Le "lion de Prato" revient des années plus tard et, voyageant dans le temps, révèle la province dans ses replis les plus profonds, les plus drôles et les plus mélancoliques


Serena Dandini (photo de Gianmarco Chieregato).

À ils reviennent parfois et pas seulement dans des histoires d’horreur. Un écrivain n’est jamais abandonné par ses personnageset même lorsqu’ils sont désormais cloués aux pages d’un livre, ils continuent de vivre dans son imaginaire, ils lui rendent visite avec insistance, presque le harcèlent… Jusqu’à ce que l’auteur décide à nouveau de lui consacrer une autre histoireune vie supplémentaire pour le plus grand plaisir de nous, lecteurs.

Edoardo Nesiheureusement pour lui, n’a pas eu à subir le traitement infligé à l’écrivain à succès Paul Sheldon interprété par James Caan dans le film La misère ne doit pas mourirmais il a volontairement décidé de continuer à raconter les aventures d’un personnage avec lequel il a fait ses débuts dans son premier livre L’arrêt s’échappe en 1995.

Et donc dès la sortie de la presse Les loups à l’intérieur (La Nef de Thésée) qui clôt une trilogie, Nesi revient pour raconter les événements de Federico Carpini, un ancien lion de son romantique Prato teinté d’amertume où l’âge d’or est désormais révolu à jamais. Le roman voyage naturellement entre le présent raté et le souvenir des formidables années 80, lorsque la condamnation de la mondialisation n’était pas encore arrivée dans cette province industrieuse et optimiste et qu’il y avait encore de l’argent, des affaires et l’insouciance effrontée d’un groupe de jeunes taureaux. qui pouvaient allègrement dilapider les biens accumulés par leurs pères.

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Federico a aujourd’hui soixante ans et est aussi endommagé que sa vieille Porsche 964, on l’attrape la veille qu’un huissier lui enlève le peu qui reste de la fortune familiale. Mais il n’est pas seul, Ivo Barrocciai et Vittorio Vezzosi, ses amis de toujours, l’accompagnent dans cette journée illuminée par la lueur du coucher du soleil : Si ça doit être la fin, que ce soit génial et en compagnie.

« Les loups à l’intérieur » d’Edoardo Nesi (Le navire de Thésée)

Edoardo Nesi aime plus que ses personnages, il en est amoureux et nous sommes avec lui, et comme peu d’autres, il a la touche magique de nous raconter le déclin de notre pays dans ses aspects les plus amers, comiques et grotesques. Ses protagonistes sont des anti-héros voués à la défaite qui vont vers la ruine le sourire aux lèvres.on les a déjà rencontrés dans les plus belles comédies italiennes ou dans quelques chansons bijoux de Paolo Conte.

On répète souvent que seule la littérature américaine est capable de dépeindre poétiquement la province dans ses replis les plus profonds, les plus drôles et les plus mélancoliques… Mais c’est ce que disent ceux qui n’ont jamais lu Edoardo Nesi.

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