les autorités au cours des deux derniers jours, nous avons fait entendre leur voix. »

L’absence de femmes afghanes, de représentants de la société civile et d’organisations de défense des droits de l’homme dans le pays en est une demande explicite des talibans. Le prix à payer d’entamer toute sorte de dialogue avec le régime.

17 mai 2024. Une femme et son enfant après les inondations qui ont dévasté le nord de l’Afghanistan, faisant plus de 342 morts et 1 600 blessés. L’Afghanistan est l’un des pays asiatiques les plus vulnérables à la crise climatique et les moins préparés à s’adapter. (Photo d’Osman / Images du Moyen-Orient / Images du Moyen-Orient via AFP)

Et ce dialogue, aussi difficile à accepter soit-il, est le seul moyen d’améliorer la situation des femmes. Un prix nécessaire pour certains, inabordable pour beaucoup. A commencer par le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (sur New York Times son avis, très critique).

Est-il possible de s’asseoir à la table des talibans sans les légitimer ?

L’objectif de l’ONU est sortir l’Afghanistan de l’isolement pour améliorer les conditions de vie de la population, épuisée, appauvrie par des décennies de guerre et d’occupation, par une profonde crise économique aggravée par les sanctions internationales. Mais il doit le faire, en même temps, éviter de légitimer un régime fondamentaliste et autoritaire qui restreint la liberté de chacun et des femmes en particulier. Et c’est en fait ce que DiCarlo a précisé : les réunions de Doha sont une étape sur la voie qui vise à amener le régime à respecter le droit international. Ce n’est pas un signe de reconnaissance de l’autorité des talibans.

Mais beaucoup ne sont pas d’accord. Comme l’ancienne parlementaire et militante afghane Fawzia Koofi. « Les talibans ont réduit au silence les femmes du pays en recourant à la violence et à la torture. En les excluant des réunions de Doha, l’ONU et la communauté internationale ont légitimé les talibans pour les faire taire même hors des frontières afghanes.». Il l’a écrit sur Gardien dans un article intitulé : Laissez les femmes afghanes participer aux négociations de l’ONU la semaine prochaine. C’est ce que craignent le plus les talibans.

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