Le chef suprême du Hamas reste hors de portée d’Israël : il vit dans le luxe au Qatar

Israël est déterminé à « détruire » le Hamas et voudra liquider autant de dirigeants que possible. Qui sont-ils d’ailleurs ? Le leader politique, qui ne réside pas à Gaza, et trois autres qui figureront en tête de liste.

Sacha Kester

Le langage dur d’Israël ne laisse aucun doute là-dessus. Après l’attentat du 7 octobre qui a fait 1 340 morts Des Israéliens ont été tués, le pays ne se contente plus d’un Hamas affaibli, comme c’était le cas dans le passé. Le régime doit être renversé afin qu’il ne puisse plus jamais attaquer Israël.

En pratique, cela signifie qu’Israël veut décimer complètement la puissance de combat de l’organisation : les missiles, les drones et les armes antichar, mais aussi les centres de commandement militaire et les tunnels qui traversent toute la zone. En outre, il voudra liquider autant de dirigeants de l’organisation que possible.

La liste des noms est longue, mais Ismail Haniyeh, la figure la plus importante, ne pourra pas toucher Israël : le leader politique du Hamas n’est pas du tout à Gaza, mais mène une vie de luxe au Qatar.

Peu après l’attaque du Hamas, une vidéo a circulé dans laquelle Haniyeh suit l’évolution de la chaîne Al Jazeera depuis son brillant bureau de Doha, la capitale du Qatar. Il montre l’écran avec enthousiasme puis s’agenouille devant Dieu avec son peuple, en signe de gratitude pour le succès du massacre.

Petit-fils nommé d’après Erdogan

Haniyeh (61 ans) est le fils de réfugiés ; Palestiniens qui ont été expulsés après la création de l’État d’Israël en 1948 et se sont retrouvés dans un camp de tentes à Gaza. Il est né en 1962 dans un quartier pauvre et était déjà actif pour le Hamas en tant qu’étudiant en littérature arabe à l’Université islamique de la ville de Gaza. En 1997, Haniyeh est devenu secrétaire personnel de Cheikh Yassin, fondateur et chef spirituel de l’organisation. Durant cette période, il a noué de bonnes relations avec les pays qui soutiennent le Hamas : l’Iran, le Qatar et la Turquie – par exemple, un petit-fils de Haniyeh porte le nom du président turc Erdogan.

Lors des élections palestiniennes de 2006, il était le chef du Hamas et, si l’organisation gagnait, il pourrait se faire appeler Premier ministre de Gaza. La difficile coopération avec le parti rival Fatah a abouti à une guerre civile féroce qui a duré une semaine plus tard, et le Fatah laïc a été expulsé de Gaza.

Sa position fait de Haniyeh un homme riche, notamment grâce à la taxe de 20 pour cent que le Hamas prélève sur les marchandises passées en contrebande via les tunnels depuis l’Égypte vers Gaza. Il aurait acheté de nombreux appartements, villas et immeubles au nom de ses enfants (Haniyeh en a treize) – ce qui contraste fortement avec la pauvreté à laquelle luttent la plupart des habitants de Gaza.

Haniyeh lui-même est parti depuis longtemps : en 2017, il a été élu chef du bureau politique du Hamas et depuis 2019, il dirige l’organisation depuis le Qatar. Cela aussi est très différent du sort des civils à Gaza, dont la plupart n’ont jamais quitté ce territoire étroit et surpeuplé.

Un bras, une jambe et un œil

En tête de liste des dirigeants qu’Israël peut frapper figurent trois noms. Le premier est celui de Mohammed Deif, le chef militaire du Hamas. Ce personnage mystérieux n’a pas été vu en public depuis des années, mais Israël le tient pour responsable de la mort de dizaines de civils dans des attaques (suicides).

Il y a eu de nombreuses tentatives pour liquider Deif, et les responsables de la sécurité israélienne affirment qu’il a perdu un bras, une jambe et un œil, mais il a survécu à chaque attaque. Sa femme et son fils de huit mois ont été tués lors d’un bombardement israélien contre sa maison en 2014, et sa fille de 3 ans a également été tuée.

Le deuxième homme est Yahya Sinwar, responsable des affaires quotidiennes de Gaza. Il est le fondateur des services secrets du Hamas, le Majd, qui s’occupent des questions de sécurité dans la bande de Gaza et identifient les espions israéliens. Sinwar a été arrêté trois fois et la dernière fois, en 1988, il a été condamné à quatre peines d’emprisonnement à perpétuité. Cependant, il a été libéré lors d’un échange de prisonniers en 2011.

Depuis 2017, il est le principal dirigeant du Hamas à Gaza et est considéré comme le commandant en second au sein de l’organisation. D’un côté, il est considéré comme un partisan de la ligne dure, mais dans le même temps, Sinwar a amélioré ses relations avec l’Égypte et est un partisan de la réconciliation entre le Hamas et le Fatah.

Rarement en public

Il y a enfin Marwan Issa, le bras droit de Mohammed Deif. C’est aussi une ombre qui apparaît rarement en public. Il est actif pour le Hamas depuis des décennies, mais ce n’est qu’en 2011 que son apparition a été connue, lorsqu’il est apparu sur une photo de groupe accueillant les prisonniers échangés. Il est soupçonné de jouer un rôle majeur dans la planification d’attentats en Israël, notamment ceux d’il y a deux semaines.

Mais quel que soit celui qui parvient à éliminer Israël, la mort des dirigeants n’aura finalement que peu d’effet : il y aura toujours des gens qui voudront combattre Israël jusqu’à la mort. De plus, il n’y a jamais eu un seul leader charismatique : le mouvement lui-même est toujours au-dessus du leader. Le Hamas est un dragon à plusieurs têtes, qui repoussent dès qu’une d’entre elles est coupée.





ttn-fr-31