L’été, c’est ça : goûter un coin de paradis réfléchi


Ddisait une écrivaine tourmentée comme Virginia Woolf : «Quand j’écris à toute vitesse j’ai juste envie de marcher et d’avoir une vie enfantine et spontanée; me comporter de manière prudente et raisonnée avec des inconnus m’entraîne dans une autre sphère, où je m’effondre. Son équilibre, si clair sur la page, était constamment en danger dans la vie : «Je pense que peu de gens sont aussi torturés par l’écriture que moi. Mon cerveau est comme une balance de précision : un grain suffit à le faire tomber. » En revanche, son nirvana était à sa portée : «Parfois je pense que le paradis lit continuellement, sans fin« .

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Pour tout écrivain obsédé par la parole, heureux quand il écrit mais très malheureux quand l’histoire n’avance pas, il y a un groupe de lectrices et surtout de lectrices qui vivront une autre vie dans cette histoire. Depuis le canapé, depuis le lit ou sur la plage. Ils appartiennent à ce petit 6,4 pour cent d’Italiens (principalement des femmes et de nombreux lecteurs de Je femme) qui constituent les « lecteurs forts », ceux qui lisent au moins 12 livres par an.

A eux, qui savent que s’évader sans être interrompu, quand on a le bon livre entre les mains, est véritablement un petit nirvana, il est dédié le Livre Spécial, conçu pour vous permettre de profiter en été de ce qui est impossible pendant l’année.

Danda Santini, directrice d’iO Donna (photo de Carlo Furgeri Gilbert).

Car il existe aussi un purgatoire domestique peuplé de tous les livres qu’on aimerait lire, mais qu’on n’y parvient jamais. Au milieu se dresse le château de ma culpabilité. Les livres que je sais que je devrais aborder, au moins un rapide coup d’œil, au moins un par jourjuste pour dire que je sais de quoi il s’agit, que je suis informé, que rien ne me manque.

Le livre d’histoire trop lourd pour ma fatigue, le livre d’actualité qui pourrait perturber mes rêves le soir. Celui de l’écrivain dont tout le monde parle et je ne sais toujours rien de lui. Ce que j’aimerais relire, parce que face à cela je n’ai pas compris, ce que je voulais lire dans la langue originale, le livre de poèmes, un chaque soir suffirait.

Il est désormais temps d’éclaircir la pile de livres sur la table de nuit (illustration de Cinzia Zenocchini).

Celui que quelqu’un vous a donné et qui vous posera certainement des questions, celui qui vous intriguait mais maintenant vous ne savez plus pourquoi, le best-seller allemand, celui qui était si populaire en France, celui qui expliquerait quelque chose sur le monde que vous ne connaissez pas, mais pas maintenant. Il n’y a pas de temps, il y a toujours quelque chose de plus urgent, de plus nouveau, de plus intrigant; ou au bon moment, lorsque vous vous promenez dans la maison à la recherche d’une nouvelle histoire, le bon titre vous a échappé ou vous ne le retrouvez plus.

Parce que les livres circulent (trop librement !), à chaque table de chevet sa pile, à chaque bureau sa sélection, et puis il y a ceux qui les mettent de côté (et non côté dos), ceux qui les abandonnent sur le canapé ( le pire), qui les entasse à l’entrée (et c’est vraiment la plus grande paresse). Même si vous vous efforcez de trouver un critère pour les réorganiser et est également prêt à lâcher prise sur ceux qui attendent depuis trop longtemps et qui, comme un pull jamais porté, méritent un lecteur plus attentif.

L’été, c’est ça : goûter un coin de paradis réfléchi. Un petit moment pour lire, dans la journée, avec un esprit neuf. A choisir également. Si possible, avec quelques interruptions.

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