Le chef d’EDF et le gouvernement français s’affrontent sur la stratégie


Le gouvernement français et le directeur général qu’il a choisi pour diriger le groupe électronucléaire public EDF se sont affrontés sur la stratégie et le financement, alors que le pays se prépare à son plus grand programme de construction de réacteurs depuis des décennies.

L’Etat, qui a récemment renationalisé EDF, est en désaccord avec le patron Luc Rémont sur certains de ses projets visant à rendre le groupe plus rentable après sa nomination il y a un an, ont indiqué des sources proches des discussions.

«C’est assez tendu», a déclaré une personne proche des pourparlers.

En particulier, une refonte imminente de la manière dont les prix de l’énergie nucléaire sont réglementés en France a créé des fractures dans la mesure où EDF cherche à augmenter les prix pour attirer les capitaux indispensables, tandis que l’État veut contenir autant que possible les coûts de l’énergie pour les ménages et les entreprises. » ont ajouté les gens.

« Pour Rémont, il faut que les prix de l’électricité soient suffisamment élevés pour que le groupe puisse investir, et que le gouvernement ait des prix acceptables pour les consommateurs », a déclaré une autre personne.

Au fond, le débat autour d’EDF est un débat existentiel : ses dirigeants peuvent-ils et doivent-ils diriger le groupe comme une entreprise normale, même s’il s’agit d’une entreprise publique ?

Immeuble à appartements à Strasbourg, France
EDF recherche des prix plus élevés pour attirer les capitaux indispensables, tandis que l’État souhaite contenir autant que possible les coûts de l’énergie pour les ménages et les entreprises, ont déclaré des sources proches du dossier. © Benjamin Girette/Bloomberg

EDF a une dette nette de près de 65 milliards d’euros. Les finances du groupe se sont améliorées et le groupe a renoué avec les bénéfices au premier semestre 2023, mais Rémont a évoqué des besoins de dépenses annuels de 25 milliards d’euros par an, supérieurs aux 16-17 milliards d’euros qu’il prévoyait auparavant et qu’il ne souhaite pas. financer avec davantage de prêts.

En juillet, Rémont, ancien fonctionnaire et cadre du groupe industriel Schneider Electric, a déclaré lors d’une audition parlementaire qu’EDF était « toujours une entreprise et devait pouvoir fonctionner comme telle ».

« Si cela ne fonctionne pas avec Rémont, cela signifie que cela ne peut fonctionner avec personne », a déclaré un banquier parisien à propos des tensions entre le gouvernement et EDF. « Il y a toujours eu cette fiction selon laquelle une entreprise qui appartient à l’État n’est pas l’État. »

Les affrontements ont mis en évidence la difficulté de la France à surmonter les luttes intestines qui ont longtemps hanté l’ancien monopole, malgré la décision du gouvernement de prendre le contrôle à 100 pour cent et de nommer Rémont pour diriger cette nouvelle phase.

Les négociations sur les prix de l’électricité visent à remplacer le système dit Arenh, qui expire fin 2025, dans le cadre duquel EDF vend une partie de sa production à des distributeurs tiers et à des groupes industriels au prix fixe de 42 euros le mégawattheure. . Les prix de gros de l’électricité française se situent toujours au-dessus de 100 € par mégawattheure.

Tout mécanisme remplaçant l’Arenh devra obtenir le feu vert de Bruxelles, à un moment où l’UE tente également de s’entendre sur des réformes plus larges du marché de l’électricité. Celles-ci se sont enlisées dans des désaccords entre la France et l’Allemagne sur l’énergie nucléaire et sur la question de savoir si le secteur peut ou non bénéficier de certaines subventions.

Auparavant détenu à 84 pour cent par l’État, EDF est depuis des années aux prises avec des interventions de l’État que les dirigeants considèrent comme préjudiciables au groupe.

Tours de refroidissement dans une centrale nucléaire
EDF a enregistré des pertes record de 17,9 milliards d’euros en 2022 © José Cendon/Bloomberg

Cela a atteint son paroxysme lors de la crise énergétique européenne en 2022, lorsqu’EDF a dû payer la facture du plafonnement des prix de l’électricité pour les consommateurs, contribuant ainsi à ses pertes record de 17,9 milliards d’euros cette année-là, bien que le groupe ait également été critiqué pour ses propres échecs après des pannes de courant. ses réacteurs nucléaires.

La nomination de Rémont visait à marquer une évolution vers une structure plus cohérente de propriété totale de l’État, afin qu’EDF puisse relever son plus grand défi : la construction d’au moins six nouveaux réacteurs nucléaires en France, un programme de 52 milliards d’euros qui soutient le programme à faible émission de carbone du pays. stratégie. L’entreprise est également à l’origine de grands projets nucléaires ailleurs, notamment en Grande-Bretagne.

Il est désormais peu probable que Rémont présente à court terme le plan stratégique complet qu’il devait dévoiler publiquement d’ici cet été, ont indiqué des sources proches du dossier.

Au lieu de cela, il a tâté le terrain avec plusieurs propositions, notamment une vision plus axée sur le marché sur la manière dont EDF pourrait restaurer ses marges, ce qui est en contradiction avec le projet de l’État de réglementer et de fixer les prix de l’énergie nucléaire, ont indiqué les sources.

Cela inclut les appels d’offres lancés ce mois-ci pour des contrats d’électricité de 10 et 15 ans destinés à des fournisseurs d’électricité tiers tels que TotalEnergies et Engie qui revendent la production d’EDF, un nouveau format à long terme qui n’existait pas auparavant.

Un responsable français a déclaré que le gouvernement n’était pas convaincu par les propositions de Rémont parce qu’il les considérait comme irréalisables et irréalistes, et qu’elles pourraient ne pas être acceptées à Bruxelles par les régulateurs chargés de vérifier si EDF est conforme ou non aux règles de concurrence et d’aides d’État.

Le responsable a toutefois minimisé les tensions avec EDF, affirmant qu’en fin de compte les deux parties souhaitaient une solution.

« Nos intérêts sont alignés maintenant que l’État détient 100 pour cent de l’entreprise », a déclaré la personne. « Si EDF perd de l’argent, alors nous perdons de l’argent. »

Les proches d’EDF reconnaissent les différences entre la position de Rémont et celle de l’Etat mais ont également minimisé les tensions, soulignant que les échanges n’étaient pas hostiles.

EDF et le ministère de l’Energie ont refusé de commenter.



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