Le dentiste libanais Luc Aouad d’Emmen est secoué par ses émotions. C’est précisément dans ces temps incertains qu’il s’est marié à Beyrouth. Mais les « souvenirs » n’ont pas donné grand-chose. Une histoire sur le mariage, la guerre et l’aversion pour le Hezbollah.
Nous sommes le 16 août lorsque Luc Aouad (32 ans) reçoit son dernier patient dans son fauteuil dentaire à Emmen. Un jour plus tard, il s’envole pour Beyrouth, au Liban, où il dit oui à « sa » Mélanie (27 ans) près de trois semaines plus tard. Mais tout est soudain remis en question en raison de la situation tendue au Moyen-Orient. Lorsque les avions militaires israéliens lancent des attaques contre des cibles du Hezbollah fin juillet, Luc et Mélanie, tous deux nés au Liban, ne se sentent plus en sécurité.
La famille vit répartie à travers le monde. Leurs parents habitent près de Beyrouth, mais le frère de Luc réside en Allemagne et sa sœur en Suisse. La question pour eux est de savoir s’ils pourront venir au Liban pour le mariage. Les autres membres de la famille décident de ne prendre aucun risque et ne viennent pas. « La première grosse déception », sirote le dentiste Emmer.
Le mariage du 5 septembre se déroulera normalement. Avec frère et sœur. « Heureusement, tout ce pour quoi nous avons travaillé pendant des mois pourrait arriver », déclare Luc, qui a fui le Liban en 2015 car il ne se sent plus chez lui dans son pays, où le Hezbollah a un gros doigt dans le gâteau. Après le mariage, les tourtereaux se rétabliront en Turquie. Ils retournent ensuite à Beyrouth pour passer encore dix jours avec leurs parents. L’idée est de profiter du mariage.
Mais le 17 septembre, alors que Luc et Mélanie sont à l’aéroport de Beyrouth, les premiers rapports font état d’explosions de téléavertisseurs. Il s’agit d’une attaque contre des milliers de membres du Hezbollah qui utilisent ces appareils. Luc et Mélanie sentent immédiatement que quelque chose ne va pas. « Cette situation est différente. Nous avions le sentiment que les choses allaient vite dégénérer. Le projet de rester à Beyrouth a été jeté par la fenêtre. Nous voulions partir immédiatement. »
Ils recherchent des vols bon marché, mais cela ne s’avère pas si simple. Au final, un aller simple pour Larnaca à Chypre s’avère abordable et ils y restent trois jours. De là, ils se rendent en Suisse pour rendre visite à la sœur de Luc. Puis ils retournent à Emmen.
À Emmen, les émotions continuent de parcourir leurs corps. Israël mène depuis plusieurs jours de lourdes frappes aériennes contre le Hezbollah. Le pays a également annoncé qu’il combattrait également sur le terrain. Cette invasion a commencé hier soir. La population de certaines parties de Beyrouth a reçu l’ordre de partir.
Les parents de Luc habitent à 25 kilomètres de Beyrouth. «Nous sommes inquiets», dit-il. « Mon père et ma mère sont à la maison et regardent la télévision pour suivre les derniers développements. Ma tante, qui vit à Beyrouth, est venue vivre avec eux parce qu’elle ne pouvait pas dormir à cause de tous les bruits de la guerre. C’est très triste. Quelle est la prochaine étape ? Jusqu’où ira Israël ? Nous ne le savons pas. »
Il n’est pas en colère contre Israël. Au contraire. Il dirige sa colère contre le Hezbollah. « Nous sommes chrétiens », commence-t-il son explication. « Compte tenu de la politique du Hezbollah, nous ne pouvons pas vivre dans un seul pays avec eux. Cela ne veut pas dire que je suis pro-israélien, mais le mode de vie des Israéliens est plus proche de moi que celui du Hezbollah. La manière iranienne de faire les choses. Mais ce n’est pas comme ça que j’ai grandi. C’est comme ça que beaucoup de jeunes au Liban le voient. »
Il poursuit : « Malheureusement, ils n’osent pas le dire à voix haute. Ils ont peur. Logiquement, car le Hezbollah possède toutes sortes d’armes illégales. C’est une milice. Les seuls qui devraient avoir des armes sont la police et l’armée. Mais pas ces gens-là.
Luc avait toujours le sentiment que les choses allaient dégénérer. Il évoque le conflit armé de 2006 entre le Hezbollah et Israël, qu’il a vécu à l’âge de 15 ans. « Ensuite, j’ai été assez intelligent pour penser que je devrais éventuellement quitter le Liban. Finalement, j’avais raison. Beaucoup de jeunes regrettent d’être restés et d’avoir tout construit, alors que la suite des événements est très incertaine. Je suis j’ai peur que tout dégénère encore plus rapidement. »