Les émeutes françaises montrent à quel point les inégalités sont enracinées


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Imaginez deux pays. Le premier est fièrement chrétien, il a laissé la ségrégation raciale de mémoire d’homme et le racisme est mentionné plus fréquemment dans ses médias que partout ailleurs dans le monde développé. La seconde est strictement laïque et interdit légalement la collecte de données sur la race des gens, un effort conscient de ses dirigeants pour éviter d’utiliser l’ethnicité pour différencier ou diviser.

Selon vous, laquelle offrirait aux personnes de diverses origines raciales et religieuses les meilleures perspectives de réussite ? De devenir des participants égaux à la société ? Les réponses révélées dans les données sont surprenantes.

En 2021, le chômage aux États-Unis était de 5,5 % pour les personnes nées dans le pays et de 5,6 % pour celles nées à l’étranger. Les taux d’emploi des Noirs et des Blancs sont désormais au coude à coude. En France, le chômage est de 7 % chez les natifs, mais de 12 % chez les immigrés, dépassant 17 % chez ceux qui sont arrivés au cours des dix dernières années. Les comparaisons avec la Grande-Bretagne, dont la démographie et l’histoire coloniale constituent peut-être une référence plus juste, sont tout aussi accablantes.

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Après une semaine d’émeutes à travers la France, provoquées par la mort d’un adolescent d’origine nord-africaine abattu par la police lors d’un contrôle routier, ces statistiques méritent d’être revues. Alors que le nombre d’arrestations a diminué cette semaine, la nécessité d’une conversation sérieuse sur la façon dont la France continue d’échouer ses communautés d’immigrés et leurs quartiers demeure.

Tout comme lors de l’épisode de violence urbaine de 2005 en France ou des émeutes de Londres en 2011, les relations conflictuelles entre la police et les minorités ethniques ont déclenché des troubles alimentés par la privation et l’exclusion sociale. Les émeutiers ont tendance à venir de manière disproportionnée des quartiers défavorisés : ceux qui n’ont pas d’intérêt dans la société ont peu à perdre à l’incendier.

Dans tout l’ouest, les jeunes hommes noirs et bruns se sont amèrement habitués à être ciblés de manière disproportionnée par les interpellations et les perquisitions de la police, mais l’ampleur de la disparité en France est choquante. À Londres, les Noirs sont entre deux et trois fois plus susceptibles d’être appréhendés que leurs homologues blancs, mais à Paris, le chiffre passe à six fois, et près de huit fois pour ceux d’origine arabe.

Graphique montrant que les personnes noires et brunes sont contrôlées de manière disproportionnée par la police dans l'ouest, mais les disparités sont vraiment énormes en France

Les rencontres avec la police française sont également plus meurtrières, car les agents sont régulièrement armés et sont autorisés à tirer sur les personnes qui ne respectent pas les contrôles routiers si elles sont considérées comme présentant un risque pour la sécurité. Il y a eu 26 fusillades policières mortelles en France en 2022, contre seulement 2 au Royaume-Uni, et au cours des 18 derniers mois, la police française a abattu 17 personnes lors de contrôles routiers comme celui qui a déclenché les dernières émeutes.

Vendredi dernier, alors que les troubles s’intensifiaient, les deux plus grands syndicats de police ont publié une déclaration déclarant qu’ils étaient « en guerre » contre la « vermine » et les « hordes sauvages ». Cette culture de l’hostilité s’est développée depuis que Nicolas Sarkozy a abandonné la police de proximité il y a deux décennies, au profit de tactiques plus répressives. Un futur gouvernement dirigé par le parti d’extrême droite de Marine Le Pen ne pencherait sûrement que pour l’approche contradictoire.

Et il y a peu de signes d’amélioration en matière d’intégration. Une personne sur cinq de la population française née à l’étranger pense être victime de discrimination, le taux le plus élevé avec l’Italie dans le monde développé. Pendant ce temps, les immigrés français sont presque trois fois plus susceptibles que ceux qui sont nés dans le pays d’être dans la pauvreté. Au Royaume-Uni, les taux de pauvreté entre les immigrés et les autres sont les mêmes.

Graphique montrant que les quartiers en difficulté et les plus aisés sont nichés les uns dans les autres à Londres, mais à Paris, les zones les plus défavorisées sont regroupées dans des blocs plus grands

Cette disparité française est aggravée par des décennies de politique de la ville qui a échoué, ce qui a entraîné la concentration des communautés immigrées dans le banlieues, accentuant leur altérité et entravant la mobilité sociale. La nature côte à côte de la richesse et de la pauvreté à Londres s’accompagne de ses propres problèmes, mais a été un contrefort contre l’ossification des inégalités observée en France. Vingt-huit pour cent des immigrés français récents font désormais partie du dixième des revenus les plus faibles, contre seulement 8% des non-immigrés. Au Royaume-Uni, le chiffre est de 10 %, quel que soit le pays de naissance.

Malgré les affirmations selon lesquelles la France est aveugle à la race, les données racontent une histoire différente. Sans réformes à la fois du maintien de l’ordre et de l’exclusion sociale, il y a peu d’espoir que ces épisodes violents cessent de sitôt.

[email protected], @jburnmurdoch





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