Le gouvernement flamand poursuit ses plans pour l’azote : « De nombreux jeunes agriculteurs travailleront pour le moment ailleurs », prévient le président du Boerenbond

Malgré un nouvel avis critique du Conseil d’Etat, la majorité flamande souhaite approuver mercredi son décret sur l’azote au Parlement. Le président du Boerenbond, Lode Ceyssens, prédit une longue lutte juridique à mort : « Tôt ou tard, ce bâtiment s’effondrera ».

Anne De Boeck

Le syndicat des agriculteurs s’oppose depuis des années à la réglementation sur l’azote. Vous sentez-vous renforcé par le Conseil d’État ?

Ceyssens : « Oui. Cela confirme ce que nous disons depuis longtemps : que la position de départ de l’actuel décret sur l’azote est complètement erronée. Le gouvernement flamand a opté pour un modèle de calcul qui cartographie la quantité d’azote qui précipite dans la nature environnante. La quantité maximale d’azote qu’il peut traiter est déterminée pour chaque réserve naturelle. Il s’agit de la « valeur critique de dépôt » (KDW). On calcule ensuite dans quelle mesure un projet contribue à ce dépôt maximum. C’est le score d’impact. Le Conseil d’État confirme désormais que ce score d’impact n’est pas un bon paramètre car il offre trop peu de certitudes.»

Les conseils ne réduisent pas complètement le score d’impact.

« C’est exact. Mais si la Flandre veut travailler avec ce modèle de calcul, elle doit, selon le Conseil d’État, veiller à ce qu’il ne dépasse nulle part la valeur critique de dépôt. Et c’est irréalisable. En adhérant à un modèle impossible, la Flandre organise son propre gel des permis.»

« Ce n’est pas que nous n’avions pas vu cela venir. Aux Pays-Bas, ils se sont heurtés à un gel des permis avec la même approche. Même l’Institut flamand de recherche technologique (VITO) a averti que le modèle de calcul n’était pas fiable.»

Et si la majorité flamande approuvait mercredi le décret actuel ?

« Il ne nous reste alors qu’une seule option : la Cour constitutionnelle. Je ne peux pas fournir plus de détails à ce sujet. Nous avons six mois pour nous armer légalement.»

Les agriculteurs qui souhaitent avoir plus de clarté sur leur avenir ne sont-ils pas plus éloignés ?

« Cela fait deux ans qu’ils attendent des éclaircissements. Si ce décret est approuvé, il y aura encore de nombreuses années d’incertitude. Car alors, ils ne sauront toujours pas si d’éventuels investissements dans des applications à faible teneur en azote seront rentables ou non. Cela ne pourrait pas être pire.

Le ministre de l’Agriculture Jo Brouns (CD&V) est formel : le décret azote actuel doit être introduit. Dans le cas contraire, l’économie flamande s’arrêtera.

«On pourrait croire qu’après toutes ces critiques, les partis de la majorité apprendraient de leurs erreurs, mais ce n’est apparemment pas le cas. Ils invoquent sans cesse l’argument selon lequel il faut décider rapidement.»

«La majorité flamande continue de s’accrocher désespérément à une maison délabrée. Le patchwork est constamment réalisé, alors que tout le monde sait que tôt ou tard il s’effondrera. Les fondations sont pourries de part en part. Il ne reste en réalité qu’une seule option : tout démolir et tout reconstruire. »

Comment on sort d’ici ?

« Au lieu de s’intéresser aux précipitations d’azote dans la nature, nous devrions nous intéresser aux émissions d’azote. Nous devons ensuite élaborer un plan d’action clair pour réduire ces émissions. En d’autres termes, un passage d’une politique de dépôt à une politique d’émission.

«Je constate que le gouvernement flamand prend progressivement conscience de cette prise de conscience, car dans l’accord sur l’azote modifié de novembre, il s’est engagé à œuvrer pour une telle politique d’émissions d’ici 2030. C’est encourageant, mais cela arrive trop tard.

Pourquoi est-il tellement préférable d’examiner les émissions ?

« Parce que nous pouvons mesurer les émissions d’azote avec beaucoup plus de précision que ses précipitations sur la nature. Et parce que l’on peut alors tenir compte de la démographie des agriculteurs flamands. Près de la moitié des émissions d’azote provenant des animaux proviennent d’agriculteurs de plus de 50 ans. À peine 12 pour cent d’entre eux ont un successeur prêt. D’ici quelques années, une grande partie des émissions d’azote en Flandre disparaîtra automatiquement. Nous pouvons répartir le reste des efforts entre ceux qui restent.

Est-ce réaliste ? Le Conseil d’État précise clairement que la Flandre ne peut pas délivrer d’autorisations sur la base d’une diminution présumée de l’azote.

«C’est parce que nous naviguons à l’aveugle avec les plans actuels. Grâce à notre proposition, nous serons en mesure de prédire avec beaucoup plus de précision le montant des bénéfices qui seront réalisés à l’avenir. C’est donc moins incertain.

Que disent les agriculteurs lorsqu’ils vous abordent ces jours-ci ?

« Ils sont inquiets. Les personnes âgées se demandent s’il est judicieux de laisser leur fils ou leur fille reprendre l’entreprise. Les jeunes se demandent s’ils doivent quand même commencer. En attendant des éclaircissements, beaucoup travaillent temporairement dans un autre secteur après leurs études. Mais les jeunes agriculteurs d’aujourd’hui sont très instruits. Le marché du travail peut bien les utiliser. Une fois qu’ils quittent la ferme, ils ne reviennent souvent jamais. Ces entreprises familiales disparaissent.

« C’est dommage. En période d’instabilité géopolitique, on pourrait penser que nous protégerions notre production alimentaire locale du mieux que nous pouvons. Aujourd’hui, nous chassons les agriculteurs de leurs fermes. »

Peut-on s’attendre à de nouvelles manifestations ?

« Que pouvons-nous faire d’autre? Nous avons déjà conduit 3.000 tracteurs à Bruxelles, formulé des propositions et exercé des pressions de toutes sortes. La Cour constitutionnelle est la seule option qui nous reste.»



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