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Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
Des manifestants sont descendus dans les rues des plus grandes villes du Nigeria vendredi pour un deuxième jour, les citoyens du pays le plus peuplé d’Afrique étant descendus dans la rue pour dénoncer une grave crise du coût de la vie et une mauvaise gouvernance.
Plus d’une douzaine de personnes ont été tuées lorsque les forces de l’ordre, selon des groupes de défense des droits de l’homme, ont tiré sur des manifestants jeudi dans plusieurs États du nord, dont Borno, qui fait également partie de ceux qui ont instauré un couvre-feu d’une journée dans le cadre des efforts visant à réduire les troubles.
Les organisateurs des manifestations, qui ont également eu lieu dans le centre commercial de Lagos et dans la capitale Abuja, avaient appelé les Nigérians à manifester leur mécontentement face à la flambée des prix des denrées alimentaires et à une inflation élevée depuis trois décennies au cours de dix jours de manifestations.
Ils ont été en partie inspirés par les manifestations au Kenya, où un mouvement mené par des jeunes s’est révolté contre les augmentations d’impôts proposées par le gouvernement pour combler le déficit budgétaire.
Le Nigeria traverse sa pire crise économique depuis des décennies, avec une inflation annuelle de plus de 34 % et des prix alimentaires en hausse encore plus forte.
Ce profond malaise, que le gouvernement du président Bola Tinubu s’était engagé à résoudre lors de son arrivée au pouvoir l’année dernière, a poussé des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, dans un pays qui compte l’un des plus grands nombres de personnes pauvres au monde.
Tinubu a mis en place une série de réformes économiques pour relancer l’économie nigériane en difficulté. Mais ses solutions ont créé leurs propres problèmes, notamment la suppression partielle des subventions sur les carburants, très appréciées mais coûteuses, qui ont conduit à un triplement des prix du carburant et à une hausse des coûts des biens de consommation et des transports. La monnaie locale, le naira, a également perdu environ 70 % de sa valeur par rapport au dollar américain après deux dévaluations au cours de l’année écoulée.
Des policiers et des militaires lourdement armés ont été déployés dans tout le pays et la police a lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants le premier jour des manifestations. Le chef de la police nationale nigériane, Kayode Egbetokun, a déclaré que toutes les unités avaient été placées en « alerte rouge » et qu’elles pourraient demander une intervention militaire accrue.
Le gouvernement a passé plusieurs jours à tenter d’empêcher les manifestations de se dérouler, en recourant à des menaces à peine voilées et à des cajoleries. Il a obtenu des décisions de justice interdisant aux manifestants l’accès aux parcs publics, les forces de sécurité laissant entendre qu’elles avaient découvert un complot visant à utiliser les manifestations comme un cheval de Troie pour renverser le gouvernement. Des chefs traditionnels et des leaders religieux, dont de puissants imams, ont également été mobilisés pour appeler leurs fidèles à éviter la dissidence.
L’administration de Tinubu a annoncé des postes vacants au sein de la société pétrolière publique et a doublé le salaire minimum national à 70 000 N (43 $) dans les jours précédant le premier jour des manifestations.
L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a déclaré vendredi dans un communiqué que les autorités devraient enquêter sur les meurtres de jeudi et « veiller à ce que les membres des forces de sécurité soupçonnés d’être responsables de l’usage meurtrier de la force soient traduits en justice dans le cadre d’un procès équitable. La répression violente contre des manifestants pacifiques est injustifiée et inacceptable ».
« Nos conclusions montrent jusqu’à présent que le personnel de sécurité sur les lieux où des vies ont été perdues a délibérément utilisé des tactiques conçues pour tuer tout en gérant les rassemblements de personnes qui protestaient contre la faim et l’extrême pauvreté. »
Le Nigeria a l’habitude de réprimer les manifestants. Près de 60 personnes ont été tuées dans tout le pays lors de manifestations contre les violences policières en 2020, notamment dans le quartier de Lekki à Lagos, où des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants pacifiques.