« Qc’est un film féminin pour moi » dit Pietro Marcello delle Voiles écarlatesun film qui vient de sortir en salles, après l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes mai dernier. Extrait du roman de Alexandre Grin« un vrai dissident qui a toujours écrit des livres pour enfants, ne voulait pas se battre, alors il s’est retrouvé en Crimée où il est mort comme tant d’écrivains russes », entre les mains de Pietro Marcello, « devient une histoire pour adultes. Dans l’histoire, le prince charmant arrive (dans le film, il est Louis Garrelet entrer dans l’histoire à bord d’un avion, éd), mais maintenant qui croit encore au Prince Charmant ?».
Les voiles écarlateset c’est une fable dont l’héroïne, Juliette (la toute jeune nouvelle venue Juliette Joan) « il ne peut pas passer de son père à un autre homme. Alors reste seul. L’homme contemporain est une créature qui ne sait pas où se mettre. Ce sont les femmes d’aujourd’hui qui ont les idées claires. C’est ce que je voulais dire. Et si j’ai fait un film féminin, c’est grâce à mes actrices, qui sont extraordinaires. Noémie Lvovsky (Adeline, la matrone bienveillante qui élève Juliette après la mort de sa mère, éd) ressemble à quelque chose d’une pièce d’Eduardo. J’ai travaillé en état de grâce avec elle. Et Juliette…. J’ai rencontré beaucoup d’actrices, peut-être un millier, dans un casting sauvage en lignemais quand j’ai vu la vidéo apathique que Juliette m’avait envoyée, une des pires, j’ai tout de suite compris que j’avais besoin de cette fille énergique ».
Tu es Juliette !
Née en 2001, élevée à Caen en Normandie, dans une famille d’artistes – son père fait des spectacles de rue, sa mère est chanteuse comme les deux frères – Juliette commence très tôt le piano et suit des cours de chant lyrique. « Mon père m’a prévenu qu’ils cherchaient une Juliette de vingt ans pour chanter et jouer. Je me suis dit : « Pourquoi pas ? », j’ai filmé un truc rapide, dans la voiture avec le téléphone portable. Lorsque nous nous sommes rencontrés, Pietro m’a dit : « Tu es Juliette, je le vois comme ça, comme tu es ». Ne pas avoir d’expérience, compte tenu de sa méthode de travail, était peut-être un avantage. Je me suis adapté facilement, tout avec lui change tout le temps. « Cette scène que nous avions prévue, je ne veux plus la tourner, que feriez-vous à la place ? » c’est arrivé souvent. »
La scène du baiser par exemple, celui qui « détruit la figure du prince charmant » résume Pietro Marcello, « nous l’avons tourné de bien des manières différentes » raconte Juliette. Au début c’était lui, Jean, l’aviateur romantique qui m’a embrassé, j’ai laissé entendre un refus, puis j’ai accepté, mais ça n’a pas marché comme ça. Alors on a décidé d’en tourner un dans lequel c’est moi qui l’embrasse, prends l’initiative et le surprend un peu. Lors du montage nous nous sommes rendus compte que c’était la bonne. Juliette est une femme entreprenante, c’est elle qui tient les rênes de leur histoire d’amour, ce n’est pas lui qui la sauve, c’est elle qui décide. Si je pense à la suite de l’histoire, après la fin du film, je ne sais pas s’ils vont rester ensemble. Non, Juliette ne se marie pas et n’aura pas beaucoup d’enfants. Nous avions filmé un épilogue dans lequel Juliette devenait pianiste de concert. J’ai beaucoup aimé. »
Si Juliette Jouan espère désormais travailler avec « des réalisateurs comme Yorgos Lanthimos ou Leos Carax, des auteurs dont les choix ne sont pas forcément compris », Pietro Marcello, après deux films internationaux (la précédente Martin Édenétait passé en compétition à la Mostra de Venise où Luca Marinelli avait remporté la Coppa Volpi) il se dit impatient « de se remettre à faire des petits films. Je ne m’intéresse pas aux films à gros budget et je ne pense même pas qu’il soit juste d’en faire ».
« J’ai aussi reçu des propositions américaines, mais je sais que bientôt Je vais me remettre à faire des films d’archives» continue. «Pour moi, le cinéma est une nécessité, J’ai grandi avec des documentaires, l’inattendu est tout, je me nourris de mon doute, je suis en concurrence avec moi-même et je suis mon pire ennemi. J’aime faire du cinéma parce que je me sens comme un artisan. Mais quand j’ai fini, et que les festivals commencent, je suis déjà ailleurs. Maintenant, je voudrais enseigner. Les jeunes sont la chose la plus importante. »
Les parias comme miracle à Milan
C’est peut-être pourquoi dans le s’arrête De Les voiles écarlates « un endroit où Giovanna D’Arco était passée » cet artisan du cinéma qui est «parti d’en bas, monteur, directeur de la photographie», et qui a produit tous ses films, « même avec 5000 euros comme Le franchissement de la lignemais que maintenant je ne pouvais plus le faire car Je ne suis plus ivre d’inconscience» dit-il, heureux d’avoir donné vie à « un tribunal des miracles, un lieu d’entraide pour les parias du village. En ce moment historique où l’individualisme prévaut, j’ai voulu créer une communauté qui se souvienne Miracle à Milan».
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