L’Etat français envisage de prendre le contrôle total d’EDF


La France envisage de prendre le contrôle total du groupe électrique EDF, un spécialiste de l’énergie nucléaire aux prises avec un endettement élevé, des arrêts de production et des demandes contradictoires de son actionnaire public alors qu’il se prépare à traiter ses plus grosses commandes de nouveaux réacteurs depuis des décennies.

La prise de contrôle, annoncée mercredi par la Première ministre Élisabeth Borne, fermerait un chapitre de montagnes russes pour l’ancien monopole, qui comprenait une tentative du gouvernement abandonnée l’année dernière pour restructurer l’entreprise tentaculaire, toujours contrôlée à 84% par l’État.

« Je vous confirme aujourd’hui que l’État a l’intention de contrôler 100% du capital d’EDF », a déclaré Borne aux législateurs en définissant les priorités du nouveau gouvernement après la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence en avril et les élections législatives en juin. Elle n’a pas précisé comment l’opération se déroulerait, ni quand.

Les actions de la société, cotée en bourse en 2005, ont grimpé de 14,3% après le discours de Borne. Les actions détenues par les actionnaires minoritaires valent environ 5 milliards d’euros aux prix actuels du marché.

Connu sous le nom d’EDF à la création de l’électricien juste après la seconde guerre mondiale, le capital d’EDF s’est ouvert aux investisseurs privés avec l’argument qu’il apporterait plus de discipline financière et de transparence à un groupe aux antécédents de querelles internes et parfois décrit comme un quasi état-dans-un-état.

Mais son statut de liste s’est avéré de plus en plus problématique, y compris cette année lorsque le gouvernement français a contraint EDF à payer la facture de son plafond sur les prix de l’énergie pour protéger les ménages de la flambée des coûts, désormais exacerbée par la guerre de la Russie en Ukraine. Cette décision a déclenché un tollé de la part des actionnaires minoritaires et l’action, qui a chuté de près de 90 % depuis un sommet en 2007, en a pris un coup.

En plus de donner au gouvernement français une plus grande latitude pour intervenir chez EDF, une renationalisation complète – à laquelle les puissants syndicats du groupe ont été favorables dans le passé – pourrait permettre à Macron de marquer des points politiques. Le parti centriste du président a perdu sa majorité à la chambre basse du Parlement français en juin et devra désormais se disputer avec les législateurs de gauche et de droite pour tenter de faire adopter des projets de loi.

« L’une des raisons de le faire maintenant est le symbolisme de celui-ci. Une nationalisation en France, même si ce n’en est pas vraiment une car elle appartient déjà à l’État, plaira à certaines parties de la gauche et de la droite », a déclaré un banquier qui a déjà travaillé avec l’entreprise.

Financièrement, un contrôle total de l’État aurait aussi le mérite de diminuer encore le coût de la dette d’EDF. Le groupe, qui a été chargé par Macron de construire six nouveaux réacteurs nucléaires en France dans les années à venir pour un coût estimé à environ 52 milliards d’euros, devra trouver des moyens de financer l’entreprise, au-delà de tout financement public.

Mais cette décision ne résoudra peut-être pas tous les problèmes d’EDF. Le groupe a fait face à des dépassements de coûts et à de longs retards dans une poignée de projets phares de réacteurs en Grande-Bretagne et en France, ce qui soulève des inquiétudes quant à sa capacité à en construire davantage à l’avenir. Les problèmes de corrosion de certains de ses 56 réacteurs existants en France ont troué ses finances alors que la production chute à son plus bas niveau depuis plusieurs décennies – son bénéfice de base devrait subir un coup de 18,5 milliards d’euros cette seule année.

« C’est un message aux syndicats et à la gauche », a déclaré Denis Florin du cabinet de conseil en énergie Lavoisier Conseil à propos des plans de nationalisation. « Au-delà, la question est de savoir ce qu’elle va faire pour changer les choses sur le plan opérationnel, au-delà de donner à EDF une structure financière plus sûre. »

L’Etat français a déjà participé à une recapitalisation d’EDF cette année. Au fil des ans, l’entreprise s’est lancée dans les énergies renouvelables et a cherché à exporter sa technologie atomique vers des pays comme la Grande-Bretagne et la Chine. Il a déjà dû faire face à la pression du gouvernement, notamment après avoir été poussé à absorber le concepteur de réacteurs en difficulté Areva en 2017.

Le bouleversement de la structure de son capital pourrait aussi avoir des répercussions ailleurs. Des experts en énergie au Royaume-Uni ont déclaré que cela soulevait d’autres questions sur la rapidité avec laquelle de nouveaux projets nucléaires pourraient avancer en Grande-Bretagne.

Une décision de planification sur l’usine proposée par EDF de 20 milliards de livres sterling à Sizewell, sur la côte est de l’Angleterre, est attendue d’ici la fin de vendredi.

Reportage complémentaire de Nathalie Thomas à Londres



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