Les Britanniques maintiennent l’Europe au chaud, mais continueront-ils à le faire ?

En avril, la valeur des marchandises acheminées vers le continent depuis la Grande-Bretagne s’élevait à près de 20 milliards d’euros, a calculé l’Office for National Statistics, le CBS du Royaume-Uni – le montant le plus élevé depuis 1997. C’est un stimulant pour le Brexit et la philosophie Global Britain, mais le Les Brexiters ne devraient pas se réjouir trop tôt. Les exportations ordinaires connaissent toujours des problèmes depuis le Brexit. Les bons chiffres sont en grande partie dus au gaz qui s’écoule vers l’est sous la mer du Nord. Il s’agit de gaz naturel liquéfié ou GNL qui a été acheminé des États-Unis et du Moyen-Orient vers la Grande-Bretagne.

Avec ses trois principaux terminaux d’importation, deux au Pays de Galles et un dans le delta de la Tamise, l’île agit comme un pont pour le GNL. Il passe ensuite par des pipelines vers les Pays-Bas et la Belgique. « Ces pipelines fonctionnent maintenant à 100 % de leur capacité », explique Jilles van den Beukel, spécialiste de l’énergie au Centre d’études stratégiques de La Haye, « la capacité d’importation britannique est supérieure à la capacité d’exportation. Et ils ne peuvent pas stocker le gaz. Le plus grand entrepôt, Rough, a fermé en 2017, ce qui, avec le recul, n’a pas été une décision favorable.

Maintenant, les Britanniques rouvrent Rough pour éviter une crise du gaz. Ces dernières années, ils exportaient du gaz vers le continent en été et l’importaient en hiver. Ce faisant, ils ont de facto utilisé l’installation de stockage de gaz de Bergermeer en Hollande du Nord comme installation de stockage. Les Britanniques se réchauffent également avec du gaz norvégien et le GNL susmentionné. Notre propre production s’y ajoute. La Grande-Bretagne est beaucoup moins dépendante du gaz russe que les autres pays d’Europe.

Hiver sibérien

Si les Britanniques devaient néanmoins être à court d’essence, par exemple lors d’un hiver sibérien rigoureux, alors, selon Le Financial Times un plan d’urgence, qui consiste à fermer le robinet de gaz vers les Pays-Bas et la Belgique. « Rien ne s’y oppose », dit Van den Beukel, mais la question est de savoir ce qu’il reste alors de la solidarité européenne. Une telle démarche serait politiquement très sensible. Bruxelles pourrait demander à la Norvège de fournir plus de gaz, mais la capacité de transport entre la Norvège et le Royaume-Uni est plus importante qu’entre la Norvège et le continent.

Grâce à l’offre élevée, le prix du gaz britannique a fortement baissé ces derniers mois. En deux mois, ce prix est passé de 285 pence par unité de chaleur à seulement 38 pence, bien en deçà du niveau européen. Les prix de l’électricité au Royaume-Uni sont également sur une tendance à la baisse, grâce à des investissements généreusement subventionnés dans l’énergie solaire, éolienne et marémotrice. Au grand dam de la population britannique, dont une part croissante souffre de « précarité énergétique », cela ne s’est pas encore traduit par une baisse des factures énergétiques.

Le gouvernement britannique va alléger la peine en imposant une taxe supplémentaire aux sociétés énergétiques, qui réalisent d’énormes profits. Cette « taxe exceptionnelle » unique devrait rapporter un peu moins de six milliards d’euros. Au fil du temps, les prix pour les ménages britanniques pourraient chuter d’eux-mêmes. Cette diminution aurait été une certitude s’il y avait une capacité de stockage suffisante. « Que c’est si petit », a récemment commenté l’analyste financier Simon Lambert dans Le courrier quotidien, « est le résultat d’un manque de prévoyance typiquement britannique, couplé à un manque de compétence. »



ttn-fr-31