Quiconque trouve la musique pop prévisible ou qui en a assez de la structure couplet-refrain-couplet peut se plonger chaque année dans le festival Rewire à La Haye. Pendant trois jours, l’accent est mis sur la musique en dehors du schéma pop. Plus c’est différent, mieux c’est. Non pas qu’il y ait du dilettantisme. Au contraire, les performances du vendredi, la première des trois soirées, ont excellé en précision dévouée. Le fait que le résultat caresse agréablement les cheveux est organisé avec précision.
L’arrangement des musiciens s’écarte également d’un concert moyen. Par exemple, le contremaître du Jameszoo était assis derrière une table avec du matériel, dos au public ; les onze membres de Bang on a Can se tenaient dans un arc en forme de fer à cheval, mais le plus surprenant était la formation de Ryoji Ikeda. Sur la scène de la grande salle du nouveau pavillon de musique Amare, Ikeda, célèbre artiste électronique, a présenté sa collaboration avec les musiciens des Percussions de Strasbourg. Cent cymbales sur des supports se tenaient sous une forme matricielle : dix par dix cymbales. Les cymbales étaient jouées par dix musiciens. Ils frappaient le milieu du bassin avec leurs bâtons, de sorte qu’il ne bruissait pas mais tapait. Les dix d’entre eux étaient aussi doux que des montres, et aussi réguliers. Pendant ce temps, une chorégraphie minimale mais admirable a également été exécutée: exactement au même moment, deux musiciens se sont déplacés vers d’autres cymbales. Les éruptions à la fin de ce spectacle aussi bien visuel que musical ont été maîtrisées : les cymbales ont été laissées brûler un moment avant d’être étouffées avec les mains.
Jeu de questions-réponses sophistiqué
L’invitée principale de cette édition Rewire était la musicienne d’avant-garde américaine Meredith Monk. Il y avait des films sur elle et Monk se produisait tous les jours, comme samedi avec Bang on a Can. Les deux ont été vus séparément vendredi. Bang on a Can avec l’Ensemble Klang de La Haye semblait parfois un peu mal à l’aise, mais vers la fin réconfortant dans un jeu de questions-réponses raffiné.
À Amare, Meredith Monk, 79 ans, accompagnée de quatre chanteurs, a célébré la discipline. Sa musique, sans instruments et en grande partie sans paroles, se compose de voix empilées et palpitantes, comme une mosaïque de voix. Monk travaille généralement avec des hommes et des femmes, dit-elle, mais avec cette chorale, elle veut contrebalancer le « monde patriarcal actuel ». Le quintette marchant, chantant en vêtements blancs, faisant des mouvements subtils et s’enlaçant, était étonnamment beau et, malgré leurs visages impassibles, aimant. Monk disait parfois quelque chose de simple qui semblait toujours sage.
La discipline a été franchie en fin de soirée par Alabaster DePlume, né Gus Fairbairn. Le saxophoniste britannique a récemment réalisé l’album or, saluée pour sa sonorité veloutée alliée à la poésie. Ici, il a joué avec un groupe mais a toujours interrompu le jeu pour une sagesse sur l’amour et la colère intérieure, prononcée avec un regard possédé. Le « poète de la performance » dominait le saxophoniste.
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