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Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
Le peuple britannique est désillusionné. C’est la conclusion que l’on peut tirer d’un récent sondage sur leur confiance dans leur gouvernement et leur politique. C’est déjà assez grave en soi. Mais une faible confiance politique risque de créer une spirale descendante dans laquelle la méfiance dégrade la qualité des hommes politiques et réduit leur capacité à faire des choix politiques audacieux, mais essentiels. Cela nuit alors encore plus aux performances.
Selon un Enquête d’opinion de l’OCDE, un peu plus de 39 pour cent des Britanniques faisaient confiance à leur gouvernement en 2021. Ce chiffre est proche du niveau américain de 31 pour cent et devant les 35 pour cent de l’Italie. Mais ce chiffre était loin derrière les 84 pour cent de la Suisse, les 77 pour cent de la Finlande, les 69 pour cent de la Suède et les 61 pour cent de l’Allemagne. Mais la méfiance à l’égard du système politique dans son ensemble est encore pire. Selon Le Royaume-Uni dans le World Values Survey, du King’s College de Londres, seuls 17 pour cent des Britanniques étaient « très satisfaits » de leur système politique, contre 32 pour cent d’insatisfaits. Le Canada, l’Allemagne et l’Australie sont en meilleure forme.
Une telle insatisfaction doit être corrosive. Après tout, combien de personnes compétentes consacreront leur vie à une carrière ardue et mal payée dont les praticiens suscitent la méfiance, voire le mépris ? Pourtant, la démocratie dépend de la présence d’hommes politiques honnêtes, compétents et respectés.
Ce mécontentement n’est pourtant pas surprenant. Au cours des 16 dernières années, le Royaume-Uni a souffert d’une énorme crise financière, d’une austérité budgétaire, d’une campagne référendaire sur le Brexit qui a semé la discorde, du chaos post-référendaire, d’une promesse de « faire aboutir le Brexit », qui n’a pas eu lieu, d’une pandémie, de trois premiers ministres en un parlement unique, un parti au pouvoir divisé, une « crise du coût de la vie » et une opposition qui a dû se remettre de la direction d’un fanatique de gauche.
Le pire de tout, c’est que “Mettre fin à la stagnation », de la Resolution Foundation et du Center for Economic Performance, publié en décembre dernier, notait : « La productivité du travail n’a augmenté que de 0,4 pour cent par an au Royaume-Uni au cours des 12 années qui ont suivi la crise financière, soit la moitié de la [average] taux des 25 pays les plus riches de l’OCDE. . .[R]Les salaires réels ont augmenté en moyenne de 33 pour cent par décennie entre 1970 et 2007, mais ce chiffre est tombé en dessous de zéro dans les années 2010. À la mi-2023, les salaires étaient revenus au niveau où ils étaient pendant la crise financière.» C’est une performance économique épouvantable.
Ce que le pays a fait n’a pas fonctionné. C’est incontestable. Il est donc crucial que le prochain gouvernement mette fin à ces tendances désastreuses, en mettant fin à la stagnation de la productivité, en réduisant les inégalités régionales et en rendant le logement plus abordable et, ce faisant, en rétablissant la confiance dans la politique. Si l’on considère les intrigues frénétiques et l’absence de pensée crédible du parti au pouvoir aujourd’hui, ce gouvernement ne sera pas – et ne devrait pas – être un gouvernement conservateur.
Pourtant, si les conservateurs semblent peu susceptibles de gagner, ils pourraient réussir à faire échouer leur successeur en limitant sa liberté de manœuvre. Une façon d’y parvenir a été de proposer des réductions d’impôts qui dépendent d’une compression des dépenses post-électorales politiquement hautement invraisemblable. Les travaillistes se sentiront probablement obligés de promettre de maintenir les réductions d’impôts et les restrictions de dépenses qui en découlent. Cela pourrait paralyser leur gouvernement. Alternativement, ils pourraient promettre de les annuler. Mais ensuite les conservateurs les accuseront de planifier une nouvelle période d’incontinence « taxer et dépenser ».
Néanmoins, comme l’a souligné Nicholas Stern dans le FT, le Royaume-Uni a besoin d’investissements publics et privés plus importants. Il lui faut également consacrer davantage de ressources à la défense. Cela ne permet pas de réduire les impôts. Au-delà de cela, le pays a besoin d’une décentralisation radicale des dépenses et de la fiscalité vers des niveaux de gouvernement subordonnés, d’une simplification et d’une réforme fiscales, d’une réforme des retraites, de la libéralisation des contrôles de planification, d’un soutien actif à l’innovation et d’une accélération de la transition énergétique. Andy Haldane a raison : cela nécessitera également un démantèlement du Trésor. En résumé, le pays n’a pas besoin d’un État plus petit, mais d’un État plus actif et plus ciblé, ainsi que de réformes substantielles, souvent dans des domaines controversés. Le statu quo n’a tout simplement pas fonctionné. Un changement radical est désormais nécessaire de toute urgence.
Le danger est que le parti travailliste estime qu’il ne peut pas s’en sortir en proposant quoi que ce soit. Le parti semble plutôt déterminé à s’en tenir aussi près que possible à la politique du gouvernement. Cette stratégie pourrait en effet augmenter ses chances de remporter les élections. Mais cela le priverait d’un mandat lui permettant d’opérer de nombreux changements. S’il s’en tient à son approche prudente, il risque de présider à une nouvelle période de stagnation et d’échec. S’il bascule vers le radicalisme, il sera à juste titre accusé d’agir sans mandat. Quoi qu’il en soit, le cynisme du public risque de croître. Dans le pire des cas, ces postures continueront à se substituer à une politique radicale, conduisant à une stagnation prolongée et à une perte de confiance du public.
C’est une voie vers l’échec. Parfois, comme aujourd’hui, les hommes politiques doivent oser faire preuve d’audace.
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