P.Avant que le soleil ne revienne et que le vert ne vire au jaune paille, cela vaut la peine de profiter du moment : la végétation luxuriante que les pluies abondantes ont apportée au nord de l’Italie. En surmontant la paresse et en m’engageant à trente minutes de marche rapide et saine, je deviens l’une de mes mutations préférées : la taupe de la ville.

Spectacle de fleurs de cerisier de Washington le long du Tidal Basin

C’est précisément celui de la colonne du même nom qu’il gardait au Corriere della Sera Oreste del Buono, journaliste et écrivain, explorer la ville avec la conviction que, pour qui sait regarder attentivement, il y a toujours de nombreuses surprises. Et donc, nez en l’air (les taupes explorent avec l’odorat, le toucher et l’ouïe), mais avec une bonne paire de lunettes pour ne rien rater du magnifique à quelques centimètres du sol, des chaussures confortables et à la main le application précieuse pour reconnaître les fleurs, je me dirige vers le bureau.

Avec l’enthousiasme d’un amateur, la patience d’un entomologiste et la détermination de quelqu’un qui a une mission claire à accomplir : repérez les fleurs sauvages et apprenez à les reconnaîtrej’adore la verdure mais je ne connais rien à la botanique.

Danda Santini, directrice d’iO Donna (photo de Carlo Furgeri Gilbert).

Dans le petit parc sous la maison, aujourd’hui rebaptisé Jardin d’Angela et Luciana Giussani (les inventeurs de Diabolique: les petits jardins nommés d’après les femmes sont magnifiques), dans l’herbe gonflée et brillante le pissenlit jaune soleil et le trèfle blanc dominent sans conteste (qui sait combien de trèfles à quatre feuilles au milieu), une bénédiction pour les insectes pollinisateurs, si il est vrai que c’est la quantité de nectar qu’une fleur émet aussi lorsqu’elle entend le bourdonnement d’un bourdon.

La nature envahit la ville

Non loin de là, les espaces verts conquis par la nouvelle ligne de métro, à un œil attentif, deviennent une discrète émeute dans toutes les nuances de violet : il y a la prunelle violette, petite et timide, la verveine délicate et fine, la campanule comestible dans une nuance un peu plus intense ; J’ajoute de délicieux mini papappies que l’application me révèle mordants, jolis mais toxiques.

La nature envahit la ville (illustration de Cinzia Zenocchini).

Plus loin, dans l’allée bordée d’arbres, on aperçoit les tiges droites et vaniteuses des roses trémières, les corolles violettes et le charme exotique. Dans les ronds-points protégés par le feuillage des tilleuls, là où l’herbe devient plus haute, les pissenlits se détachent et la bordure est faite d’épillets d’orge sauvage.

Dans le jardin du nom de la dramaturge Teresa Pomodoro, protégé par des platanes centenaires et de somptueux cèdres de l’Himalaya, parmi les acacias et les cerisiers du Japon nouvellement plantés (ça vaut le coup d’essayer de relever la tête, même si on est une pauvre taupe écrasée au sol) l’appli pointe du doigt les tiges rugueuses du plantain et les petites fleurs de mélisse et de menthe.

En sortant du métro, Je quitte la route principale et prends le chemin alternatif (les taupes des villes adorent les raccourcis) croiser les liserons blancs, les liserons mouchetés de rose, la mauve sauvage. Aussi grand que moi (en tant que personne, pas comme une taupe), il y a le sorgho sauvage avec de longues feuilles et une inflorescence rougeâtre.

Je suis arrivé, abasourdi et presque ému par l’abondance de fleurs et de nature qui, grâce à plus d’eau, accompagne mon voyage quotidien.. Je lève les yeux : la ville s’amenuise, les périphéries urbaines laissent la place à la campagne. Là commence le territoire sauvage de ma cousine, la taupe des champs. Qui n’aime pas les intrus, encore moins les curieux.

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