« Le cyclisme ne devrait pas être une question de vie ou de mort »: l’accident mortel de Mäder appelle à des normes de sécurité uniformes


Le Suisse Gino Mäder (26 ans) n’a pas survécu à un grave accident sur les genoux de son pays. Une fois de plus, des questions se posent sur la sécurité à vélo, mais des mesures concrètes suivront-elles cette fois-ci ? L’association des cyclistes professionnels travaille actuellement sur un règlement pour l’UCI et les organisateurs.

Frank Van Laeken

Col de l’Albula. De nombreux passionnés de cyclisme auront cherché sur Google exactement où il se trouve ces dernières heures, après la difficile étape de montagne du Tour de Suisse de jeudi. Réponse : Les Grisons, le seul canton officiellement trilingue de ce pays. La raison de cette recherche n’est malheureusement pas le déroulement héroïque du match.

Le pilote de l’équipe Bahrain Victorious, Gino Mäder, qui a eu 26 ans au début de cette année, s’est écrasé dans le naufrage de l’Albula avec Magnus Sheffield. L’Américain s’en est sorti avec des contusions et une commotion cérébrale. Mäder est tombé à plusieurs mètres de profondeur, s’est retrouvé dans une rivière dans le ravin et a été réanimé sur place, mais est décédé vendredi matin des suites de ses blessures.

Son palmarès comprend des étapes du Giro et du Tour de Suisse en 2021, ainsi que le classement des jeunes coureurs de la Vuelta. Sacré grimpeur, soucieux de l’environnement, altruiste, toujours souriant, c’est ainsi que ses collègues se souviendront de lui.

Gino Mader.ImageAFP

Les règles de sécurité

Mäder n’est pas le premier et, c’est à craindre et à attendre, pas le dernier à ne pas survivre à une chute grave. Depuis la mort de Fabio Casartelli lors de la quinzième étape du Tour 1996, on parle de plus de sécurité en course. Palaved, en fait, car les incidents ne cessent de s’accumuler. Une arrivée après une descente dangereuse, comme jeudi, n’est plus une exception. Des soirées d’escalade sur des routes inaccessibles en montagne : ça semble en faire partie. Les sprints en descente ou après un virage serré ne sont pas nouveaux non plus.

Pas plus tard que la semaine dernière, l’union cycliste internationale UCI a annulé la dernière étape du Tour des Pyrénées féminin, car les coureurs étaient en grève en raison d’une mauvaise organisation. Trop peu de signaleurs, des voitures qui ont juste tourné sur le parcours, des participants qui ont failli tomber parce qu’un bus s’est subitement mis en travers.

Les secouristes ressuscitent le cavalier dans un ravin.  Photo Photo Nouvelles

Les secouristes ressuscitent le cavalier dans un ravin.Photo Photo Nouvelles

Plus tôt cette année, le CPA (Cyclistes Professionnels Associés), qui représente les intérêts des professionnels du cyclisme, s’était déjà réuni autour de la sécurité. « Les coureurs sont préoccupés par ce genre d’arrivée », a écrit jeudi le président du CPA, Adam Hansen, sur Twitter. Le CPA travaille sur un règlement qui sera présenté à l’UCI et aux organisateurs. « Malheureusement, mon travail n’est pas assez rapide », doit maintenant conclure Hansen. « Mais nous y arriverons. »

Remco Evenepoel a annoncé jeudi immédiatement après l’arrivée de la cinquième étape, mais avant que la gravité de l’état de Mäder ne soit devenue tout à fait claire, qu’il était irresponsable de placer cette descente dangereuse à la fin de l’étape reine. « Il aurait été préférable de mettre l’arrivée en haut », a-t-il déclaré. « J’espère que cela donne matière à réflexion, à la fois pour les organisateurs et pour nous-mêmes en tant que coureurs. » Le coureur danois Mattias Skjelmose, leader du classement en Suisse, l’a contredit. Il l’a appelé partie du travail.

A Coire, les coureurs ont cherché du réconfort au-delà des frontières de l’équipe vendredi après-midi lorsque la nouvelle de la mort de Mäder leur est parvenue. Ils étaient tout juste prêts à s’élancer dans la sixième étape dont la valeur sportive s’est soudainement réduite à néant. Ils n’ont parcouru que les trente derniers kilomètres du parcours en groupe.

Le désarroi des collègues est grand.  Photo Photo Nouvelles

Le désarroi des collègues est grand.Photo Photo Nouvelles

Folie

La journaliste cycliste Renaat Schotte, qui commente les manches de Sporza, ne se sent pas bien placée pour porter un jugement sur ce qui est arrivé à Mäder. « Je n’ai pas tous les éléments, je n’ai même pas vu les images pour le moment. Mais il est clair que beaucoup peut être fait pour améliorer la sécurité du peloton cycliste. À mon avis, l’UCI devrait s’efforcer d’uniformiser la sécurité au sein du WorldTour. Je pense à une équipe qui parcourt le monde et vérifie les parcours des compétitions à venir et oblige les organisateurs à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire.

Le matinle chroniqueur Hans Vandeweghe est d’accord avec Schotte sur le principe. Máár : « Nous savons déjà que l’UCI a trop peu de personnel et de ressources pour cela, car le cyclisme repose sur un modèle économique fragile. Des questions telles que « Faisons-nous cela ? » ou « Est-ce faisable? » ne sont jamais demandés. En fait, chaque arrivée après une descente est une folie. Les coureurs arrivent au sommet totalement perdus puis ils descendent à cent à l’heure, ce qui fait qu’ils font parfois des erreurs de pilotage.

« Le cyclisme ne devrait pas être une question de vie ou de mort », déclare Thijs Zonneveld, cycliste et observateur critique du cyclisme au nom de Journal général. « Les coureurs ne sont pas des soldats, ce sont des personnes. En tant que cyclistes, nous devons également l’accepter. Je trouve très difficile que le spectacle soit préféré à la sécurité au quotidien. C’est très triste que l’UCI et de nombreux organisateurs ne s’en soucient pas, je ne peux pas le dire autrement. »

L’UCI s’en est tenue à une annonce sèche sur le site, dans laquelle c’est « avec une grande tristesse » que Mäder est décédé. Pas un mot sur les circonstances.



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