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Votre guide sur ce que signifient les élections américaines de 2024 pour Washington et le monde
La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis marque une nouvelle ère dans la politique américaine et mondiale. Il y a huit ans, sa victoire aurait pu être considérée comme une anomalie. Cette fois, après tout ce qui s’est produit depuis – notamment la tentative d’annuler le résultat des élections de 2020 – cela représente un choix décisif pour le pire de la part du peuple américain. Avec un contrôle probable sur le Congrès et une Cour suprême indifférente, Trump envahit les États-Unis. Il cherche à remodeler beaucoup de choses selon ses propres souhaits. Cette fois-ci, il aura d’ailleurs à ses côtés une armée de loyalistes.
Pour tout gouvernement britannique, cela créera d’énormes dilemmes. La relation unilatérale avec les États-Unis constitue de loin la relation de sécurité la plus importante que possède le pays. Il s’agit également de l’une des deux relations économiques les plus importantes du Royaume-Uni (l’autre étant celle avec l’UE). Depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements britanniques croient que les États-Unis resteront le grand rempart de la démocratie libérale et du multilatéralisme coopératif. Maintenant, tout cela est plus qu’un petit doute.
Mais les États-Unis ne sont pas le seul pilier affaibli. L’année 2016 a été marquée par le Brexit et par Trump. Si l’alliance avec les États-Unis, cimentée par la création de l’OTAN, est devenue le fondement de la sécurité britannique, la décision d’adhérer à l’UE a également fait de la nouvelle Europe un élément central de la destinée économique du Royaume-Uni.
Tout comme rien ne peut remplacer l’alliance de sécurité américaine, en particulier dans le contexte perturbé d’aujourd’hui, le Brexit a prouvé que l’UE reste le partenaire naturel du Royaume-Uni, en raison de sa taille et de sa proximité, notamment commerciale. Même en 2023, l’UE a fourni 55 pour cent de toutes les importations britanniques de biens et absorbé 47 pour cent de ses exportations de biens. En matière d’investissement direct étranger également, l’UE et les États-Unis sont des partenaires dominants du Royaume-Uni. De plus, et surtout, le Royaume-Uni est une économie fortement dépendante du commerce. Même si les plus grands membres de l’UE sont encore plus dépendants du commerce, leur partenaire le plus important est le reste de l’UE. Le Royaume-Uni est désormais un outsider.
Ce qui rend tout cela d’autant plus difficile, c’est que Trump est déterminé à affaiblir ses engagements envers l’OTAN, et plus encore à élever les barrières commerciales. On parle de droits de douane de 60 pour cent sur les importations américaines en provenance de Chine – ce qui constitue clairement un acte de guerre économique – et de 10 à 20 pour cent sur tous les autres pays. Analyse du FMI dans son Perspectives de l’économie mondiale et par le Institut national de recherche économique et sociale du Royaume-Uni indique que ces tarifs auraient des effets négatifs importants sur les économies américaine et mondiale, à court et à moyen terme.
Alors, que devrait faire le Royaume-Uni, compte tenu de toutes ces menaces potentielles et de la fragilité de sa propre économie ?
Elle ne peut rien faire pour empêcher le déclenchement d’une guerre commerciale mondiale. Mais elle pourrait chercher à persuader la nouvelle administration que, en tant qu’allié proche et pays présentant également un déficit commercial structurel, elle devrait être exemptée. Le prix pourrait être une nouvelle augmentation des dépenses de défense. Mais cela pourrait en tout cas être judicieux. Est-ce que ça marcherait ? Peut-être pas. Mais Trump apprécierait sûrement de se laisser ramper.
Une option opposée serait de décider que le pilier américain s’est effondré et de chercher à faire cause commune avec l’UE pour résister à l’assaut. Cela pourrait même, à l’extrême, prendre la forme d’une reconsidération du Brexit lui-même, au motif, pas si ridicule, que les hypothèses politiques et économiques sur lesquelles reposait cette décision sont désormais totalement dépassées.
Les difficultés liées à cette idée sont au moins triples. Premièrement, il n’est pas du tout certain que dans les circonstances actuelles, notamment aux États-Unis, l’UE puisse fonctionner avec succès. Deuxièmement, compte tenu de tous leurs problèmes, existants et à venir, il est peu probable que même une Union européenne qui fonctionne correctement puisse rassembler l’énergie nécessaire pour rouvrir ce débat empoisonné. Troisièmement, pour le Royaume-Uni, la discussion visant à revenir sur le Brexit déchirerait une fois de plus le pays. La solution la plus sensée semble être de laisser reposer les Brexits endormis. Mais cela n’exclut pas de chercher à améliorer les relations avec l’UE autant que possible.
La sage voie consiste désormais à reconnaître les dangers qui se dirigent vers le Royaume-Uni, à essayer de renforcer les fondamentaux nationaux et à chercher à faire tout ce qui est possible pour préserver ce en quoi ce pays doit forcément croire : l’ouverture des marchés, le multilatéralisme et la coopération internationale, mais aussi la défense de la démocratie libérale, notamment sur son continent d’origine. Tout cela devra être tenté dans un contexte mondial bien plus difficile.
Le Royaume-Uni ne peut pas à lui seul s’opposer aux États-Unis. S’il ose le faire dans certains domaines vitaux, il lui faudra trouver des alliés crédibles en Europe et dans le monde. Mais ses intérêts et ses valeurs ne correspondent plus pleinement à ceux de son allié historique. C’est une nouvelle ère. Le gouvernement britannique devra réagir avec courage et perspicacité.
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