D’une semaine de 38 heures à une prime pour enseigner des cours difficiles. Dans un rapport très attendu, des experts en éducation avancent des propositions remarquables. Mais dans quelle mesure sont-ils exactement souhaitables – et surtout réalisables ?
1. Pourquoi ce rapport était-il nécessaire ?
La plus grande critique adressée au ministre de l’Éducation Ben Weyts (N-VA) est que, comme ses prédécesseurs, il n’a pas réussi à faire respecter un pacte de carrière global. Selon le secteur professionnel, cela est crucial pour rendre le travail plus attractif et faire face à la grave pénurie d’enseignants. À la fin de l’année dernière, la pomme chaude a été transmise à un comité indépendant, qui pourrait sortir de l’impasse – dixit Weyts – dans laquelle aboutit toute consultation sociale.
La soi-disant Commission des Sages, dirigée par Dirk Van Damme, expert en éducation et ancien PDG de l’OCDE, a maintenant achevé un rapport complet qui devrait guider l’éducation dans le 21e siècle. Le rapport contient environ 70 propositions qui forment ensemble « un projet d’une politique moderne du personnel ».
2. Qu’est-ce que l’enseignant doit retenir ?
La nomination permanente n’est pas concernée dans le rapport, mais selon les experts, la tâche des enseignants doit être redéfinie. Cela s’exprime désormais en heures d’enseignement – par exemple, vous enseignez à temps plein en 1ère et 2ème années dans l’enseignement secondaire avec 22 heures d’enseignement contre 20 heures d’enseignement en 3ème. La semaine de 38 heures, comme dans d’autres secteurs, « rend mieux justice à la complexité du travail », estime le vice-président Paul Yperman, figure forte des collèges jésuites depuis de nombreuses années.
Cette approche permet de reconnaître davantage de tâches que le simple enseignement, comme un travail de perfectionnement ou la préparation d’un voyage scolaire. Par exemple, le rapport vise deux heures par semaine pendant lesquelles les enseignants peuvent se développer grâce à une formation continue ou à l’auto-apprentissage. La Flandre en a désespérément besoin, estime l’expert en éducation Pedro De Bruyckere. « Cela peut avoir une plus grande influence sur le processus d’apprentissage que la formation des enseignants, selon des recherches. »
Un problème majeur est également l’atterrissage brutal pour de nombreux enseignants débutants. Ils doivent désormais souvent trouver des heures d’enseignement ou se retrouvent dans les contextes scolaires les plus difficiles. Résultat : environ un enseignant débutant sur trois démissionne dans les cinq ans.
Le comité propose désormais une année d’introduction rémunérée, au cours de laquelle les débutants disposent d’un espace « pour développer leurs compétences sur le lieu de travail ». Il devrait également y avoir une sorte de garantie d’emploi garantissant un emploi (de préférence à temps plein) pendant une année scolaire complète. Enfin, une prime est également envisagée pour les enseignants qui travaillent dans un contexte difficile, afin « d’éviter la fuite des écoles les plus en difficulté ».
Ce dernier point est délicat, comme l’a déjà prouvé la controverse autour de l’« enseignant spécialiste ». « Je suis un amateur cool des primes, mais dans ce contexte, je suis le comité », déclare De Bruyckere, qui n’a qu’une seule inquiétude : « Les propositions sont logiques, mais pourraient aussi entraîner de nouvelles formalités administratives. »
3. Qu’est-ce que cela signifie pour les écoles ?
Le point commun du rapport est que les écoles disposent d’une plus grande liberté dans leur politique du personnel. Aujourd’hui, des réglementations complexes déterminent quel diplôme vous pouvez recruter pour quelle profession. Un directeur – qui peut également compter sur une meilleure rémunération – doit pouvoir assumer le rôle d’un responsable RH moderne. Selon le comité, cela signifie : prendre des décisions en fonction de la compétence et du profil requis.
Cela serait également compensé par un financement plus flexible. Au lieu d’un forfait d’heures prédéterminé, les experts soutiennent que les écoles peuvent dépenser librement les ressources allouées en fonction de leur propre contexte et de leurs besoins.
La proposition provoque un « sursaut de joie » chez Dirk Kerckhoven, directeur de Don Bosco à Gand. Son école secondaire actuelle est un tout autre terrain de jeu que l’école professionnelle et technique Don Bosco de Bruxelles dont il était auparavant directeur. « Là-bas, j’avais besoin d’une expertise différente. Mais embaucher un psychologue sans diplôme d’enseignant n’est actuellement pas possible.»
Cette liberté supplémentaire est compensée par le fait que les écoles sont tenues responsables de leurs résultats, notamment par le biais de tests centraux et d’un rôle plus important de l’inspection. «Il faut lui donner plus de mordant, également en termes de politique du personnel et d’utilisation des ressources», estime Van Damme.
4. Dans quelle mesure tout cela est-il réalisable ?
Le rapport reste une première étape : les partenaires sociaux et les politiques doivent s’y mettre. Selon De Bruyckere, le fait que la nomination permanente ne soit pas vraiment affectée montre une certaine réalité. Cependant, de nombreux points difficiles demeurent, comme la proposition de réduire le nombre de systèmes de congés et le droit au retour des enseignants nommés à titre permanent.
Quoi qu’il en soit, selon la commission, une réforme « peut prendre 1 à 2 législatures complètes ». À court terme, Weyts espère « donner une impulsion au plan individuel de professionnalisation de chaque enseignant et à un rôle renouvelé pour l’Inspection pédagogique ».
Il est logique que les organisations faîtières éducatives soient plus susceptibles de répondre positivement, puisque le comité reprend de nombreuses propositions formulées au préalable. Un tout autre signal de la part des syndicats. ACOD qualifie cet exercice de réflexion d’irréaliste, VSOA va encore plus loin : « C’est une perte de temps très précieuse. »
La conversation risque immédiatement de s’enliser dans une guerre de tranchées. «On s’attendrait à ce que chacun ait le courage de donner au moins une chance à ces propositions», déclare Kerckhoven. « Aujourd’hui, vous ne pouvez pas expliquer cela au plus petit enfant que vous rejetez cela a priori. »