Le dramaturge et metteur en scène Karst Woudstra a été d’une valeur inestimable pour le théâtre néerlandais

Intrigues dans les plus hautes sphères, personnages en costumes historiques noirs à cols blancs, le jeune gay vacillant Carlos, fils de Philippe II d’Espagne : avec la pièce Scènes de cour Le dramaturge et metteur en scène Karst Woudstra a immédiatement établi sa réputation en 1981. Dans le personnage de Carlos, il a mis beaucoup de lui-même : le fils innocent en conflit avec son père et peut-être aussi en avance les innombrables conflits auxquels Woudstra a dû faire face au cours de sa carrière ultérieure au théâtre. Mardi dernier, le 29 août, il est décédé dans sa ville natale d’Amsterdam, après une longue maladie. Il a lui-même décidé de mettre fin à ses jours à 12h00, comme il l’a annoncé sur sa page Facebook. Il avait 76 ans.

Karst Woudstra est né à Leyde en 1947. Ses parents ont eu un mauvais mariage et le jeune Woudstra s’est enfui de chez lui à l’âge de seize ans, il avait déjà tenté de se suicider en prenant du poison végétal. Il fut très tôt attiré par le théâtre scandinave avec des dramaturges tels qu’Henrik Ibsen et August Strindberg. À Stockholm, il étudie le théâtre et découvre l’œuvre du dramaturge Lars Norén (1944-2021), dont les pièces comme Démons et Le lèche-givre traduit en néerlandais; il s’efforça également de garantir que Norén – avec qui Woudstra se lia d’amitié – soit joué par les compagnies néerlandaises. Il a lui-même mis en scène en 1983 au Théâtre Public de Norén La nuit, mère du jour, une tragédie familiale avec Ton Lutz et de jeunes et brillants acteurs comme Pierre Bokma et Hans Dagelet. C’est devenu l’une des performances les plus importantes de la compagnie.

Belgique

Woudstra est considéré comme un homme au caractère difficile qui, malgré ses succès, se considère sous-estimé et pas toujours compris. Il souffrait également de dépression. Lorsqu’il allait au théâtre ou dans les rues d’Amsterdam, il était toujours vêtu de noir profond, dernièrement il s’appuyait sur une canne. Woudstra a travaillé intensivement avec le réalisateur Gerardjan Rijnders, qui a également Hofsènes amené sur les lieux. Avec Rijnders et Ger Thijs, il voulait faire du Publiekstheater, le prédécesseur de l’actuel Théâtre International d’Amsterdam (ITA), la compagnie de répertoire la plus importante de notre pays, mais le projet échoua et Woudstra partit désillusionné pour la Belgique. Là, il menait une vie solitaire, vivait dans des pensions. Sa dernière direction était au Stadsschouwburg Silence de Norén, un titre symbolique.

Néanmoins, il se rétablit et recommence à écrire et à mettre en scène, non seulement pour la compagnie flamande De Korrekelder avec laquelle il trouve des liens, mais aussi avec le Noord Nederlands Toneel et le Théâtre National, entre autres. Il a également travaillé au sein du Royal Dramaten de Stockholm, dans la compagnie du metteur en scène de théâtre et de cinéma Ingmar Bergman.

L’importance de Woudstra pour le théâtre néerlandais depuis ses débuts Scènes de cour en inestimable. Non seulement en raison de ses traductions d’auteurs dramatiques scandinaves, mais aussi en raison de son propre travail de metteur en scène et d’auteur dramatique. Dans sa pièce Un poteau noir (1992, réalisé par Albert Lubbers) il a donné une forme supérieure à la peur du citoyen néerlandais face aux travailleurs migrants. Il était unique que ce sujet soit traité de manière aussi incisive sur scène. D’autres grandes pièces de Woudstra sont Enterrer un chien (1989), La main gauche de Meyerhold (1990) et Horloge Colombe (1993). Tant dans ses mises en scène que dans ses propres textes, Woudstra était opposé à toute mode ; il était strict dans la doctrine du théâtre de texte marié à cet égard. Son œuvre, comme celle d’Ibsen et de Norén, appartient au réalisme psychologique qu’il dépeint avec une grande intensité. Il a utilisé le grossissement et les émotions fortes.

Retiré

Son texte Les gris silencieux d’une journée d’hiver à Ostende (1993), mis en scène par Noord Nederlands Toneel en collaboration avec la Koninklijke Vlaamse Schouwburg de Bruxelles, ressemble à un autoportrait de l’auteur : il s’agit d’un dramaturge qui s’est amèrement retiré en Sicile où il pleure la mort de son jeune frère. Il veut lui donner vie sur scène. Dans une interview avec le dramaturge Alex Mallems, publiée en guise d’introduction à Un poteau noir, dit Woudstra : « Le théâtre est tout dans ma vie. C’est un substitut de la réalité, d’où mon objectif de vivre la réalité sur scène. Pour Woudstra, faire du théâtre, comme il le dit dans la même interview, était lié à sa « volonté de survivre » afin de vaincre ses « pouvoirs destructeurs ».



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