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Le parti d’extrême droite de Marine Le Pen a battu l’alliance centriste du président Emmanuel Macron au premier tour des élections législatives anticipées, rapprochant la France d’un potentiel gouvernement nationaliste qui secouerait le projet européen.
Après une participation inhabituellement élevée, le parti du Rassemblement national (RN) a remporté 34,5 pour cent des voix, tandis que l’alliance de gauche Nouveau Front Populaire est arrivée en deuxième position avec 28,5 pour cent, selon les projections de l’institut d’enquête Ifop à 20 heures, heure locale. L’alliance Ensemble de Macron a obtenu 22,5 pour cent des voix.
Ces tendances suggèrent que le RN et ses alliés sont en passe de remporter le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale et potentiellement même une majorité absolue lors du dernier tour de scrutin le 7 juillet. Si le RN obtient 289 sièges sur les 577 sièges de la chambre basse, cela contraindrait Macron à un accord inconfortable de partage du pouvoir connu sous le nom de « cohabitation » dans lequel deux partis opposés doivent gouverner ensemble.
Cependant, le vote a donné lieu à la perspective d’un nombre sans précédent de scrutins à trois, ce qui rend difficile la projection des sièges. Une intense période de négociations va maintenant commencer entre les partis de gauche et les partis centristes pour savoir s’ils doivent abandonner ou non pour tenter d’empêcher le RN de gagner. Les partis doivent finaliser leurs listes de candidats dans les 48 heures.
Le vote anticipé s’est retourné contre Macron, qui l’avait volontairement réclamé au début du mois après la défaite de son alliance centriste face au RN aux élections législatives européennes.
Bien que cette décision ait stupéfié l’opinion publique et provoqué la colère de nombreuses personnes, même dans son propre camp, Macron l’a défendue comme un « moment de clarification » permettant aux citoyens de décider qui ils voulaient gouverner la France, compte tenu de la montée constante du RN.
Son alliance centriste pourrait finir par perdre plus de la moitié de ses quelque 250 sièges à la chambre basse, car elle est coincée entre une extrême droite ascendante et la gauche nouvellement unie.
En revanche, l’extrême droite, qui n’est plus au pouvoir depuis la collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie en 1940-1944, pourrait quitter les marges de la politique pour rejoindre le cœur du gouvernement. Ce serait l’aboutissement des efforts déployés par Le Pen depuis une décennie pour « détoxifier » le parti, notamment en évinçant son père, qui l’a fondé avec un ancien soldat de l’unité française des Waffen-SS nazis.
De nombreux électeurs français en sont venus à rejeter Macron, qu’ils considèrent comme élitiste et déconnecté de la réalité, et préfèrent le RN de Le Pen pour l’accent mis sur les questions du coût de la vie et des salaires, en plus de sa position anti-immigration traditionnelle.
Si le RN obtient une majorité absolue et forme un gouvernement, Marine Le Pen a déjà annoncé que son protégé de 28 ans, Jordan Bardella, occuperait le poste de Premier ministre. Ils dirigeraient les affaires intérieures et fixeraient le budget, tandis que Macron resterait chef des armées et définirait la politique étrangère. Il y a eu trois cohabitations dans l’histoire de la France d’après-guerre, mais aucune n’impliquait des partis aux vues aussi diamétralement opposées.
Le Pen et Bardella ont tous deux signalé ces derniers jours qu’ils contesteraient l’autorité du président, notamment en matière de défense et de politique étrangère – une perspective qui risque d’alarmer à la fois les alliés et les marchés.
Le NFP de gauche a également obtenu de bons résultats dimanche, les électeurs ayant soutenu son programme économique consistant à taxer et à dépenser, qui se concentre également sur la justice sociale et sur des investissements accrus pour améliorer les services publics.
Le parti dominant du NFP est La France insoumise (LFI), parti d’extrême gauche dirigé par l’anticapitaliste Jean-Luc Mélenchon. Il comprend également les socialistes de centre-gauche, les Verts et les communistes, qui ont des divergences politiques majeures avec LFI et ont jusqu’à présent rejeté Mélenchon comme candidat à la présidence.
Bruno Cautrès, politologue à Sciences Po à Paris, a déclaré qu’il était trop tôt pour faire des projections précises en matière de sièges. « Il y a deux inconnues pour le second tour : combien de candidats vont se retirer et comment les électeurs de gauche et du centre se comporteront s’ils savent que le RN est au bord du pouvoir », a-t-il déclaré.
Le scénario le plus optimiste pour Macron à ce stade serait un parlement sans majorité absolue, sans qu’aucun des trois blocs ne puisse revendiquer une majorité. Une impasse s’ensuivrait, mais il pourrait faire un dernier effort pour former un gouvernement technocratique. Macron ne peut pas dissoudre à nouveau le parlement avant un an.