Les nouvelles règles budgétaires de l’UE ne sont pas adaptées à leur objectif


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L’écrivain est professeur de politique publique à la LSE, chercheur principal non-résident à Bruegel et ancien membre du Parlement européen.

La réforme des règles budgétaires de l’UE convenue en décembre ignore les réalités budgétaires et politiques fondamentales des États membres. Pour cette raison, les nouvelles règles ne fonctionneront pas.

L’accord conclu le mois dernier, qui doit encore être partiellement négocié par le Parlement européen, maintient les plafonds de dette de 60 pour cent et de déficit de 3 pour cent du traité de Maastricht, mais modifie considérablement le Pacte de stabilité et de croissance qui les met en œuvre.

La principale nouveauté réside dans l’introduction de plans de dépenses spécifiques à chaque pays, basés sur une analyse de viabilité de la dette réalisée par la Commission européenne et négociés bilatéralement avec chaque État membre. En outre, les règles comprennent deux garanties clés : une sauvegarde de viabilité de la dette garantissant une réduction de la dette pendant la période d’ajustement, et une « garantie de résilience au déficit » exigeant des ajustements budgétaires au-delà de la limite de 3 pour cent prévue par le traité jusqu’à une marge de 1,5 pour cent du produit intérieur brut. .

Sur le plan économique, ces règles représentent un effort louable pour adapter les trajectoires de dépenses aux conditions dans lesquelles se trouvent chaque État et pour se concentrer sur une croissance nette des dépenses et un ancrage de la dette basé sur une analyse de durabilité. Mais ils ne résolvent pas les problèmes qui ont tourmenté les itérations précédentes.

Les États membres ont déjà tenté à plusieurs reprises de réformer le Pacte de stabilité et de croissance, introduit en 1997. Ces changements ont échoué non pas parce que les nouvelles règles proposées étaient mauvaises, mais parce que personne n’était capable de les contrôler et de les mettre en œuvre. Cela était évident dès 2002, lorsque les premières violations et tentatives de sanctions ont eu lieu.

Cette fois-ci, la proposition initiale de la commission, présentée en avril 2023, comprenait un élément destiné à améliorer l’adhésion (et donc le respect) des États membres : un rôle de surveillance pour les institutions budgétaires nationales indépendantes, qui devraient évaluer dans quelle mesure les plans du gouvernement étaient conformes à la trajectoire de dépenses convenue. Malheureusement, cet élément manquait dans le package final.

Sans cela, les nouvelles règles ne feront qu’aggraver la situation politique. Le recours à des négociations bilatérales entre la Commission et chaque État membre est désormais explicite. Et il est difficile d’imaginer que les premiers ne cèdent pas aux pressions, notamment de la part des grands États membres.

De plus, les horizons de mise en œuvre de sept ans stipulés dans les nouvelles règles s’étendent au-delà des cycles politiques habituels. Il est peu probable, par exemple, que la commission force un gouvernement élu avec des priorités différentes au milieu du cycle de sept ans à mettre en œuvre les politiques convenues par son prédécesseur. Le cadre est également vulnérable à la manipulation par une comptabilité créative et des évaluations de croissance trop optimistes.

Un bon exemple de l’incapacité de la Commission à l’emporter dans les négociations bilatérales est l’échec de la mise en œuvre des réformes dans le cadre des plans d’émission d’obligations européennes NextGen de 750 milliards d’euros. A cette occasion, Bruxelles avait un bâton pour menacer les pays qui ne s’y conformaient pas. Pourtant, comme le notent les économistes Tito Boeri et Roberto Perotti dans un nouveau livre sur le plan italien : « Presque toutes ces réformes étaient, déjà sur le papier, moins « d’époque » que les gouvernements successifs voulaient nous faire croire ; en outre, leur mise en œuvre a été dans certains cas décevante, dans d’autres un échec total.»

L’UE manque d’espace pour une comptabilité créative. Au lieu d’encore plus de règles, il lui faut un trésor central capable d’augmenter les impôts et d’engager des dépenses dans les biens publics à l’échelle européenne, notamment la défense, l’innovation et l’atténuation du changement climatique. Jusqu’à ce que l’UE (ou un sous-ensemble de pays) y parvienne, le bloc continuera à se trouver vulnérable aux chocs extérieurs, plein de potentiel non réalisé mais manquant de l’objectif et de l’orientation nécessaires pour réussir dans un monde de plus en plus complexe et hostile.



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