Les marques occidentales se sentent boycottées à cause de la guerre à Gaza : « Si le PDG de McDonald’s l’admet, l’impact doit être assez important »

Les marques occidentales sont confrontées à des boycotts en raison de la guerre à Gaza. Leur prétendu soutien à Israël a retourné de nombreux consommateurs contre eux, tant au Moyen-Orient que dans notre pays. « Ils se rendent compte qu’ils ont un problème. »

Yannick Verberckmoes

Dans un regard par ailleurs très positif sur l’année écoulée, Chris Kempczinski, le PDG de McDonald’s, a écrit quelques passages sur la façon dont la chaîne de restauration rapide est affectée par la guerre à Gaza. Aucune bombe ne tombe sur les restaurants, mais les boycotts de la chaîne font des ravages. « Je reconnais que plusieurs marchés au Moyen-Orient et certains en dehors de la région subissent un impact significatif sur leurs activités », a écrit Kempczinski, attribuant cet impact à la « désinformation ».

Cependant, il y a bien une raison pour laquelle les consommateurs du Moyen-Orient ignorent la chaîne. La succursale israélienne de McDonald’s elle-même a déclaré avoir fait don de plus de 100 000 repas aux soldats israéliens, ainsi qu’à d’autres forces de sécurité et hôpitaux, depuis le début de la guerre. La chaîne en est accusée dans de nombreux autres pays. À Bruxelles, par exemple. Là, le 29 décembre, des manifestants pro-palestiniens ont manifesté devant le restaurant situé en face de l’ancien bâtiment de la bourse.

« McDonald’s n’est qu’une des marques accusées de collaborer avec l’armée israélienne », estime l’expert du Moyen-Orient Koert Debeuf (VUB). « Lorsque des manifestants pro-palestiniens passent devant Carrefour à Bruxelles, ils crient aussi ‘Boycott Carrefour !’ »

Starbucks

Carrefour Israël a publié des photos sur Instagram en octobre affirmant avoir livré des milliers de colis à des soldats israéliens. Le message, qui a suscité beaucoup de polémiques, a depuis été supprimé. Pourtant, il existe encore en ligne des photos de soldats israéliens posant avec des sacs de la chaîne de supermarchés.

L’indignation vise l’ensemble de la chaîne et, selon Debeuf, elle n’est pas entièrement justifiée. Chez McDonald’s et Carrefour, les franchisés locaux ont organisé des campagnes de soutien à l’armée israélienne. «Si McDonald’s Israël fait une chose pareille, McDonald’s Belgique n’a rien à voir avec cela», déclare Deboeuf. « L’action n’est pas dirigée par le siège américain. Pourtant, cette décision de McDonald’s Israël a déjà eu des implications dans le monde entier.»

Chez McDonald’s comme chez Carrefour, les franchisés d’autres pays ont pris leurs distances par rapport à la succursale israélienne. Carrefour a exprimé son soutien au peuple palestinien en Tunisie. Les franchises McDonald’s dans un certain nombre de pays arabes ont également pris leurs distances par rapport à leurs homologues israéliens, promettant même parfois une aide à Gaza. «C’est une situation complexe», estime Debœuf. « Mais ils réalisent qu’ils ont un problème. »

D’autres marques occidentales au Moyen-Orient subissent également actuellement une atteinte à leur réputation. Bien que Starbucks n’ait aucun lien direct avec Israël, des militants turcs ont attaqué certains cafés. A Istanbul, les vitres d’un Starbucks ont été brisées par des militants qui ont lancé des pierres. Des membres du parti nationaliste MHP ont défilé vers une succursale de la chaîne à Osmangazi avec une banderole : « Ne buvez pas de sang musulman, buvez du café turc ».

Le Parlement turc ne propose plus de produits Coca-Cola ni de café instantané Nestlé dans ses restaurants, car ces entreprises soutiendraient Israël. Le faiseur d’opinion Dyab Abou Jahjah a déclaré ce week-end dans notre journal que Coca-Cola – à la demande de ses filles – n’entrait plus chez lui. «C’est désormais du Everyday Cola de Colruyt, non buvable, mais propre.»

Mouvement BDS

Les boycotts ne sont pas une tactique nouvelle. Le mouvement BDS existe depuis 2005 (BDS signifie boycott, désinvestissement, sanctions, YV) faisant ainsi pression sur Israël pour qu’il démantèle, entre autres choses, les colonies. Le mouvement, qui s’inspire des campagnes contre le régime de l’apartheid sud-africain, se concentre sur les produits israéliens. Mais les boycotts spontanés au Moyen-Orient vont désormais bien plus loin.

Les entreprises qui ont des liens avec Israël d’une manière ou d’une autre – ou qui sont soupçonnées d’avoir des liens – doivent également y faire face. «C’est en effet de plus en plus confus», déclare Brigitte Herremans, experte du Moyen-Orient (UGent). « J’ai l’impression que les gens ciblent désormais également les entreprises américaines ou occidentales, car ils estiment que la pression politique de ces pays est trop faible. »

Selon Herremans, les campagnes menées par les ONG qui plaident en faveur d’une interdiction du commerce avec les colonies ont déjà fait beaucoup pour mettre le problème sur la scène internationale. L’UE tente également désormais d’établir une liste officielle des produits provenant de ces régions. Même si cela est difficile, car Israël lui-même ne fait aucune distinction entre les colonies et le reste du territoire.

Debeuf doute que les boycotts fassent actuellement pression sur le gouvernement israélien. « Je ne pense pas que les boycotts au Moyen-Orient auront un grand impact sur la politique israélienne à ce stade », dit Debeuf. « Même les États-Unis ont actuellement peu de contrôle sur le gouvernement de Netanyahu. »

Mais selon Debeuf, cela ne veut pas dire que les boycotts eux-mêmes n’ont aucun effet. Ce conflit signifie que les entreprises doivent réfléchir très attentivement à la manière dont elles font du commerce et avec qui. Parce que les atteintes à la réputation peuvent frapper durement les entreprises. «Pour que le PDG de McDonald’s admette ouvertement une chose pareille, il faut déjà que l’impact soit assez important», estime Debeuf.



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