Au Pentagone, ces jours-ci, ils ont dû observer avec étonnement les scènes de la base aérienne russe Soltsi-2, au nord-ouest de Moscou. Des images d’un avion en feu ont fait le tour du monde après que la base a été prise pour cible par un simple drone samedi, selon Moscou.
Moscou est depuis des semaines la cible de frappes de drones ukrainiens. Mais personne en Occident n’aurait pu imaginer que des bases militaires qui jouent un rôle crucial dans une éventuelle guerre avec les États-Unis puissent également être attaquées aussi facilement.
Cela sonne l’alarme chez les Américains : des Tu-22 sont stationnés sur Soltsi-2. Ce bombardier à long rayon d’action, connu de l’OTAN sous le nom de code Backfire, avait pour mission de détruire les porte-avions américains pendant la guerre froide. Et détruire d’importants aéroports et bases américaines, si nécessaire avec des missiles de croisière nucléaires. Si ces dispositifs sont si vulnérables, dans quelle mesure les milliers d’armes nucléaires de la Russie, la plus grande puissance nucléaire du monde, sont-elles sûres ?
Base dégagée
Près d’une semaine après cette attaque audacieuse, on ne sait toujours pas pourquoi la sécurité de la flotte de bombardiers stratégiques russes est un tel désastre. Les généraux russes doivent aussi être très effrayés : des photos satellite prises lundi par la société commerciale Planet Labs montrent que Soltsi-2 a été complètement évacué.
Les dix Tu-22 qui étaient encore stationnés le long de la piste samedi auraient fui en toute hâte après l’attaque du drone, plus profondément en Russie. L’épave de l’avion incendié est encore visible sur les photos. Une autre base aérienne, Shaykovka, située à environ 300 kilomètres de la frontière avec l’Ukraine, a également été la cible d’une attaque similaire lundi, selon les médias ukrainiens. On ne sait pas si des dégâts ont été causés.
L’attaque contre Soltsi-2, à environ 700 kilomètres de la frontière ukrainienne, est désormais la troisième contre une importante base aérienne russe. En décembre, le haut commandement russe était déjà dans l’embarras lorsque deux bases furent la cible d’une spectaculaire attaque de drones. Les bombardiers lourds étaient alors également la cible. La Russie possède une soixantaine de Tu-22.
Non étanche
Deux bombardiers Tu-95 Bear ont été endommagés sur la base aérienne d’Engels-2, l’une des plus importantes de la flotte stratégique de l’armée de l’air. Cet avion, avec lequel les Russes volent régulièrement près des frontières de l’OTAN et des Etats-Unis, doit également être capable de mener des attaques nucléaires en cas de guerre. Un Tu-22 a été endommagé, entre autres, sur la base de Dyagilevo. Les bases aériennes sont situées respectivement à environ 700 et 450 kilomètres de la frontière ukrainienne.
C’était la première fois que Kiev démontrait que la défense aérienne de la Russie, qui reste la plus grande puissance nucléaire du monde, n’est pas étanche. Il est possible que l’Ukraine, qui nie toujours toute implication, ait ensuite frappé avec un vieux drone militaire de fabrication soviétique, le Strizh. Mais selon le ministère de la Défense à Moscou, l’attaque de Soltsi-2 aurait été menée avec un simple drone hélicoptère.
Comme ces drones n’ont pas une longue portée, on suppose désormais que des « saboteurs » ukrainiens ont frappé. “Cela ajoute du poids à l’estimation selon laquelle certaines attaques de drones contre des cibles militaires russes seraient lancées depuis le territoire russe”, a déclaré mardi le ministère britannique de la Défense, sur la base d’informations provenant de ses propres services de renseignement. “Cette attaque soulève une fois de plus des questions sur la capacité de la Russie à protéger des emplacements stratégiques au plus profond du pays.”
Vengeance de l’Ukraine
Avec ces trois attentats, l’Ukraine met désormais en valeur le Kremlin. Mais ils visent probablement aussi à se venger du rôle joué par les bombardiers à longue portée dans la guerre. Moscou utilise ces avions pour lancer en toute sécurité des missiles de croisière depuis l’espace aérien russe. L’un de ces missiles de croisière est l’AS-4 Kitchen, un missile de 40 pieds conçu pour torpiller les porte-avions américains et leurs escortes.
Doté d’une charge explosive de 1 000 kilos, l’AS-4 est une arme destructrice. Mais à la grande fureur de l’Ukraine, la Russie a également commencé à utiliser ce missile contre des cibles terrestres en mai de l’année dernière, entraînant la mort de nombreux civils. Le missile de croisière a ensuite été utilisé, entre autres, lors d’une attaque contre un centre commercial à Krementchouk.
On ne sait toujours pas où les Russes ont hébergé à la hâte les Tu-22 de Soltsi-2. Selon l’experte russe en opérations aériennes Olga Honcharenko, les bombardiers se sont probablement dirigés vers une base aérienne au sud de Mourmansk, loin de la frontière ukrainienne. Les avions y auraient également été emmenés après l’attentat de décembre.