Débloquez gratuitement l’Editor’s Digest
Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
La France se dirige vers un Parlement sans majorité absolue lors d’élections anticipées à enjeux élevés dimanche, l’extrême droite n’étant probablement pas en mesure d’obtenir la majorité absolue nécessaire pour former un gouvernement, selon Ipsos.
Selon un sondage publié vendredi, le Rassemblement national (RN) et ses alliés n’obtiendraient qu’entre 175 et 205 sièges sur les 577 que compte le Parlement. Cette projection, basée sur un échantillon de 10 000 personnes, montre un déficit plus important que celui des autres sondages publiés plus tôt cette semaine.
À l’approche du second tour de dimanche, la dernière ligne droite de la campagne a été marquée par des tensions, plusieurs militants ayant été attaqués et 30 000 policiers se préparant à être déployés le jour du vote.
Pour Mathieu Gallard, chercheur chez Ipsos, l’enquête montre que la stratégie de l’alliance centriste et des partis de gauche du président Emmanuel Macron, qui a consisté à retirer plus de 200 candidats des scrutins à trois dimanche afin de consolider le vote anti-RN, fonctionne.
La pratique, appelée la Front républicain, oblige les électeurs à se pincer le nez et à voter pour des partis qu’ils ne soutiennent pas habituellement afin de bloquer le RN.
“Le Front républicain « Les résultats de ce sondage sont surprenants, et les craintes selon lesquelles les gens ne suivraient pas les conseils donnés par les partis nationaux semblent infondées », a-t-il déclaré au Financial Times.
La campagne du RN a connu une période difficile ces derniers jours, certains candidats étant apparus mal informés lors des interviews, tandis qu’une poignée d’autres ont publié des contenus racistes ou xénophobes en ligne. Une candidate à la députation pour la première fois en Normandie s’est retirée de la course lorsqu’une vieille photo d’elle portant une casquette nazie a fait surface.
Le Nouveau Front populaire (Nouveau Front populaire) est en passe d’arriver en deuxième position avec 145 à 175 sièges, talonnant potentiellement le RN. La dynamique du pouvoir au sein de la gauche est également en train de changer : La France insoumise (LFI), jusqu’alors dominante, dirigée par l’anticapitaliste Jean-Luc Mélenchon, pourrait se retrouver avec 58 à 68 sièges, juste devant le Parti socialiste (centre-gauche) avec 51 à 61.
Selon Ipsos, l’alliance d’Emmanuel Macron pourrait obtenir entre 118 et 148 sièges. C’est nettement moins que les 250 qu’elle avait obtenus lors de la dernière législature, mais ce n’est pas la perte totale que l’on craignait.
Les sondeurs préviennent que les estimations de sièges ne sont pas une science exacte. Mais Gallard a déclaré que si les projections se confirmaient au second tour, il y avait une forte probabilité qu’aucun parti ne soit en mesure de former un gouvernement.
« Ce sera très, très compliqué pour les partis », a-t-il déclaré. Une possibilité serait de tenter de forger un compromis entre le centre-gauche et le centre-droit pour former un gouvernement, mais compte tenu de leurs profonds désaccords politiques, cela pourrait s’avérer difficile.
Certains analystes estiment qu’un gouvernement technique dirigé par un expert non partisan pourrait être la seule solution pour combler le vide en attendant de nouvelles élections qui pourraient avoir lieu dans un an. La France n’a jamais eu un tel gouvernement depuis la fondation de la Ve République en 1958.
Face au risque d’impasse, certains chefs de partis ont commencé à envoyer des signaux en faveur d’une éventuelle collaboration. Le Premier ministre Gabriel Attal a déclaré qu’une « assemblée pluraliste » pourrait élaborer des accords pour adopter des politiques spécifiques.
Mais certains dirigeants du NFP ont déjà commencé à poser des conditions, en demandant par exemple l’abrogation de la réforme phare des retraites de Macron.
Les marchés sont inquiets depuis quelques semaines de l’instabilité politique en France, pays lourdement endetté qui a conduit à des dégradations de sa note de crédit et à la mise du pays en procédure de déficit excessif par la Commission européenne.
Mujtaba Rahman, directeur général pour l’Europe du groupe Eurasia, a déclaré que la constitution française accordait à un gouvernement technique « des pouvoirs importants en matière d’impôts et de dépenses », mais qu’il n’aurait pas la légitimité nécessaire pour prendre des mesures significatives pour réduire les déficits importants de la France. « La réalité politique risque de constituer une contrainte très importante », a-t-il déclaré.
La cheffe de file du RN, Marine Le Pen, a prédit que si son parti ne remportait pas la majorité absolue, il y aurait « un bourbier ». « Pendant un an, le pays sera à l’arrêt au pire moment pour lui. »