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L’écrivain est un ancien président de la Banque centrale européenne et a été Premier ministre de l’Italie en 2021-2022. Il est l’auteur d’un récent rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne
L’UE s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ; investir au moins 2 pour cent du PIB par an dans la défense de tous les membres de l’OTAN ; porter les dépenses publiques et privées d’innovation à 3 pour cent du PIB ; mettre à niveau son infrastructure numérique aux niveaux de pointe ; et investir dans l’atténuation et la prévention du changement climatique. Elle poursuit également des objectifs plus larges, comme celui de préserver son modèle social.
Bon nombre de ces objectifs sont inscrits dans la législation européenne et nationale. Mais les besoins d’investissement cumulés qu’ils impliquent sont énormes. Des estimations prudentes par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, les chiffres se situent entre 750 et 800 milliards d’euros par an. Pour répondre à ces besoins, il faudrait que les investissements atteignent 27 pour cent du PIB de l’UE, contre 22 pour cent aujourd’hui.
Historiquement, environ 80 pour cent des investissements en Europe ont été financés par le secteur privé et 20 pour cent par le secteur public. Cela implique que les gouvernements devront dépenser plus de 1 000 milliards d’euros au cours des sept prochaines années.
De nombreux gouvernements de l’UE font face à ce défi d’investissement en partant d’un lourd endettement historique et de déficits structurels. Mais analyse de la BCE suggère qu’il est possible d’augmenter considérablement les investissements publics si les gouvernements tirent pleinement parti des nouvelles règles budgétaires de l’UE.
La BCE estime que les nouvelles règles – qui permettent aux pays de prolonger l’assainissement budgétaire jusqu’à sept ans afin de réaliser des investissements et des réformes – pourraient en principe débloquer jusqu’à 700 milliards d’euros. Et une fois la phase de consolidation terminée, les pays sont autorisés à maintenir leurs déficits structurels à 1,5 pour cent du PIB.
Par rapport aux règles précédentes, cette marge pourrait créer environ 1 point de pourcentage d’espace budgétaire supplémentaire pour l’investissement. 400 milliards d’euros supplémentaires proviendront également des ressources européennes existantes.
Comment l’Europe peut-elle garantir que cet espace budgétaire est à la fois utilisé et bien utilisé ? Le budget adopté cette semaine par le gouvernement britannique propose des idées intéressantes à cet égard précis.
Le gouvernement britannique a choisi d’augmenter considérablement les investissements publics au cours des cinq prochaines années et a adopté des règles précises pour garantir que les emprunts soient utilisés uniquement pour financer cet investissement.
De plus, afin de garantir la qualité des dépenses, les transactions seront validées par des autorités indépendantes. Cela augmente la probabilité que l’investissement public ait une valeur actuelle nette positive et favorise ainsi la viabilité budgétaire.
Les pays de l’UE sont actuellement en train de soumettre leurs premiers plans budgétaires dans le cadre des nouvelles règles budgétaires européennes. Les premiers éléments de preuve suggèrent deux différences importantes dans leur approche par rapport à celle du Royaume-Uni.
Premièrement, la plupart des pays qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire et ne sont pas confrontés à une grave détérioration des perspectives macroéconomiques optent pour un processus d’assainissement plus court, soit quatre ans au lieu de sept. Il semble peu probable que ces gouvernements utilisent les marges pour accroître les investissements prévus par les nouvelles règles.
Deuxièmement, pour les pays qui ont l’intention de recourir à la prolongation de sept ans, la garantie que l’argent sera dépensé à bon escient incombe à la Commission. Cela nécessite qu’il soit un partenaire de négociation exigeant, appliquant rigoureusement les objectifs d’investissement et évaluant la qualité des investissements et s’ils répondent aux « priorités communes de l’Union ».
Jusqu’à présent, les biens publics tels que l’atténuation et la prévention du changement climatique, les interconnexions énergétiques, la recherche et la défense ont été sous-financés. La question reste ouverte de savoir si cet écart persistera à l’avenir.
Au niveau national, les trajectoires de la dette semblent avoir été conçues uniquement pour répondre aux analyses de viabilité de la dette. Et au niveau de l’UE, il n’y a jusqu’à présent pas eu d’évaluation commune quant à savoir si les plans individuels des pays répondent aux besoins collectifs du bloc.
Il est certain que la majeure partie des investissements devra encore être financée par le secteur privé. Mais le financement privé ne répondra pas sans un programme de réformes coordonné.
Une utilisation plus efficace des taux élevés d’épargne privée en Europe nécessite l’intégration de ses marchés de capitaux. La réorientation des investissements privés des industries matures vers des secteurs plus avancés dépendra de l’achèvement du marché unique.
Sans cela, les entreprises innovantes dans des secteurs à croissance rapide tels que les services numériques ne seront pas en mesure de se développer et d’attirer des capitaux. Et, par conséquent, les investissements resteront bloqués dans les anciennes technologies.
L’UE pourrait avoir une préférence déclarée pour être un leader climatique, un innovateur numérique et un acteur géopolitique. Mais pour l’instant, la préférence révélée de ses membres est différente. Sans utiliser son espace budgétaire et sans réformer ses marchés, il est difficile de voir comment l’Europe parviendra à réaliser ses ambitions.