Les banques européennes réalisent des milliards de bénéfices en empruntant de l’argent à la BCE. ça va changer aujourd’hui

On estime que les banques de la zone euro réalisent actuellement 28 milliards d’euros de bénéfices sur l’argent qu’elles ont emprunté à la BCE. Cela semble étrange : normalement, vous payez pour emprunter, au lieu de recevoir des frais ?

Mais la situation est différente pour les banques européennes. Comparez-le avec un entrepreneur qui a contracté un prêt à 2% d’intérêt, et qui place ensuite cet argent sur un compte d’épargne auprès de la même banque, où il rapporte 3% d’intérêt. Les banques de la zone euro sont en quelque sorte l’entrepreneur et la BCE leur prêteur.

Bien que la banque centrale n’ait auparavant aucune objection à augmenter les bénéfices des banques, c’est différent maintenant. C’est pourquoi la présidente Christine Lagarde annoncera probablement jeudi des règles du jeu différentes. Mais comment en est-on arrivé là ?

Soutien économique

Depuis 2019, la BCE paie par le biais de crédits à long terme très bon marché (TLTRO dans le jargon) essentiellement des banques pour maintenir le crédit dans la zone euro. D’abord pour relancer une inflation encore trop faible à l’époque, depuis 2020 pour soutenir l’économie pendant la pandémie.

Ces crédits étaient très demandés, plus de 2 100 milliards d’euros ont ainsi été fournis. Au lieu de payer des frais, les banques ont reçu jusqu’à 1 % d’intérêts pour mettre cet argent au travail sous forme de prêts aux familles et aux entreprises. S’ils ne le faisaient pas et garaient leur excédent de trésorerie à Francfort, ils payaient un intérêt négatif de 0,5 %. C’est donc une sorte d’amende.

Au cours de l’année 2022, la BCE a dit adieu à l’ère des taux d’intérêt négatifs et paie à nouveau une commission sur l’argent que les banques commerciales lui déposent. Pour le moment, c’est 0,75 %, on s’attend à ce que ce taux double jeudi.

Il suffit de mettre de l’argent

En conséquence, les banques commenceraient à gagner beaucoup d’argent grâce à leurs prêts à long terme. L’intérêt qu’ils paient est égal au taux de dépôt moyen sur la durée du prêt, qui est désormais inférieur au taux de dépôt. La banque britannique Barclays estime qu’environ la moitié de tous les prêts à long terme sont désormais utilisés pour capitaliser sur ce différentiel de taux d’intérêt à la BCE.

Si les taux d’intérêt montent à 2 % en décembre, ce qu’attendent les marchés financiers, les bénéfices supplémentaires des banques de la zone euro pourraient atteindre plus de 100 milliards d’euros. La BCE ne veut probablement pas la laisser aller aussi loin. Le simple fait de jeter de l’argent dans les banques ne fait aucun bien à l’opinion publique.

La banque centrale peut limiter ou éliminer les bénéfices libres de plusieurs manières. Par exemple, elle peut simplement augmenter les intérêts que les banques doivent payer sur leurs TLTRO, éliminant ainsi l’avantage des intérêts. En outre, cette mesure implique également le remboursement anticipé de ces crédits. Une autre option consiste simplement à cesser de payer des intérêts sur certains des prêts à long terme que les banques détiennent à Francfort.

Tout le monde ne pense pas en arriver là. Barclays s’attend à ce que la BCE procède avec prudence et n’apportera que des modifications limitées aux termes jeudi. La maison de bourse Jefferies voit également des obstacles importants. « L’ajustement des conditions des TLTRO peut soulever des questions juridiques », indique-t-il dans une note aux clients. « De plus, environ 60% des TLTRO expirent en juin 2023. Donc, même si la BCE ne fait rien, il y aura une forte réduction de moitié des bénéfices liés aux TLTRO en huit mois. »



ttn-fr-31