Les vrais risques pour les investisseurs après la montée de l’extrême droite européenne


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L’auteur est responsable de la recherche politique chez Algebris Investments.

Le succès de la politique d’extrême droite menace-t-il l’économie européenne et son attrait pour les investisseurs internationaux ?

C’est la question que semblent se poser les investisseurs après la victoire écrasante du Rassemblement national de Marine Le Pen aux élections européennes, l’appel surprise du président français Emmanuel Macron à des élections anticipées et l’annonce choquante d’une alliance improbable entre les partis du parti. Les Français sont partis.

Le Cac 40 a plongé dans sa pire semaine depuis deux ans après le déclenchement des élections, effaçant une grande partie des gains de l’année, tandis que les rendements obligataires ont bondi. L’écart entre les rendements obligataires français et allemands s’est élargi à des niveaux jamais vus au cours des sept dernières années. Pendant ce temps, le ministre français des Finances a averti que la France se dirigeait vers une crise financière.

Il serait extrême de conclure que la France est au bord d’un désastre économique et d’anticiper de graves répercussions sur tout le continent. Il existe néanmoins des risques, tant au niveau national qu’européen, qui pourraient avoir des conséquences à plus long terme pour les entreprises et les marchés.

La France a connu une réaction instinctive. Immédiatement après cette décision politique surprise, les investisseurs sont passés en mode aversion au risque pendant qu’ils en digéraient les conséquences. Toutefois, si les élections montrent une bonne performance de la gauche, nous assisterons probablement à davantage de ventes d’actifs français. Les plateformes d’extrême droite et d’extrême gauche appellent toutes deux à l’annulation des réformes de Macron et contiennent des promesses populistes difficiles à concilier avec les règles budgétaires de l’UE. Une gauche forte signalerait également un virage eurosceptique particulièrement inquiétant contre les entreprises et la croissance. C’est là que résident les vrais risques pour la France.

Depuis les résultats des élections européennes, beaucoup ont établi des parallèles entre la France et l’Italie sous la Première ministre Giorgia Meloni, affirmant que son parti de droite n’avait pas été trop négatif pour les entreprises et l’économie italiennes. Pourtant, ce n’est pas la comparaison la plus pertinente.

La situation est plus analogue à celle de l’Italie de 2018, lorsque les élections ont donné naissance à une coalition improbable de deux partis populistes. Le gouvernement italien de 2018 a été maintenu par une aversion mutuelle à l’égard de Bruxelles et s’est effondré au bout d’un an à peine. Pourtant, il a survécu assez longtemps pour ouvrir une querelle avec la Commission européenne sur le budget national, ce qui a conduit à une hausse des spreads sur la dette publique italienne.

Les marchés financiers sont efficaces pour jouer le rôle de juge, de jury et d’exécuteur des gouvernements qui planifient des dépenses imprudentes et peuvent freiner. Le Royaume-Uni, dirigé par la Première ministre Liz Truss, est un autre excellent exemple, et les mouvements de marché de la semaine dernière suggèrent que les investisseurs pourraient commencer à évaluer le risque d’un scénario similaire en France.

Au niveau européen, le risque d’une France eurosceptique est aggravé par celui d’une Allemagne faible. Le résultat électoral lamentable du chancelier Olaf Scholz affaiblira le gouvernement allemand pour le reste de son mandat, tant sur le plan national que sur la scène européenne. Le puissant « moteur franco-allemand » de l’intégration pourrait donc s’essouffler, laissant la place à la droite pour fixer l’agenda.

Même si la droite a abandonné ses appels à une sortie du bloc après le Brexit, sa vision de l’Europe est différente. Des sondages à l’échelle européenne indiquent que les politiques climatiques ne constituent pas une priorité pour les électeurs de droite, qui privilégient davantage la défense. Une droite européenne enhardie pourrait saisir l’opportunité des clauses de révision du Green Deal pour retarder ou édulcorer certaines dispositions. En plus d’être évidemment néfaste pour la planète, cela pourrait rendre l’Europe moins attractive en tant que destination pour les investissements verts.

Du point de vue des investisseurs, les principaux combats à surveiller à court terme seront ceux sur le prochain budget de l’UE, y compris le reconduction du plan de dépenses de l’UE « Next Generation » et sur les ressources propres de l’UE. Compte tenu de cette incertitude, les investisseurs mondiaux pourraient être moins enclins à prendre des risques européens.

Dans un récent discours, Macron a averti que l’Europe est mortelle et que sa survie dépend de nos choix. Jusqu’à présent, son choix a mis la France sous pression. Je ne pense pas que la montée du populisme représente nécessairement une menace économique mortelle, ni pour l’UE ni pour la France, même si l’histoire suggère qu’elle promet de la volatilité et pourrait décourager les investissements.

Le risque pour l’Europe est plus subtil. Les élections européennes ont ravivé le récit d’une Europe fracturée où les opinions socio-économiques semblent s’opposer aux priorités politiques déclarées de l’UE. Ce sont les choix que l’Europe fera pour réconcilier cette fracture plus profonde et s’attaquer aux causes profondes du succès de l’extrême droite qui façonneront véritablement son avenir.



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