Le commerce belge avec les diamants russes est-il encore justifié ? La réponse ne peut être que non

Bart Eeckhout est rédacteur en chef de Le matin

Bart Eeckhout22 mars 202219:29

Lorsque l’Union européenne et les États-Unis ont initialement répondu à l’invasion russe de l’Ukraine par des sanctions économiques, certaines personnes ont ri. Comme si la preuve de l’impuissance de l’Occident face à la direction autocratique de l’Est était désormais délivrée. Entre-temps, il est devenu évident que malgré toutes les agressions, la Russie est très vulnérable et que les sanctions ont un impact immédiat et majeur.

Pourtant, la politique de sanctions reste entourée d’un nuage d’ambiguïté. Des secteurs importants continuent d’échapper au risque parce qu’ils sont jugés trop intéressants pour leur propre économie. En Belgique, il s’agit de diamants. Officiellement, le gouvernement belge nie avoir « fait pression » pour la dérogation pour les diamants. Mais notre pays doit admettre qu’il a demandé à la Commission européenne d’épargner un peu le secteur du diamant, comme l’ont déjà montré les recherches de ce journal le week-end dernier. Nous laissons aux linguistes le soin de juger si oui ou non une telle chose peut être appelée lobbying.

Malheureusement, ce n’est pas un jeu de langage. Plus de 90 % des diamants bruts russes sont commercialisés par l’intermédiaire de la société semi-étatique Alrosa. La majorité des exportations d’Alrosa sont destinées à Anvers. Les revenus de plusieurs milliards de dollars de ce commerce affluent dans les coffres de Poutine et financent même directement la technologie militaire, y compris l’industrie russe des armes nucléaires.

Cela pose au gouvernement fédéral, au conseil municipal d’Anvers et à l’ensemble du secteur belge du diamant une question de conscience qu’ils ne peuvent plus éviter. Le commerce avec le géant russe du diamant peut-il encore se justifier ? La réponse ne peut vraiment être que non. Le commerce des diamants via Anvers est un important bailleur de fonds du régime de Poutine et donc aussi de sa guerre brutale et illégale. Ce robinet d’argent serait également mieux fermé.

Le succès exigera la coopération. Il faut éviter que le commerce russe se déplace du jour au lendemain vers Dubaï. C’est pourquoi la pression internationale devra être exercée sur Dubaï (ainsi qu’Israël et les États-Unis) pour qu’ils ne fassent pas d’affaires sur la base d’une guerre sanglante. Alrosa devrait également être coupée du reste du circuit du diamant – des mines en Angola aux polisseurs en Inde en passant par les bijoutiers à New York.

La Belgique et Anvers ne peuvent pas le faire seules. Il s’agit d’un processus difficile qui comporte des risques économiques. Pourtant, nous ferions mieux. Incidemment, la question de conscience s’applique particulièrement au secteur du diamant lui-même. Les fédérations sectorielles parlent sans cesse d’une nouvelle culture et de diamants propres, loin de l’histoire sanglante de la pierre précieuse. S’il existe un type de diamant que l’on peut qualifier de « diamant du sang », c’est bien le diamant Alrosa. La confirmation tragique de cela entre chaque jour dans notre salon, à travers des images de Marioupol et de Kharkiv.



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