Le prédicateur de haine belge Denis fonderait un « village éco-musulman » au Bénin. Mais il y a de fortes chances que quelque chose d’autre se passe


Le Bénin a expulsé le prêcheur de haine belge Jean-Louis Denis. Depuis sa libération, Denis cherche un endroit pour établir un « village éco-musulman », mais l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus le théâtre de violences djihadistes. « Je pense que c’est tout sauf une coïncidence. »

Bruno Struys

Vendredi, le tribunal du Bénin, en Afrique de l’Ouest, a ordonné l’expulsion immédiate de Jean-Louis Denis. Le Belge de 49 ans a été arrêté mardi dernier lors d’un contrôle de vitesse dans la circulation, alors qu’il s’est avéré qu’il avait été condamné dans notre pays en 2016 comme prêcheur de haine et qu’il est connu pour recruter des jeunes pour le djihad.

Selon Radio France International, ces faits antérieurs sont la raison pour laquelle le Bénin l’expulse du pays. Ce week-end, Denis est rentré en Belgique.

« Encore plus radical qu’avant mon incarcération »

Denis a été condamné à dix ans de prison à l’époque, mais cette peine a été réduite de moitié en appel. Son avocat a réussi à convaincre le tribunal qu’il n’était pas le chef d’une cellule terroriste. Après cinq ans dans le département très surveillé de Deradex pour les personnes radicalisées, Denis a été libéré. Sans conditions, parce qu’il était la fin de la punition. Lors de sa sortie fin 2018, il s’est déclaré « encore plus radical qu’avant son incarcération ».

Il s’est inscrit à Londerzeel, même si plusieurs habitants ont fait savoir qu’ils préféraient ne pas le voir venir. Denis a ensuite voulu apprendre le néerlandais à l’école du soir à Vilvorde, mais le maire Hans Bonte (Vooruit) a refusé. Sur Twitter, Denis l’a alors qualifié de « taghut » ou d’idole. La bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux (PS), a interdit à Denis d’entrer sur le territoire de la commune.

Et puis, à peine un an après sa libération, Denis s’est avéré être retombé dans ses vieilles habitudes : collecter de l’argent et des biens pour les pauvres, comme avec le fameux « Le Resto Du Tawhid », tout en diffusant sa version radicale de l’islam.

« Après tout, j’ai été mis sur terre pour prêcher », a déclaré le converti bien connu à De Morgen. Il a ensuite affirmé ne plus faire de vidéos pour ne plus être dans le collimateur du tribunal, mais il a vite lâché prise.

Village éco-musulman

Sur les réseaux sociaux, il a commencé à partager des vidéos dans lesquelles il invite des jeunes de la rue à Bruxelles à participer à un quiz sur l’islam. Le gagnant a remporté une lecture islamiste et radicale. Pour payer ces livres, il a fait appel aux dons via son site internet.

En septembre, Denis lance un tout nouveau concept. Avec Hijra Permaculture Autonome, HPA en abrégé, il se concentre sur tous ceux « qui se sentent pris dans les griffes du monde occidental et sont devenus l’esclave des infidèles ». C’était comme ça en septembre dans l’annonce sur le site.

La hijra est théoriquement un terme désignant la migration vers les pays islamiques, mais elle était également utilisée pour désigner les voyages en Syrie. La hijra lave les péchés antérieurs. La permaculture, quant à elle, est une technique agricole dans laquelle vous semez différentes cultures ensemble, sans pesticides, ce qui devrait éviter l’épuisement du sol. Il est connu au sein d’une sous-culture de personnes qui veulent vivre de manière autonome, d’où le mot autonome.

« Mon projet est le suivant : partir pour la hijra et fonder un village éco-musulman », écrit Denis sur son site. Il a collecté des fonds à cette fin. Il a un groupe télégraphique public de 200 sympathisants, qu’il tient informé, mais aussi un groupe privé de 9 membres. Le compteur de collecte s’élève désormais à 10 240 euros, alors Denis est parti en voyage de prospection au Bénin.

« La terre est bon marché, les gens parlent français et le pays est peut-être chrétien, mais les gens sont tolérants », explique-t-il dans une vidéo. « Et en plus, j’ai des contacts ici en qui je peux avoir confiance. »

Pas par hasard Bénin ?

On ne sait pas de quels contacts il s’agit. La semaine dernière, il a envoyé plusieurs vidéos du Bénin, dont une visite sur un terrain qui était à vendre près de Parakou, dans le centre du pays. Pieter Van Ostaeyen, chercheur à la KU Leuven, n’est pas convaincu.

« Cette charité est exactement ce qu’il faisait lorsqu’il distribuait de la soupe pour recruter des jeunes », explique Van Ostaeyen. « Ses vidéos respirent l’atmosphère des premières vidéos de l’EI, dans lesquelles ils ne montraient que leur charité. »

De plus, ces derniers mois, il y a eu de plus en plus de rapports faisant état de groupes rebelles djihadistes qui entrent désormais également au Bénin depuis le Sahel. Sa situation en bord de mer fait du Bénin une place stratégique. Entre juillet et décembre de l’année dernière, il y a eu 25 incidents violents impliquant des extrémistes musulmans. La violence est concentrée dans le nord du pays, pénétrant par le Burkina Faso, le Niger et le Nigeria.

Il y a les djihadistes du JNIM, un groupe affilié à Al-Qaïda, et ceux de l’ISWAP, abréviation de la province ouest-africaine de l’État islamique. Denis peut-il aller nulle part sans se rendre suspect, ou est-ce juste vraiment suspect ?

« Il me semble tout sauf une coïncidence que Denis veuille juste s’installer là-bas », explique Van Ostaeyen.

Jean-Louis Denis ne veut pas parler à De Morgen cette fois, ni son avocat. Dans une vidéo qu’il a diffusée dimanche soir, il accuse les autorités belges de l’incident au Bénin, qui, selon lui, ont transmis des informations.

Denis à sa sortie de la prison d’Ittre le 8 décembre 2018Photo BELGA



ttn-fr-31