Le recul avant. Amis d’enfance. Une mélancolie fertile vaut mieux qu’une vie inauthentique


RÉ.la glace Solon: La fin de tout doit être étudiée. Pour beaucoup, le dieu a laissé entrevoir le bonheur puis a radicalement renversé leur destin ». En l’absence de certaines nouvelles de ma fin, J’essaie de reconstruire le début et surtout ceux rares et instants fugaces où « le dieu a laissé entrevoir le bonheur ».

Fulvio Scaparro

L’un de ces moments est sans aucun doute le premier ami que j’ai rencontré dans ce pays. Pas le premier pair, bien sûr, mais le premier à qui je le dois découverte extraordinaire de l’amitié.

Depuis, j’ai eu beaucoup d’amis et de copines, des amitiés longues ou courtes, calmes ou orageuses, toujours profondes, sinon je ne parlerais pas d’amitié mais de compagnie. En tout cas, rien de comparable à la découverte de l’amitié, une expérience complètement différente de celle d’un fils, frère, camarade de jeu et camarade de classe, amant.

Je sais bien qu’il est difficile de retracer nos origines et que quiconque parle de sa propre préhistoire se base sur des trouvailles et des fragments qu’il réassemble avec une fiabilité douteuse, influencé par les histoires que les autres lui racontaient de son enfance et des histoires que lui-même n’a cessé de construire à partir de désirs, de besoins, de fantasmes consolateurs ou auto-punissants.

La découverte de l’amitié

Mais de ce qui s’est passé dans la première partie de mon histoire, quelque chose – pour ainsi dire – de tangible demeure encore aujourd’hui et même s’il n’est pas si facile d’expliquer ses origines, c’est justement de cela vestige du temps passé que je veux te parler.

Reste là saudade le terme portugais dérivé du latin solitas, solitude, qui comprend la nostalgie, le regret, la tristesse, le souvenir et le bonheur, quelque chose qui ressemble beaucoup à ce que j’appelle « mélancolie féconde ».

Les mots de Adieu tristesse une des merveilleuses chansons de Vinicius de Moraes qui faisaient partie de la bande originale d’un bon film de 1959, Orfeo Negroréalisé par Marcel Camus:

« Oui, mais le bonheur

n’est qu’une larme

ici tremble sur le bord de chaque fleur.

Brillant dans l’ombre

à la fin dans les tombes.

Ceux sont les premiers pleurs de notre coeur »

[Si, ma la felicità / non è che una lacrima / che trema sul ciglio di ogni fiore. / Brillando nell’ombra / alla fine cade. / Sono i primi pianti del nostro cuore]

Une mélancolie fertile vaut mieux qu’une vie inauthentique

Ce n’est pas un plaisir d’apprendre à la dure que « rien ne dure éternellement », mais une mélancolie fertile vaut mieux que de mener une vie inauthentique faire semblant de ne pas voir ça le malheur peut être combattu et parfois obtenir même quelques victoires temporaires. Le bonheur se laisse approcher, parfois toucher et même savourer quelques instants : une destination au charme puissant et inspirant mais toujours insaisissable. Un ‘spasme de l’âme’ l’a défini Carlo Cassola dans Un coeur aride.

Le premier ami d’enfance

L’ancrage solide du premier ami d’enfance dans la mémoire tient au fait que précisément làl’enfance est un moment privilégié. L’enfance est le lieu des événements purs, de la événements non précédés d’une expérience, des nouveautés absolues, des débutants absolus. Alors dans Élégies par Duino RM Rilke parle de l’enfance : « […] dans ce chemin seul / nous avons eu la joie qui ne change pas, / nous étions là dans un espace entre le monde et les jouets / dans un lieu qui depuis le début / a été créé pour un pur événement […] ».

Ceci explique pourquoi le le rôle de l’ami d’enfance est considéré comme important dans la structuration de la personnalité, bien plus que ce que font les frères et sœurs. L’élection de l’ami du cœur est un choix tandis que la famille nous est donnée. A travers le compagnon de jeu privilégié tu entres dans le monde des relations sociales et le monde, à travers la relation entre moi et mon ami, entre dans ma famille.

Mais ce n’est certainement pas l’aspect des relations sociales qui m’a tant frappé.

relation amicale

Getty Images

Nous partons de la mer

Une petite fille construit un Château de sable au bord de la mer. Les adultes, pas tous heureusement, la couvriront de louanges si elle est l’enfant sera bon pour jouer sans s’embêter, si le château est terminé et si le produit sera là, visible de tous, démontrant le savoir-faire de la petite fille. Mais les choses sont différentes pour elle. Elle sera certes contente de l’appréciation, mais elle voudra aussi prolonger le plaisir de la construction, faire participer les « grands », donner vie au château, en faire le centre d’aventures… du moins jusqu’à sa destruction. Une vague plus grosse que les autres et l’expérience de jeu se terminera. Mais le sable à nouveau lissé est là prêt pour de nouveaux « voyages », comme il arrive pour le mandala extraordinairement complexe construit avec patience par Moine bouddhiste puis annulé par lui-même après les avoir terminés.

Seul le meilleur ami peut comprendre

Les aventures des enfants sur le sable tirent une grande partie de leur charme de ce lieu intermédiaire et peu sûr qu’est le rivage. Il s’apparente au lieu magique de l’équilibre parfait – et toujours précaire – atteint par le funambule, la danseuse ou la porteuse d’eau qui marche élégamment en tenant une lourde amphore sur la tête. Pour obtenir des résultats comme ceux-ci cJ’endure des épreuves et des souffrances, mais ça en vaut vraiment la peineétant donné que on déprime et on se perd quand la recherche d’équilibres toujours nouveaux – ce jeu – est empêchée au point d’être réduits à de simples spectateurs des jeux des autres.

Jeux d’amitié

Avec l’ami du cœur, ce n’est pas un problème. Ce n’était donc pas un problème pour moi et mon ami d’enfance romain, de creuser un trou profond le long d’un trottoir de Viale delle Medaglie d’Oro pour atteindre les antipodes, imaginez un monstre mi-homme mi-serpent, le « Viperuomo »qui se promène dans le jardin de la maison de son ami, y pense intensément à 16 h 27 un jour d’août alors qu’il est sur l’île d’Elbe et que je suis chez moi à Rome.

Cultiver l’amitié

L’homme et la femme tirent le meilleur de la vie à être féconds plus qu’à contempler le produit de leur fécondité, à moins que ce produit n’ait en lui-même un potentiel de transformation et de développement capable de remettre en marche le désir d’en prendre soin, de retrouver la joie d’être féconde. La les relations doivent être cultivées si elles doivent rester vitales et fructueuses. Si dans les relations avec les gens, les choses, les animaux, les environnements, avec les souvenirs et avec les projets, vous ne trouvez pas toujours un nouveau sens au fil du temps, ces relations sont destinées, dans le meilleur des cas, à se transformer en rituel vide, habitude, devoir sans plaisir.

La fin de la première amitié

Le bonheur intense de cette relation très particulière est, je le répète, bref et irremplaçable. La fin de la première expérience d’amitié est souvent dure et douloureuse car elle est liée à taux de croissance différents des protagonistes. Il y a celui qui se libère de la relation exclusive à deux et crée de nouvelles amitiés et celui qui voudrait maintenir la relation privilégiée et souffre de l’éloignement de l’ami de son cœur. Les tentatives ont été pathétiques au fil des ans de retrouver l’ami d’enfance et décevant toutes les réunions, pires que les réunions avec des amis de la vieille école.

« L’oasis de joie »

Le bonheur est là mais il se cache. C’est une oasis dans le désert, peut-être un mirage. ‘Oasis de joie’ l’appelle Eugène Fink. Ce n’est pas à portée de main. Sa recherche et sa découverte improbable supposent un repli sur nous-mêmes et un éloignement de ce que le monde appelle le « bonheur ». Il faut du courage, de la détermination et capacité à tolérer la frustrationune fois que nous le voyons, de le voir devenir incontrôlable et disparaître.

Je me souviens quand, au milieu des années soixante-dix, en visitant une exposition sur la gravure sur bois japonaise à Milan, je suis tombé sur une expression que j’appliquerais plus tard, plus ou moins arbitrairement, à ce territoire terrible et fascinant qui s’ouvre à chaque passage », le pays du non-plus et du pas-encore: ukiyo-e, images du monde flottant.

« Entre ombre et lumière »

Léonard a écrit : « Sous les choses se trouvent des ombres insensibles des ténèbres et des figures […]. Les choses vues entre la lumière et l’ombre se révéleront plus proéminentes que celles qui sont dans la lumière ou dans l’ombre. » C’est toujours: « Mettez votre esprit dans les rues le soir les visages des hommes et des femmes quand il fait mauvais temps, combien de grâce et de douceur vous les voyez […] et c’est de l’air parfait ».

« L’air parfait est celui entre le jour et la nuit. Il y a beaucoup de vie entre la lumière et l’obscurité, précisément dans cet espace qui apparaît moins apprécié, plus caché derrière l’oubli et l’indifférence. Plus que le jour où nous partons et la nuit qui nous attend, Léonard semble nous inviter à apprécier le passage, la transition. Les jours et les nuits se rencontrent, fusionnent et se transmutent dans le temps intense des levers et couchers de soleil. L’homme a toujours ressenti l’enchantement, la sacralité de ces instants : calme et angoisse, nostalgie et utopie, espoir et désespoir, la coexistence des contraires prend une évidence extraordinaire sur fond de ciel qui « change à vue d’œil ».

Nous imaginions, mon ami et moi, rester amis pour toujours, dans la joie des fantasmes et des jeux partagés. Mais ce n’était qu’un moment « d’air parfait », un de ces aperçus de bonheur qui de temps en temps nous surprennent, nous enchantent et s’envolent, un « pur événement » comme l’appelle Rilke.*

(Une partie de cette intervention remonte à 2007, à l’occasion de la présentation du livre de Marco Garzonio La vie comme amitié, Milan, Saint-Paul).

Qu’est-ce que l’Association GeA, Parenti Ancora

Fulvio Scaparropsychologue et psychothérapeute, est le fondateur deAssociation GeAengagée depuis 30 ans dans l’accompagnement des couples en crise par la médiation familiale.

« En 1987, en fondant l’Association GeA Genitori Ancora, nous avons commencé à travailler sur un projet plein d’utopie : gérer les conflits, surtout les conflits familiaux, non seulement comme des événements destructeurs mais aussi comme des opportunités de croissance et de transformation des relations. Aidez les parents dans la séparation pour retrouver la confiance, l’espoir, la compréhension et la reconnaissance mutuelle. Répandre un culture de la médiation d’où peuvent découler des résultats d’une grande utilité non seulement pour les individus mais pour l’ensemble de la communauté en termes de pacification des relations sociales et de confiance dans les ressources personnelles et communautaires.

Au fil des années, nous avons rencontré de nombreux compagnons de route dotés de courage, d’optimisme, d’une conscience profonde que, à l’école comme dans la famille, dans l’entreprise comme dans les institutions, il y a un besoin croissant de médiateurs qui aident les parties à négocier, à voir plus loin qu’une éventuelle victoire immédiate, chercher des solutions alternatives à une collision frontale.

Surtout, un long et fructueux cheminement de pratique et de réflexion a été fait non seulement sur comment, quand, dans quels domaines médiatiser, mais aussi et surtout pourquoi cela vaut la peine de méditer ».

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