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Certains les qualifient de fléaux de la vie professionnelle moderne : l’e-mail du patron qui atterrit dans la boîte de réception à 22 heures ou les messages de groupe WhatsApp qui s’affichent bien après les heures normales de bureau. Les employés devraient-ils avoir le droit légal de se déconnecter ? Le nouveau gouvernement travailliste britannique s’est engagé à introduire un « droit à la déconnexion », dans le cadre d’un ensemble plus vaste de réformes des droits des travailleurs, à l’instar d’une douzaine de pays qui ont mis en place des mesures de protection. Mais le parti travailliste a apparemment renoncé à en faire un droit légal et a préféré l’intégrer à un code de conduite pour les entreprises au-dessus d’une certaine taille. Il est sage d’avoir édulcoré ses plans.

Les mesures de confinement mises en place pendant la pandémie ont conduit à une généralisation du télétravail et à une plus grande flexibilité des horaires, que de nombreux salariés ont accueilli favorablement et ont cherché à maintenir après la pandémie. Mais elles ont exacerbé les risques d’une culture du « tout connecté » – cette confusion pernicieuse entre vie professionnelle et vie privée. Un certain rééquilibrage et des mesures de protection sont nécessaires pour éviter les abus.

Mais une législation trop autoritaire ou une approche uniforme serait une erreur. Dans un environnement mondialisé, de nombreuses entreprises (sociétés financières, sociétés technologiques ou toute autre entreprise qui doit répondre rapidement aux besoins de ses clients) peuvent avoir du mal à fonctionner efficacement si elles ne peuvent pas joindre leurs employés clés en cas d’urgence. Beaucoup de personnes occupant des postes de direction ou des postes hautement rémunérés acceptent que travailler et être joignable plus longtemps que la normale soit justifié par le salaire, les récompenses et les responsabilités dont elles bénéficient.

Même les personnes qui occupent des postes moins bien rémunérés, comme dans le secteur de la santé ou des services d’urgence, dans le gouvernement ou dans les médias, reconnaissent que répondre à des événements en dehors des heures de travail « fait partie du travail ». Et de nombreux employés occupant des postes moins importants ou à forte pression apprécient la flexibilité qui leur permet, par exemple, de commencer plus tard pour pouvoir aller chercher les enfants à l’école, mais de consacrer un peu de temps à rattraper leur retard sur leurs e-mails le soir.

Il est important de prévenir le harcèlement ou les traitements injustes à tous les niveaux et, surtout, de protéger les personnes les moins bien payées ou les moins en mesure de se protéger contre les abus. Les employeurs ne devraient pas pouvoir utiliser des communications répétées en dehors des heures de travail exigeant des réponses ou des actions spécifiques de la part du personnel pour les forcer à travailler des heures supplémentaires tout en contournant les règles et la rémunération des heures supplémentaires.

Les pays ont adopté des restrictions plus ou moins sévères, même si les sanctions réelles sont généralement faibles. Au Portugal, une loi adoptée fin 2021 prévoit que toute entreprise de plus de 10 salariés peut être condamnée à une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 € pour avoir contacté des salariés en dehors des heures normales de travail de 40 heures par semaine, sauf en cas d’urgence réelle. En France, la loi sur les entreprises de plus de 10 salariés prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 € pour avoir contacté des salariés en dehors des heures normales de travail de 40 heures par semaine, sauf en cas d’urgence réelle. droit à la déconnexion n’empêche pas les patrons de passer des appels ou d’envoyer des courriels ou des SMS en dehors des heures de travail, mais les employés ne peuvent pas être punis s’ils ne répondent pas avant les heures normales.

Le parti travailliste britannique serait favorable à des exemples moins contraignants comme ceux de la Belgique et de l’Irlande. Ces derniers ont intégré cette question dans un code de conduite volontaire. Les employeurs et les salariés sont censés négocier des politiques définissant les horaires de travail normaux et les circonstances dans lesquelles les employés peuvent être contactés en dehors de ces horaires. Il n’existe pas de droit légal à la déconnexion, mais les violations du code peuvent être utilisées pour appuyer d’autres réclamations en vertu des lois sur les horaires de travail devant les tribunaux, ce qui peut potentiellement augmenter les indemnisations en cas de faute avérée.

Le Royaume-Uni, qui a un besoin urgent d’investissements étrangers pour stimuler sa productivité et sa croissance, a vanté ses lois du travail flexibles comme un avantage concurrentiel. Il serait malavisé de s’écarter du modèle irlandais. Il existe des domaines dans lesquels la législation du travail doit être renforcée, de l’interdiction des contrats zéro heure abusifs à l’éradication des ateliers clandestins et de l’esclavage moderne. La protection contre les e-mails envoyés en dehors des heures de travail n’en fait pas partie.



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