Le paradoxe de la crise de l’accueil : surplus pour les Ukrainiens et pourtant trop peu de place pour les demandeurs d’asile à Bruxelles

Alors que des dizaines de demandeurs d’asile non reconnus se retrouvent chaque jour dans la rue à Bruxelles, de nombreuses places d’accueil sont encore disponibles pour les réfugiés ukrainiens en Flandre. Pourquoi n’y sont-ils pas hébergés ? « Le secrétaire d’Etat a fait le choix politique de ne pas se focaliser provisoirement sur un certain nombre de solutions pragmatiques. »

Samira Atillah14 juin 202219:13

L’accueil des demandeurs d’asile place une fois de plus notre pays dans une position difficile. Le tribunal du travail de Bruxelles a réprimandé Fedasil pour avoir prétendument violé les droits d’accueil des demandeurs d’asile réguliers, rapporte Le standard† Le tribunal parle même d' »une pratique délibérée, coordonnée et persistante » qui par ailleurs « semble souhaitable, réfléchie et organisée » par le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi (CD&V).

Mais le contraste est saisissant : alors que, selon Vluchtelingenwerk Vlaanderen à Bruxelles, 40 à 70 demandeurs d’asile restent chaque jour dans la rue, en même temps des milliers de places d’accueil sont disponibles pour les réfugiés ukrainiens. Le 14 juin, il y a une offre enregistrée de 26.278 places d’accueil dans l’outil logement flamand, dont 14.888 ont déjà été attribuées aux réfugiés ukrainiens. Il y a donc pour l’instant un solde de 11 390 places « disponibles ». Cette réalité fait froncer les sourcils à de nombreuses personnes, comme le parti d’opposition Groen, qui veut utiliser à plus long terme les places disponibles pour, entre autres, le refuge Fedasil.

Selon le ministre flamand du Logement, Matthias Diependaele (N-VA), la Flandre a déjà pris sa responsabilité d’héberger les réfugiés ukrainiens. « Nous garderons les places disponibles comme tampon pour les réfugiés ukrainiens dans tous les cas. On constate qu’il y a de plus en plus de flux depuis #spotvrij, où les autorités locales doivent assurer le relogement depuis les places tampons », raconte-t-il.

Selon le ministre, ces lieux d’urgence temporaires ont donc été « créés pour l’accueil des déplacés temporaires de leur propre région ». Donc Ukrainiens. « Ce n’est pas l’intention de transformer soudainement cela en centres d’asile. Cela nuirait gravement à la confiance sur la base de laquelle la Flandre et les communes ont mis ces places à disposition. Rendre cela temporaire ou permanent pour d’autres nationalités est une interdiction pour moi.

Route difficile

Placer des demandeurs d’asile dans des refuges pour Ukrainiens n’est pratiquement pas si évident. Par exemple, le logement des demandeurs d’asile non encore reconnus est une compétence fédérale. Ils doivent passer par la procédure habituelle et normale dès l’inscription et, en attendant, ont un chemin difficile vers l’accueil. Cela contraste avec les réfugiés ukrainiens, qui bénéficient d’une protection temporaire – pendant un an – grâce à l’introduction d’une directive de protection européenne temporaire. La Flandre est responsable de leur logement.

Mais même sans cette structure complexe, les sensibilités politiques locales jouent un rôle, comme on le voit à Molenbeek. Là-bas, Fedasil a récemment repris un centre initialement destiné aux réfugiés ukrainiens et l’a rebaptisé centre d’accueil pour demandeurs d’asile. La maire PS Catherine Moureaux a fait dresser un procès-verbal de fermeture du centre car sa commune « fait déjà des efforts suffisants ». Bien qu’il ressorte initialement du procès-verbal que le centre ne respecte pas le permis d’urbanisme, il apparaît que ce sont principalement des riverains qui se sont opposés à l’arrivée du centre.

Emplacements libres vides

La question demeure : si les places libres vides ne sont pas remplies, existe-t-il des alternatives pour le groupe de demandeurs d’asile qui n’ont pas de place ? Selon Tine Claus, directeur de Vluchtelingenwerk Vlaanderen, les demandeurs d’asile réguliers seraient mieux logés pour le moment là où il y a de la place.

Cependant, elle estime que des solutions sont nécessaires, surtout à moyen terme. « Il faut faire quelque chose contre la longueur des procédures pour les demandeurs d’asile », dit-elle. Claus plaide donc pour une procédure de protection plus courte et plus large, ce sur quoi Vluchtelingenwerk Vlaanderen insiste depuis un certain temps.

Des économies

Selon Mahdi, beaucoup est déjà fait pour raccourcir les procédures. « Historiquement, de nombreux gestionnaires de dossiers ont été recrutés, ce qui était nécessaire après les compressions du passé qui ont rendu la politique plus difficile. Beaucoup sont maintenant formés en interne, mais nous devons encore en recruter », semble-t-il. « Cela n’aide pas non plus si la moitié des demandes proviennent de migrants qui sont déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE. Cela pèse lourdement sur le système. Si vous avez demandé l’asile dans un autre pays de l’UE, vous devez y attendre la décision et ne pas continuer vers la Belgique.

Claus reste affamé. « Le secrétaire d’État a fait le choix politique de ne pas privilégier temporairement un certain nombre de solutions pragmatiques, comme l’hébergement hôtelier. Tout a été arrangé pour les réfugiés d’Ukraine, et il a également été décidé de ne pas appliquer le principe du premier pays d’asile, car cela améliore leurs chances d’intégration. Nous plaidons une fois de plus pour être plus pragmatiques pour les autres demandeurs d’asile sur la base des mêmes arguments.



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