Roma, temps de pandémie. Disparités sociales entre les banlieuescomme celui des Tours, et le centre de la capitale s’éloignent de plus en plus : le terrain idéal pour la renaissance de la pègre et des combats de gangs autour du marché des drogues nouvelles et anciennes. Dans ce panorama, une femme blonde, à la beauté magnétique presque androgyne, est capable de réaliser des exploits plus grands que ses rêves, avec la protection et l’amour traduit d’un aristocrate que le destin met sur sa route. c’est l’histoire de Les Suédois (Einaudi), nouveau roman (toujours criminel) de l’écrivain – et depuis le 1er juin ancien magistrat -, Giancarlo De Cataldo, qui à travers la fiction nous introduit à la réalité et nous emmène dans les profondeurs humaines d’un monde qui tombe à la recherche de la lumière et choisit le crime faute d’autres moyens d’exister. Le style est vivant, vivre avec un jargon émotion qui apporte aux mots les frissons, la sueur et le souffle de la vie marcher sur le bord.
Ce nouveau livre peut être considéré comme une continuation idéale de ses succès Roman criminel Et Suburraqui sont aussi devenus des films et des séries télévisées ?
Je travaillais sur la série de Manrico, mon procureur mélomane, quand à un certain moment je suis tombé sur une actualité concernant les nouvelles drogues de synthèse et j’ai compris qu’il fallait que j’en fasse quelque chose, même pour revenir à la période de la pandémie. En fait, un nouveau phénomène se produisait au niveau de la pègre romaine, une sorte d’évolution depuis l’époque de Roman criminel Et Suburra, en effet. A cela s’est ajouté l’élément littéraire d’une histoire d’amour anormale, par un intermédiaire, entre un borgatara et un prince du centre historique.
Giancarlo De Cataldo, du libanais au suédois
Comment est né le personnage de cette fille blonde, « Sharo », puis pour tout le monde le « Suédois » ?
Il l’a inspirée d’une rencontre. Je tournais dans les cours de la Villa Valmarana, à Vicence, lorsque parmi les touristes j’ai vu une grande fille blonde, mince et androgyne, et j’ai été frappé par elle. Je me demandais ce qu’elle deviendrait si, au lieu d’être une fille issue d’un milieu raffiné d’Europe du Nord, elle était une bourgeoise née au mauvais endroit et voulait changer de vie.
Compte tenu de son double regard sur cette réalité souterraine en tant qu’auteur et, longtemps, en tant que magistrat : est-ce la réalité qui inspire la littérature, ou peut-il y avoir aussi le processus inverse ?
La cour m’a donné une chance de regarder les types humains. La tension du procès comprime l’essence de la personne, c’est un regard que l’on retrouve aussi chez Balzac, chez Dostoïevski qui fut spectateur passionné des procès, chez Tolstoï qui fut même un juge populaire. Il est donc certain qu’il y a des influences réciproques : la métaphore littéraire, ou de la fiction en général, influence le comportement de chacun et aussi des criminels.
Et la littérature peut-elle contribuer à la justice ?
Je ne crois pas à la fonction éthique de la littérature, je défends plutôt son autonomie. Les récits servent à créer des mythes et à les raconter. Les êtres humains ne peuvent pas vivre sans mythes.
Ses personnages sont très vivants, et même lorsqu’ils sont mauvais, ils semblent être poursuivis par son affection et la susciter. Est-ce vrai?
Je suis la leçon dostoïevskienne et mets une part de moi dans tous les personnages. Je les dessine en rond, même les secondaires. De plus, j’appartiens à la génération qui a vu un grand ascenseur social dans les années 1960 qui a permis des mises à niveau de classe et des progrès dans l’éducation pour tous. Maintenant, cet ascenseur s’est tragiquement arrêté. Nous avons tous été trompés par le concept de méritocratie : mais il n’y a pas de méritocratie sans opportunités offertes à tous, et là au contraire les opportunités se rétrécissent dangereusement. Ensuite, dans certains contextes, la délinquance devient le seul facteur d’ascension économique et sociale. C’est pénible à dire, mais c’est ainsi. Mon affection n’est donc pas pour les criminels, mais j’essaie de mettre en évidence la racine humaine derrière l’acte criminel, je ne préjuge pas.
La pègre selon Giancarlo De Cataldo
Était-il comme ça même en tant que magistrat ?
J’ai toujours essayé d’apprendre à connaître les gens que je jugeais et ça devrait l’être.
Du gang Magliana à aujourd’hui, comment la pègre a-t-elle évolué ?
À l’époque de la Magliana, il y avait une organisation qui dominait, puis il y a eu un retour aux accords entre les familles de la ‘ndragheta, de la Camorra, des mafias locales et importées. Quand il y a du calme entre ces groupes, il reste une paix apparente, quand un groupe essaie de prendre le relais, alors des bagarres éclatent, et on voit pourquoi il y a des morts. Parmi les éléments défavorables à la pègre, il y a une vie civile harmonieuse, tandis que lorsqu’il y a des difficultés sociales, comme maintenant, la pègre augmente. Le crime offre un modèle très simple : il offre un espoir que l’État ne donne pas.
Dans le livre, l’amour indirect entre le prince et le Suédois crée alors un pont entre les niveaux sociaux.
Avec cet amour étrange, je voulais faire allusion au fait qu’une élite de banlieue et une élite de centre-ville peuvent s’asseoir à une table et trouver des accords. Ils y gagnent tous les deux, même la partie riche, puisqu’elle peut gagner en vitalité la couche populaire.
Son langage est très vital, comment se forme-t-il ?
Mon professeur de Romanesco – je viens de Tarente – était mon boucher, je lui ai dédié Roman criminel. Et puis mon fils, le nom de scène Gabriele Deca, qui a rajeuni un certain discours en moi : ce sont les lignes « pièges » qui ouvrent certains chapitres.
Ici s’achève l’histoire du Suédois, presque happy end, ou va-t-elle continuer ?
L’histoire se termine avec deux garçons qui quittent la Calabre en mission. On verra…
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