L’économie fantaisiste de l’extrême droite et de la gauche françaises


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La semaine qui s’est écoulée depuis qu’Emmanuel Macron a convoqué des élections anticipées a mis en évidence l’ampleur des enjeux, non seulement pour lui et pour l’avenir de la démocratie française, mais aussi pour sa prospérité. Alors que l’alliance centriste du président est en mauvaise posture dans les sondages, les groupes en tête de la droite radicale et de la gauche vantent tous deux des politiques économiques populistes et pour la plupart non chiffrées qui risquent de faire exploser le déficit budgétaire et la dette de la France. Dans le pire des cas, ils menacent de mettre Paris en conflit avec l’UE et de déclencher une crise des marchés avec des conséquences dans toute la zone euro.

Malgré les succès obtenus par Macron en réduisant le chômage à son plus bas niveau depuis près de deux décennies, en faisant de la France un pays attractif pour les entreprises où investir et en réformant les retraites, son bilan en matière de finances publiques n’est pas son point fort. Comme ses voisins, la France a dû faire face au Covid, à l’inflation et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les gouvernements de Macron n’ont cependant pas pris suffisamment au sérieux la mise en ordre des finances publiques. L’année dernière, le déficit budgétaire de la France s’élevait à 5,5 pour cent du produit intérieur brut, avec une dette publique à 110 pour cent du PIB.

Mais le Rassemblement national d’extrême droite de Marine Le Pen et le Nouveau Front populaire de gauche réunis pour le contester promettent désormais un mélange dangereux d’économies largement fantaisistes que la France ne peut pas se permettre. Le risque est que l’Assemblée nationale soit dominée par des blocs à la fois favorables à d’énormes augmentations de dépenses et prêts à rompre les engagements de la France envers Bruxelles sur les déficits et les dettes.

Le RN étant en tête dans les sondages, on ne sait pas exactement dans quelle mesure il conservera cette fois-ci son programme de la présidentielle de 2022, qui avait été estimé par le groupe de réflexion de l’Institut Montaigne aggraverait le déficit de 100 milliards d’euros, soit 3,7 % du PIB, par an. Ses dirigeants Le Pen et Jordan Bardella ont adopté un ton pragmatique, affirmant qu’ils devront prioriser certaines mesures en fonction de leur marge budgétaire.

Lorsqu’on lui a demandé la semaine dernière si un gouvernement RN tiendrait sa coûteuse promesse d’annuler le relèvement de l’âge de la retraite à 64 ans annoncé par Macron, Bardella a répondu simplement « Nous verrons ». Il procédera cependant à des réductions de la TVA sur l’énergie, les carburants et les produits alimentaires. Ces mesures à elles seules creuseraient un trou important dans le budget, et le RN n’a présenté aucun plan significatif pour augmenter ses revenus.

L’alliance de gauche regroupant l’extrême gauche, les Socialistes et les Verts a dévoilé un programme radical avec de vastes engagements de dépenses, notamment l’abandon de la réforme des retraites de Macron et l’augmentation des salaires du secteur public. Il promet certaines mesures visant à accroître les recettes, notamment la réintroduction d’un impôt sur la fortune et la fin des allégements fiscaux qui favorisent souvent la classe moyenne supérieure. Mais il est fantaisiste de penser qu’un programme de cette ampleur puisse être financé uniquement en écrasant les riches.

Le danger pour la France est que ses perspectives budgétaires sont déjà troubles ; Standard & Poor’s a dégradé sa dette le mois dernier. L’un ou l’autre programme serait susceptible de provoquer le premier conflit avec l’UE depuis l’adoption de nouvelles règles budgétaires. Cependant, contrairement à la crise de la dette de la zone euro, elle impliquerait la deuxième économie de l’UE et un État fondateur.

Malgré une vente massive la semaine dernière qui a porté les spreads des obligations allemandes à leur plus haut niveau depuis 2012, les obligations françaises restent très demandées et, dans le pire des cas, la Banque centrale européenne dispose d’un nouveau filet de sécurité lui permettant d’acheter des obligations d’urgence. Un haut responsable de la BCE a minimisé lundi la nécessité de les activer. Mais il existe un manque inquiétant de prise de conscience des dangers sur les flancs politiques de la France et dans le pays dans son ensemble. L’alliance de Macron cite des parallèles avec la débâcle déclenchée par les réductions d’impôts non financées de l’ancienne première ministre britannique Liz Truss en 2022, dans le but de sensibiliser les électeurs aux risques. Malheureusement, ses arguments ne semblent pas être retenus.



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